Ramaphosa a rejeté les allégations deTrump sur la nouvelle politique foncière sud-africaine (Photo : TRT Afrika)

Par Ongama Mtimka

Donald Trump et Elon Musk ont tenté de bouleverser l’équilibre politique en Afrique du Sud, alors que le pays s’efforce de maintenir un juste équilibre entre paix, stabilité et unité entre citoyens noirs et blancs d’une part, et de corriger les déséquilibres du passé, d’autre part.

L’administration Trump a utilisé des allégations infondées selon lesquelles le gouvernement sud-africain ciblerait les fermiers blancs pour attaquer Pretoria.

Ce faisant, il a suscité de faux espoirs chez certains groupes de pression, leur laissant croire qu’ils pourraient atteindre leurs objectifs politiques malgré les équilibres de pouvoir en Afrique du Sud, déterminés par les résultats électoraux.

Ces groupes de pression, qui ont toujours entretenu la peur des Blancs en Afrique du Sud pour obtenir un avantage politique, y voient une opportunité. Ils pensent pouvoir contrecarrer le pouvoir du gouvernement démocratiquement élu en exerçant une pression politique via Washington.

Cependant, leur tentative s’est retournée contre eux. Des citoyens de toutes origines – y compris ceux qui critiquent souvent le gouvernement sud-africain – sont soudainement passés en mode défense contre ce qu’ils considèrent comme une atteinte à la souveraineté nationale par Trump et Musk.

Les plateformes de médias sociaux et les médias traditionnels ont été inondés de réactions de la part d’experts, de citoyens ordinaires et de politiciens, dénonçant une campagne manipulatrice menée par Trump, qui semble agir dans l’intérêt d’Elon Musk et de Benjamin Netanyahu.

Musk est en colère contre l’insistance du gouvernement sud-africain à ce que son entreprise Starlink respecte les lois sur l’« autonomisation économique des Noirs » (Black Economic Empowerment) avant d’entrer sur le marché sud-africain.

De son côté, Netanyahu est furieux que l'Afrique du Sud ait intenté une action contre Israël pour génocide devant la Cour internationale de justice.

Les Sud-Africains ont su voir à travers ces manipulations et comprendre que la manœuvre de Washington n’a rien à voir avec le sort des fermiers blancs prétendument marginalisés, qui, en réalité, mènent des vies confortables dans des maisons luxueuses et possèdent des résidences secondaires en bord de mer.

Ils ne vont pas émigrer en masse vers les États-Unis en abandonnant une telle richesse.

Bien qu’ils ne représentent que 8 % des 63 millions d’habitants de l’Afrique du Sud, les Blancs restent le groupe socio-économique le plus avantagé du pays.

Par ailleurs, l’Afrique du Sud est l’un des rares pays au monde où les descendants des premiers colons européens – dont les gouvernements ont été responsables de nettoyage ethnique, de génocide et d’autres violations massives des droits humains – continuent d’être reconnus comme citoyens à part entière après que le pouvoir politique a basculé en faveur de la majorité noire autrefois opprimée.

Ainsi, ils sont chez eux en Afrique du Sud, un pays que beaucoup considèrent comme leur patrie depuis le milieu des années 1600, lorsque la période coloniale a commencé.

Ailleurs en Afrique, les populations de colons européens ont rapidement décliné après l’indépendance, à mesure que le pouvoir politique passait entre les mains de la majorité africaine, dirigée par les leaders des mouvements de libération contre le colonialisme.

La transition sud-africaine du début des années 1990 a été qualifiée de miracle.

En 1994, le pays a organisé ses premières élections démocratiques avec une véritable inclusion universelle, puis adopté en 1996 une nouvelle constitution considérée comme l’une des meilleures au monde. Depuis, les élections y sont restées pacifiques, libres et équitables.

Un élément clé de la Constitution sud-africaine, comme en témoignent son préambule, sa charte des droits et plusieurs de ses articles, est la reconnaissance de l’égalité des citoyens, des droits de propriété et de la nécessité pour le gouvernement de corriger simultanément les déséquilibres du passé.

Ainsi, la Constitution engage le pays à traiter tous ses citoyens sur un pied d’égalité tout en redistribuant les ressources.

Tout au long de la période démocratique, les tribunaux du pays ont été des piliers essentiels de la démocratie, salués pour leur impartialité dans le règlement des affaires politiques contre le gouvernement.

Le gouvernement a perdu de nombreux procès intentés contre lui, devant les tribunaux de première instance, la Cour suprême d’appel et la Cour constitutionnelle. Les citoyens ordinaires, les partis d’opposition, les groupes d’intérêts organisés et les entreprises ont pu engager des actions en justice contre l’État et l’emporter lorsque leurs arguments juridiques étaient plus solides.

Les tribunaux ont ainsi joué un rôle de rempart contre les abus de pouvoir, tant au niveau exécutif que parlementaire, au point d’irriter certains hauts responsables du parti au pouvoir, qui estimaient que les partis d’opposition gouvernaient le pays à travers les tribunaux.

Dans un véritable esprit démocratique, le parti majoritaire a promulgué des lois et des réglementations en fonction de ses objectifs politiques et économiques, tandis que l’opposition avait recours aux tribunaux lorsque ces mesures frôlaient l’inconstitutionnalité.

Telle est l’équilibre politique en Afrique du Sud.

C’est à juste titre que le président Cyril Ramaphosa a affirmé que les tentatives de Washington de forcer Pretoria à céder sur la loi d’expropriation et sur l’affaire de génocide contre Israël ne réussiront pas, car l’Afrique du Sud « ne se laissera pas intimider ».

L’auteur, Dr Ongama Mtimka, est un analyste politique indépendant en Afrique du Sud.

Clause de non-responsabilité : Les opinions exprimées par l’auteur ne reflètent pas nécessairement celles de TRT Afrika.