Par Mahmoud Shaaban
Pour la deuxième fois en autant de mois, le mouvement libanais Hezbollah a dû nommer un nouveau chef après que les deux précédents ont été tués par des missiles israéliens.
Le secrétaire général Hassan Nasrallah a été tué en septembre, tout comme son adjoint Hashem Safieddine, quelques jours après avoir été déclaré successeur de Nasrallah.
Au milieu des spéculations sur la viabilité de l'avenir du Hezbollah, la nomination de Naim Qassem en tant que nouveau secrétaire général semble davantage viser à maintenir la stabilité au sein de l'organisation qu'à en modifier l'orientation. Elle n'en est pas moins lourde de conséquences pour le Liban, l'Iran et la région.
Test de résistance
Il ne fait aucun doute que les coups portés par Israël au cours des derniers mois au Hezbollah, qui se positionne comme un soutien de la résistance palestinienne depuis octobre dernier, ont été bouleversants.
Bien que le mouvement ait gagné en popularité auprès de nombreux Arabes en s'opposant à l'agression israélienne, l'engagement du Hezbollah a eu un coût élevé, notamment à la suite des frappes israéliennes ciblées qui ont décimé les principaux dirigeants de l'organisation.
La nomination de Qassem reflète ce coût. Bien qu'il s'agisse d'une figure bien connue du parti, son image « populiste » soulève des questions quant à sa solidité et à son sérieux, nécessaires pour diriger en des temps aussi tumultueux.
Le choix de Qassem reflète non seulement un ajustement interne au sein du Hezbollah, mais souligne également la position précaire du parti face à l'escalade de l'agression israélienne.
La stratégie du Hezbollah consistant à s'engager dans un conflit limité avec Israël pendant la guerre contre Gaza s'est rapidement retournée contre lui. Malgré les tentatives du mouvement d'adhérer aux règles d'engagement établies, Israël a intensifié le conflit, allant au-delà de ces règles, ce à quoi le Hezbollah n'était pas préparé.
Cela a conduit à une série d'assassinats visant les dirigeants du Hezbollah. Cette agression israélienne incessante a non seulement mis le Hezbollah sur la défensive, mais a également constitué une menace existentielle pour sa survie en tant que force militaire importante soutenue par l'Iran.
Après l'assassinat d'Ismail Haniyeh en juillet au cœur de Téhéran, à la veille de l'investiture de Masoud Pezeshkian à la présidence, l'Iran a d'abord envisagé de reporter sa réponse militaire. Mais il s'est vite rendu compte qu'Israël était sur le point de compromettre l'« investissement » à long terme de l'Iran dans le Hezbollah.
Intervention directe
Les dirigeants iraniens ont donc opté pour une intervention rapide et directe dans le conflit, marquant ainsi un tournant décisif. Selon une source proche du candidat défait aux élections présidentielles iraniennes, Saeed Jalili, l'Iran "a décidé sans discussion d'entrer directement dans l'arène du conflit" avec Israël pour sauver le Hezbollah.
Deux stratégies principales sont apparues : mener des bombardements à l'intérieur du territoire israélien, dont le premier a eu lieu au début du mois, et restructurer la structure de commandement du Hezbollah sous l'égide des gardiens de la révolution iraniens.
Après l'assassinat de ses dirigeants en septembre, le commandant iranien de la Force Quds, Esmail Qaani, s'est rendu au Liban pour superviser la réorganisation du Hezbollah. Sa mission était claire : restaurer la capacité opérationnelle du parti à affronter Israël et tirer parti de la dynamique créée par les récentes actions militaires iraniennes.
Qaani n'est pas retourné en Iran tant que la direction du Hezbollah n'était pas stabilisée et qu'une nouvelle voie n'avait pas été tracée après le départ de ses principaux dirigeants. En l'espace de trois jours, la restructuration de Qaani a effectivement replacé le Hezbollah sous la supervision directe des gardiens de la révolution, alignant ainsi le parti plus étroitement sur les objectifs stratégiques de l'Iran.
