L’Assemblée des représentants du peuple (ARP, parlement tunisien) a adopté, avec une large majorité, un amendement de la loi électorale portant sur le retrait de la compétence du Tribunal administratif en matière de contentieux électoraux au profit de la Cour d’appel.
Le vote s’est déroulé lors d’une plénière extraordinaire de l’ARP consacrée à l’examen de cet amendement ‘’controversé’’, à dix jours de la présidentielle prévue le 6 octobre prochain.
Selon le correspondant d'Anadolu, 136 députés sur un total de 154 ont pris part au vote.
Le texte a été adopté avec 116 voix pour, 12 voix contre, et 8 abstentions.
Le président de l’ARP, Brahim Bouderbala, a déclaré, à l’issue du vote, que ‘’le Parlement a utilisé ses prérogatives constitutionnelles, à savoir : légiférer à travers l'examen, le débat, et le vote sur le projet de loi portant amendement de la loi électorale’’.
S'adressant aux députés, Brahim Bouderbala a ajouté : ‘’Ce que vous avez fait aujourd'hui est un tournant dans la lutte engagée par le peuple tunisien pour rétablir son prestige et sa souveraineté et mettre fin à la corruption’’.
Avant son entrée en vigueur, l’amendement doit être ratifié par le président de la République, Kaïs Saïed, et par la suite publié au Journal officiel de la République tunisienne (JORT).
La plénière de l’ARP a coïncidé avec un rassemblement organisé par des dizaines d’activistes devant le siège du Parlement, pour exprimer leur rejet de l’amendement de la loi électorale.
Le projet de loi prévoit de confier à la Cour d'appel, et non au Tribunal administratif, l'examen des litiges électoraux lorsqu'il s'agit de contester les décisions de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE).
Ce projet de loi, porté par 34 députés sur 161, indique que "l'une des raisons pour lesquelles le projet de loi a été proposé réside dans le différend entre le Tribunal administratif et l'Instance supérieure indépendante pour les élections, après que cette dernière a rejeté une décision du Tribunal administratif ordonnant la réintégration de trois candidats dans la course à la présidence".
Ces justifications n’ont cependant pas convaincu les partis d’opposition et les organisations de défense des droits de l’homme, qui considèrent que le véritable objectif de l’amendement était de ‘’prendre à revers la volonté populaire’’.
Les vacances parlementaires n'ont pas empêché la présidence de l'ARP de décider - lundi dernier - de tenir ce vendredi une plénière en urgence pour examiner et voter le projet de loi portant amendement de la loi électorale.
L’article 46 dudit amendement dispose que ‘’les décisions de l'ISIE pourront faire l'objet d'un recours par les candidats retenus par l’instance en charge de l’élection, devant la Cour d'appel de Tunis’’.
Quant à l’article 47, il dispose que ‘’les décisions rendues par la Cour d'appel peuvent faire l'objet d'un recours par les candidats concernés par ces décisions ou par l'ISIE devant la Cour de cassation’’.
Le 2 septembre, l'ISIE a annoncé que la liste finale des candidats retenus pour la course à la présidence se limitait à 3 personnes seulement, sur 17 dossiers de candidature, excluant ainsi les 3 autres candidats bien que le Tribunal administratif ait accepté leurs recours.
Le président de l'instance, Farouk Bouasker, a déclaré lors d'une conférence de presse que le président Kaïs Saïed, Ayachi Zammel (Mouvement Azimoun - opposition), et Zouhair Maghzaoui (Mouvement Echaab - partisan de Saïed), dont les candidatures ont été approuvées le 10 août, "sont les seuls à avoir été finalement retenus pour les élections présidentielles".
L’ISIE a également refusé de valider 3 candidatures au motif de « dossiers incomplets », malgré l'injonction du Tribunal administratif de les remettre dans la course. Il s'agit de : Abdellatif Mekki, secrétaire général du Parti de l'action et du progrès (opposition), Mondher Zenaidi (opposition), ancien ministre du président Zine El Abidine Ben Ali, et Imed Daimi (opposition), ancien directeur du cabinet de l’ex président Moncef Marzouki.
La décision de l'ISIE a suscité de vives réactions de la part de plusieurs partis et organisations de la société civile en Tunisie.
Il convient de noter que la campagne pour l'élection présidentielle tunisienne a débuté le 14 septembre et devrait se poursuivre jusqu'au 4 octobre, le scrutin devant se tenir deux jours plus tard.