Par Sylvia Chebet
La nouvelle de la reprise des exportations de pétrole du Soudan du Sud a suscité des vagues d'enthousiasme dans la plus jeune nation du monde.
Le transport de pétrole brut à travers le Soudan s'était arrêté pendant près d'un an après que les combats au Soudan voisin eurent rompu un oléoduc clé, coupant le pétrole du Sud-Soudan du marché mondial.
Ce pays enclavé d'Afrique de l'Est expédie son pétrole vers le marché international du pétrole brut via Port-Soudan, sur la mer Rouge, le Soudan prélevant une partie des frais de transit.
"Nous sommes très heureux que notre ligne de vie soit de retour", a déclaré à TRT Afrika le Dr Abraham Maliet Mamer, conseiller économique principal du Soudan du Sud au sein du groupe économique.
"Il y avait de la liesse dans les rues de Juba et dans d'autres parties du pays lorsque le coup d'envoi a été donné", a-t-il renseigné, ajoutant : "C'est un moment que nous avons eu l'occasion de vivre. C'est un moment que nous attendions depuis si longtemps".
Pour les Sud-Soudanais, ce développement ne signifie pas seulement plus de revenus pour le gouvernement, mais aussi de l'argent dans leurs poches.
"Les personnes qui n'ont pas été payées depuis près d'un an, en particulier celles qui travaillent pour le gouvernement, vont maintenant recevoir leurs salaires aussi régulièrement que jamais", estime l'économiste.
Pas de salaires
"Rester sans salaire pendant un an est inconcevable pour quiconque, et pour l'ensemble de la fonction publique d'un pays, c'est déroutant", se désole Mamer. "C'est grâce à un acte collectif de patience et d'optimisme que les Sud-Soudanais ont pu traverser cette phase difficile", a-t-il ajouté.
"Vous savez, nous sortons d'une longue guerre. Nous avons tous fait preuve de résilience et de patriotisme".
Mais ce qui a réellement permis à de nombreuses personnes de survivre pendant des jours et des mois sans aucun revenu, c'est la culture de la vie en communauté du pays.
"Ils (les Sud-Soudanais) sont très gentils les uns envers les autres... Ainsi, même si les gens ne perçoivent pas de salaire, ils peuvent continuer à vivre en communauté. Les petites entreprises s'occupent des familles, des parents et même des amis", a-t-il expliqué.
Depuis février 2024, date à laquelle une partie de l'oléoduc a été détruite pendant la guerre au Soudan, les Sud-Soudanais se sont accrochés à la promesse de leur gouvernement, pensant que la fermeture était temporaire.
Notre gouvernement est enfin revenu avec un cadeau extraordinaire pour la nouvelle année. C'est un bon cadeau, surtout pour les personnes qui attendent d'être payées ; c'est le meilleur cadeau que nous puissions recevoir en tant que nation
Une économie en difficulté
Le Soudan du Sud, qui compte près 12 millions d'habitants, a hérité d'environ les trois quarts des réserves de pétrole du Soudan lorsqu'il a fait sécession et obtenu son indépendance en 2011.
Malgré ses richesses pétrolières, le pays a eu du mal à trouver ses marques, luttant contre les violences ethniques, l'instabilité politique, la pauvreté et les catastrophes naturelles.
"Nous savons que notre économie souffre", a déclaré Puot Kang Chol, ministre sud-soudanais du pétrole, lors d'une conférence de presse à Juba le 7 janvier.
"Nous pensons qu'avec la reprise des exportations de pétrole demain, les ressources seront de nouveau sur la table", a-t-il ajouté.
Le ministre a précisé qu'il s'agirait d'un processus progressif, avec un objectif initial de 90 000 barils par jour.
"C'est ce que l'oléoduc permettra d'acheminer dans un premier temps. Par la suite, si nous avons la capacité d'augmenter ce chiffre, nous le ferons », a dit Chol.
Avant la rupture, le pays produisait plus de 150 000 barils de brut par jour, selon le Statistical Review of World Energy de BP.
La reprise de la production de pétrole devrait donner un coup de fouet à l'économie assiégée.
"Vous savez, plus de 90 % de nos revenus proviennent du pétrole, vous pouvez donc voir l'impact", a fait remarquer Mamer.
Recettes attendues
Malgré les turbulences du marché mondial du pétrole brut, le Sud-Soudan prévoit de générer environ 400 millions de dollars par an grâce à ses exportations.
"Ces 400 millions de dollars sont suffisants pour payer toutes nos factures, nos fonctionnaires, nos frais de sécurité et même pour assurer la paix. La paix nécessite beaucoup d'argent", observe l'économiste.
Une solution pacifique à la guerre du Soudan, qui a débuté en avril 2023, pourrait grandement bénéficier au Sud-Soudan.
Des exportations de pétrole ininterrompues vers le marché mondial fourniraient des revenus réguliers, alimentant des industries telles que l'agriculture, l'industrie manufacturière et l'exploitation minière.
"C'est pourquoi nous voulons la paix dans la région, afin de pouvoir profiter de nos ressources... La guerre n'est pas une bonne chose. Elle détruit les infrastructures, la culture et les vies", a ajouté Mamer.
"Si les choses se passent bien, nous pourrons construire une raffinerie pour répondre à notre consommation locale, car nous exportons actuellement du brut et importons le produit fini, ce qui est très coûteux".
L'exportation du produit fini vers les pays voisins, tels que l'Éthiopie, le Kenya, l'Ouganda, le Soudan et la Somalie, serait une réalisation importante. Cela stimulerait la croissance économique non seulement au Sud-Soudan, mais aussi dans la région de la Corne de l'Afrique.