Nouveau dirigeant
La nomination de Qassem est lourde de conséquences.
Cette figure relativement discrete dans le paysage politique du Hezbollah dirige désormais l'organisation au cours d'une période de conflit particulièrement intense avec Israël. Sa nomination, marquée par l'influence iranienne, a été étroitement surveillée et orchestrée.
Le Hezbollah, autrefois symbole de la résistance sur le sol libanais, est aujourd'hui confronté à des défis tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses rangs.
Les gardiens de la révolution ont choisi un chef non militaire pour diriger l'organisation, afin d'éviter de provoquer Israël ou d'inciter à une tentative d'assassinat contre le nouveau chef, ce qui pourrait conduire à un nouveau chaos au sein du parti.
Les limites perçues de Qassem en tant que dirigeant politique ne perturberont probablement pas la hiérarchie établie de l'organisation. Ainsi, son placement constitue pour les gardiens de la révolution une assurance supplémentaire que le Hezbollah restera fermement sous le contrôle de l'Iran, en particulier à la lumière des complexités croissantes du conflit régional.
Ce point est important, car le Hezbollah, autrefois symbole de la résistance sur le sol libanais, est aujourd'hui confronté à des défis tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses rangs.
Sa popularité déclinante, exacerbée par son implication militaire en Syrie et son soutien à Bachar el-Assad, a aliéné de larges segments de la population libanaise et diminué sa position dans le monde arabe.
L'image du parti a également souffert du fait qu'il est perçu comme un mandataire de l'Iran plutôt que comme une force nationaliste libanaise.
À la croisée des chemins
En outre, l'implication du Hezbollah en Syrie continuera à susciter des critiques, ce qui compliquera sa capacité à naviguer dans la politique intérieure. Le parti se trouve à la croisée des chemins, contraint de choisir entre le maintien de son allégeance aux directives iraniennes et la prise en compte des dissensions croissantes parmi ses électeurs.
Alors que le Hezbollah s'efforce de reconquérir son influence, la surveillance directe des gardiens de la révolution est une arme à double tranchant.
Si elle peut renforcer les capacités militaires à court terme et protéger contre les assauts d'Israël, les conséquences à long terme d'un enracinement iranien accru pourraient éroder l'autonomie du Hezbollah et diminuer son attrait au Liban.
En conclusion, le sort du Hezbollah repose désormais en grande partie entre les mains des gardiens de la révolution iraniens. Les défis à venir sont considérables, les tensions croissantes risquant de provoquer des réactions négatives non seulement de la part du public libanais, mais aussi de la part de la population arabe dans son ensemble.
Alors que le parti est aux prises avec son identité et sa stratégie dans un paysage en pleine évolution, le Hezbollah reste prisonnier des pertes successives de son leadership et d'une popularité déclinante suite aux critiques du public arabe, qui avait autrefois célébré son chef, Hassan Nasrallah, pendant la guerre de 2006.
Cet article a été publié en collaboration avec Egab.
L'auteur, Mahmoud Shaaban, est chercheur politique et journaliste égyptien. Il a terminé son mémoire de maîtrise sur les relations irano-américaines, en se concentrant spécifiquement sur « L'impact des sanctions américaines pendant l'ère Donald Trump sur le comportement régional de l'Iran. » Il prépare une thèse de doctorat sur la sécurité régionale, titré « L'impact des guerres par procuration entre l'Iran et les États-Unis sur la structure de la sécurité au Moyen-Orient. » Ce spécialiste des affaires iraniennes a participé à des dizaines d'événements politiques en Iran. Il a couvert la présidentielle iranienne de juin 2024.
Avertissement : les opinions exprimées par l'auteur ne reflètent pas nécessairement les opinions, les points de vue et les politiques éditoriales de TRT Afrika.