Par Mehmet Cem Oğultürk
La première élection présidentielle de Donald Trump a surpris le monde entier, et sa politique étrangère unique a influencé des pays bien au-delà des partenaires les plus fidèles des États-Unis.
Pourtant, tout au long de sa présidence et même jusqu'à aujourd'hui, l'Afrique - le continent de demain selon de nombreux avis - a rarement fait surface dans les sentiments publics ou les points de l'agenda politique.
Au cours de son premier mandat, la politique africaine de Trump est apparue quelque peu désordonnée et sans direction. Toutefois, à l'approche de sa réélection, la question se pose de savoir quel rôle jouera l'Afrique dans le prochain mandat de Trump et quel en sera l'impact sur la stabilité du continent et sur les intérêts américains.
Le prisme de la Chine
Lorsque Trump s'est présenté pour la première fois aux élections, il n'a fait que peu de déclarations sur l'Afrique, ce qui ne laisse que peu d'indications sur sa position à l'égard du continent. Une fois élu, son attention s'est portée sur la sécurité, en particulier sur les efforts de lutte contre le terrorisme dans certains pays africains.
Cette démarche traduit la préférence de Trump pour des objectifs de défense à court terme, plutôt que la reconnaissance des besoins multiformes de l'Afrique, qui incluent la croissance économique et l'aide humanitaire.
La Chine a joué un rôle important dans la vision que Trump avait de l'Afrique. Considérant l'Afrique sous l'angle de sa guerre commerciale avec la Chine, Trump a suivi de près les relations commerciales entre l'Afrique et Pékin.
Cependant, au lieu d'offrir une alternative positive aux nations africaines, son approche (largement fondée sur la concurrence avec la Chine) a marginalisé l'influence des États-Unis et a suscité des critiques selon lesquelles il sous-évaluait le potentiel de l'Afrique.
La doctrine de « l'Amérique d'abord »
La position « America First » de Trump a également imposé des limites aux relations économiques avec l'Afrique. L'African Growth and Opportunity Act (AGOA), un programme lancé sous la présidence de l'ancien président Barack Obama pour stimuler les exportations africaines, a été accueilli avec indifférence par l'administration Trump.
Trump a montré peu d'intérêt pour la conclusion de nouveaux accords commerciaux avec les pays africains, indiquant ainsi que le développement des liens économiques entre les États-Unis et l'Afrique n'était pas une priorité. Cette attitude a limité les opportunités de croissance des deux côtés.
En donnant la priorité à ses intérêts nationaux, Trump a effectivement laissé un espace à d'autres puissances mondiales, en particulier la Chine, pour approfondir leur engagement. En ne capitalisant pas sur leur potentiel en tant qu'investisseur clé, les États-Unis ont manqué une occasion de renforcer leur présence économique sur le continent.
Coopération militaire
Si l'administration Trump a mis l'accent sur les relations économiques avec l'Afrique, elle a maintenu la coopération militaire, en particulier dans les régions aux prises avec le terrorisme, comme le Sahel et la Somalie.
Les États-Unis ont soutenu les mesures antiterroristes, se positionnant comme un acteur clé dans la lutte contre divers groupes, notamment Al Shabab en Somalie, les affiliés de Daesh au Sahel et Boko Haram au Nigeria, principalement par le biais de frappes aériennes, d'entraînements et d'échanges de renseignements avec les forces locales et régionales.
L'approche de Trump, axée sur la sécurité, ne s'est pas attaquée aux problèmes sociaux et économiques plus profonds de l'Afrique, ce qui en fait une solution à court terme plutôt qu'un remède durable.
Cependant, l'approche sécuritaire de Trump n'a pas abordé les problèmes sociaux et économiques plus profonds de l'Afrique, ce qui en fait une solution à court terme plutôt qu'une solution durable.
L'approche de Trump signifiait que la présence militaire américaine en Afrique servait à protéger les intérêts américains sans s'attaquer aux défis sous-jacents auxquels sont confrontées les sociétés africaines. Sa politique africaine s'est appuyée sur la force militaire pour maintenir son influence, plutôt que de favoriser une voie durable pour le développement de l'Afrique.
