Par Nana Dwomoh-Doyen Benjamin
L'Afrique se trouve à un moment critique de son parcours éducatif. Malgré les progrès notables de l’accès à l’éducation, les programmes scolaires du continent sont souvent dépassés et ne permettent pas aux étudiants d’acquérir les compétences requises pour s’adapter aux exigences du XXIᵉ siècle.
Le thème 2024 de l’Union africaine, « Éduquer un Africain adapté au XXIᵉ siècle », vise à répondre à ce défi en prônant des systèmes éducatifs modernes, inclusifs et résilients à travers le continent.
En 2024, j’ai eu le privilège de participer à une série de consultations organisées par le Conseil économique, social et culturel de l'Union africaine (ECOSOCC). Ces rencontres ont rassemblé des organisations de la société civile, des experts en éducation et des décideurs politiques pour débattre de la nécessité urgente de réformer les programmes scolaires en Afrique.
Le constat était unanime : les cadres éducatifs doivent évoluer pour favoriser la pensée critique, la créativité et des compétences pratiques en phase avec les réalités du XXIᵉ siècle.
L’un des principaux défauts du système éducatif africain actuel est qu’il forme des étudiants dont les compétences ont peu de valeur dans la résolution des défis majeurs du continent.
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De nombreux pays africains forment les élèves à réussir leurs examens, mais pas à acquérir des compétences applicables.
Depuis des années, l’éducation en Afrique repose principalement sur l’apprentissage par cœur, où les élèves mémorisent de grandes quantités d’informations pour les réciter lors des examens avant de les oublier rapidement.
Un étudiant peut apprendre des concepts comme Pi R au carré, la force centrifuge ou les lois du mouvement, mais n’avoir aucune idée de leur application dans le monde réel. Cette fracture entre théorie et pratique empêche l'Afrique de répondre efficacement à ses propres défis à travers la formation de sa jeunesse.
Certains pays prennent des mesures pour transformer leur système éducatif.
Le Ghana, par exemple, a mis en place un Forum national sur l'éducation, une plateforme où divers acteurs débattent de l’avenir de l’éducation. Cette initiative vise à remplacer l’apprentissage par cœur par une approche basée sur les compétences, mettant l’accent sur la résolution de problèmes et l’innovation.
Le Rwanda a engagé des réformes éducatives majeures. L’African Leadership University (ALU) y propose un diplôme en « Défis mondiaux », où les étudiants doivent concevoir et mettre en œuvre des solutions aux problèmes concrets du continent.
Cette approche pratique et immersive prépare les étudiants à devenir des acteurs du changement dans leurs communautés. Cependant, ces initiatives isolées ne suffisent pas.
Un rapport du Partenariat mondial pour l’éducation indique que d’ici fin 2025, les pays africains visent à réduire de moitié le taux d’abandon scolaire au primaire (11 %) et à garantir que 46 % des élèves maîtrisent la lecture en fin de primaire.
Atteindre ces objectifs ambitieux nécessite un engagement à l’échelle du continent en faveur de la réforme des programmes scolaires.
Un élément clé de cette réforme est l’intégration de l’éducation STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) dans les écoles africaines.
Des études montrent que les élèves exposés à un apprentissage pratique et interactif en STEM développent de solides capacités de résolution de problèmes et comprennent mieux des disciplines comme les mathématiques et la pensée critique.
D'après un rapport de l'UNESCO, l’intégration des STEM améliore la performance en sciences et mathématiques de jusqu’à 30 %.
Si l’Afrique veut former des jeunes capables d’innover pour le continent et au-delà, ses systèmes éducatifs doivent adopter une approche plus appliquée des sciences et de la technologie.
Les organisations de la société civile jouent un rôle crucial dans cette transformation.
L’African Progressive Research and Innovations LBG (APRIL) est un exemple de structure à l’avant-garde du changement.
APRIL collabore avec des institutions éducatives à travers l’Afrique pour remplacer l’enseignement basé sur les examens par des approches centrées sur les projets et la communauté.
Grâce à ces initiatives, les étudiants apprennent à appliquer les connaissances théoriques à des défis concrets, favorisant l’émergence d’une génération de penseurs et d’acteurs du développement africain.
De nombreuses études montrent que l’apprentissage basé sur les projets (PBL) stimule la créativité et les capacités de résolution de problèmes des étudiants.
En s’engageant dans des projets concrets, les apprenants développent une compréhension approfondie des matières étudiées et de leurs applications réelles.
Malgré ces avancées, d’énormes défis demeurent.
L’UNESCO estime que l’Afrique devra construire 9 millions de nouvelles salles de classe et recruter 9,5 millions d’enseignants supplémentaires d’ici 2050 pour répondre à l’explosion démographique.
Cette statistique illustre l’urgence d’une réforme éducative globale, allant au-delà de l’infrastructure pour inclure une modernisation des programmes scolaires.
Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a révélé les lacunes du système éducatif africain. Si certains pays ont adopté des solutions innovantes d’apprentissage à distance, l’absence de préparation a mis en évidence la nécessité de programmes plus flexibles et résilients capables de faire face à de telles crises.
La voie à suivre nécessite un effort de collaboration. Les gouvernements doivent donner la priorité à l'éducation dans leurs budgets, en veillant à ce que des fonds soient alloués non seulement aux infrastructures, mais aussi à la formation des enseignants, à l'amélioration de la pédagogie et à l'élaboration des programmes d'études.
Les acteurs privés, y compris les entreprises et les organisations non gouvernementales, ont un rôle à jouer en investissant dans les technologies éducatives et en soutenant les méthodes d'enseignement innovantes.
En conclusion, l'avenir de l'Afrique dépend de sa capacité à doter sa jeunesse des compétences et des connaissances nécessaires pour naviguer et diriger dans un monde en constante évolution.
En adoptant des réformes des programmes scolaires qui donnent la priorité à la pensée critique, à la créativité et à l'application pratique, notamment par l'intégration des STIM, nous pouvons transformer nos systèmes éducatifs, qui sont des reliques du passé, en catalyseurs d'un avenir prospère.
L’auteur, Nana Dwomoh-Doyen Benjamin, est un écrivain ghanéen et une figure clé du projet Ubuntu Connect.
Clause de non-responsabilité : Les opinions exprimées par l’auteur ne reflètent pas nécessairement celles de TRT Afrika.