Ce dernier aurait permis de réduire l'instabilité et l'extrémisme à la racine, ce qui aurait été bénéfique pour la sécurité des États-Unis. Elle aurait également créé des opportunités économiques qui auraient renforcé les relations commerciales et diplomatiques entre les États-Unis et l'Afrique sur le long terme.
Une nouvelle guerre froide ?
Récemment, l'Afrique a attiré une attention considérable de la part des puissances mondiales, la Chine et la Russie faisant des percées significatives.
Si l'administration Trump a considéré l'influence croissante de la Chine avec inquiétude, elle n'a pas proposé d'approche alternative solide. Grâce à des investissements dans les infrastructures africaines et à des partenariats financiers, la Chine a développé une présence substantielle, tandis que la Russie a étendu son influence par le biais d'accords militaires.
En comparaison, l'administration de Trump n'avait pas de stratégie coordonnée pour contrer ces mouvements, ce qui a affaibli la position des États-Unis sur le continent à long terme.
Avec un état d'esprit « America First », la politique de Trump n'a pas réussi à freiner l'influence de la Chine et de la Russie en Afrique, transformant le continent en une arène critique dans la géopolitique mondiale. Le manque d'engagement de Trump risque de laisser les États-Unis sur la touche.
Le rôle futur de l'Afrique
Avec la réélection de Trump, une politique américaine élargie à l'égard de l'Afrique est nécessaire. L'Afrique, avec sa population jeune, ses vastes ressources naturelles et ses économies en plein essor, est appelée à jouer un rôle de plus en plus important sur le marché mondial.
Pour que les États-Unis restent pertinents, l'administration Trump devrait reconnaître l'Afrique comme un partenaire stratégique, en équilibrant les intérêts de sécurité avec des investissements dans des initiatives économiques, politiques et sociales.
Pour maintenir une présence forte, l'administration Trump devrait tirer parti d'outils tels que l'AGOA, favoriser les relations commerciales et encourager les investissements dans les projets de développement africains.
La présence militaire américaine ne devrait pas seulement se concentrer sur la lutte contre le terrorisme, mais aussi s'attaquer aux causes profondes de l'instabilité et soutenir des solutions politiques durables.
L'incertitude entourant la politique africaine de Trump a diminué l'influence des États-Unis, tandis que des pays comme la Chine et la Russie ont capitalisé sur cette lacune.
Dans un contexte de concurrence mondiale accrue, les États-Unis ne peuvent se permettre de négliger l'importance stratégique de l'Afrique
À l'avenir, Trump devrait viser une approche plus globale et plus cohérente à l'égard de l'Afrique.
En reconnaissant l'importance de l'Afrique dans la géopolitique mondiale et en renforçant les partenariats, les États-Unis peuvent redevenir un allié fiable et une puissance influente sur le continent.
Dans un contexte de concurrence mondiale accrue, les États-Unis ne peuvent se permettre de négliger l'importance stratégique de l'Afrique.
La construction d'alliances diplomatiques, économiques et militaires avec les nations africaines est cruciale pour garantir l'influence de l'Amérique et rester compétitif dans cette région essentielle.
L'auteur, Mehmet Cem Oğultürk, est actuellement directeur du Centre d'application et de recherche sur l'Afrique à l'université Aydın d'Istanbul et directeur du département des sciences politiques et des relations internationales. Il est diplômé de l'Académie militaire turque en 1993. Il a été chef du bureau de liaison et commandant par intérim pendant la phase d'établissement du centre de formation militaire TURKSOM en Somalie en 2016-2017. Ses intérêts académiques englobent la sécurité internationale et les relations transatlantiques, avec un accent particulier sur l'Afrique et les Balkans.
Clause de non-responsabilité : Les opinions exprimées par l'auteur ne reflètent pas nécessairement les opinions, les points de vue et les politiques éditoriales de TRT Afrika.