Les élections présidentielles et parlementaires libyennes, initialement prévues pour décembre 2021, ont été reportées sine die / Photo : AP

Par Ferhat Polat

Le 17 février a marqué le 13e anniversaire des soulèvements en Libye, mais les Libyens n'ont guère de raisons de se réjouir, car le pays reste en proie à l'instabilité.

Depuis le départ de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans la tourmente. La tentative de renversement du régime de Kadhafi n'a pas permis d'établir des structures politiques stables.

La Libye s'est embourbée dans une guerre civile complexe qui s'est déroulée en plusieurs phases. Depuis 2014, le pays est divisé entre des administrations rivales, ce qui a entraîné l'émergence de nombreuses milices et un état de non-droit.

Le pays s'est progressivement enfoncé dans le conflit en raison des rivalités internes entre les forces politico-militaires.

De 2014 à 2021, la Libye a été divisée entre deux administrations rivales, l'une à Tripoli et l'autre à Tobrouk.

En mars 2021, un nouveau gouvernement intérimaire appelé gouvernement d'union nationale (GUN) a été mis en place. Ce dernier a été choisi à l'issue d'un processus soutenu par les Nations unies et approuvé par le Parlement libyen (HoR), basé dans l'est du pays.

Cette approbation a constitué une étape importante pour la Libye, car elle a marqué la mise en place d'un gouvernement unifié pour la première fois depuis 2014.

La mise en place du gouvernement d'union nationale a fait naître des espoirs de stabilité politique et la perspective d'organiser des élections législatives et présidentielles en décembre 2021.

Cependant, le plan ne s'est pas déroulé comme prévu, ce qui a conduit au report des élections pour une durée indéterminée.

Manque de sécurité

Au cours des treize dernières années, la situation sécuritaire en Libye est devenue de plus en plus instable en raison de l'incapacité des partis politiques rivaux à trouver un terrain d'entente.

La polarisation de la politique libyenne et l'incapacité qui en découle de réunir les milices rivales en une force armée nationale cohésive et professionnelle ont entraîné un vide sécuritaire important dans le pays.

Des menaces pour la sécurité sont apparues de la part de diverses milices dans l'ouest et l'est de la Libye, avec une concentration particulière dans l'est de la région.

Cette situation est principalement due à Khalifa Haftar, qui dirige l'autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL), composée de milices et de groupes de mercenaires.

La vacance du pouvoir a également permis à des mercenaires étrangers, comme la tristement célèbre société paramilitaire russe Wagner, d'exploiter la situation et d'établir une présence dans le pays, allant jusqu'à contrôler les champs pétrolifères de la Libye.

La division de la Libye, tant au niveau politique qu'au niveau de la sécurité, a entraîné une concurrence féroce pour ses ressources pétrolières. Par conséquent, les ports et les champs pétroliers ont été soumis à des blocus par des forces étrangères.

En juin 2020, des combattants armés associés à Wagner ont pris le contrôle de deux des plus grandes installations pétrolières de la Libye, El Sharara, et de son principal port d'exportation de pétrole.

La Libye est connue pour avoir les deuxièmes plus grandes réserves de pétrole en Afrique et est considérée comme l'une des économies les plus riches en termes de réserves de pétrole par habitant.

Malheureusement, en raison d'un conflit et d'une instabilité prolongés, la Libye est devenue un pays aux revenus limités. Cette situation a entraîné une détérioration des conditions socio-économiques dans l'ensemble du pays.

Insuffisances institutionnelles

La construction de l'État est devenue la solution essentielle à la fragilité et aux exigences post-conflit, et elle aide un pays à progresser vers la stabilité économique et politique et vers la démocratie.

À cet égard, les principaux obstacles au processus de construction de l'État en Libye sont la présence de fauteurs de troubles et de groupes qui considèrent le processus de paix comme un danger pour leurs intérêts et leur pouvoir et s'efforcent de saper tous les efforts de construction de l'État et le processus de paix.

Ainsi, treize ans après le conflit libyen, la clé de la restauration du pays réside dans l'unité des institutions gouvernementales, en particulier des institutions sécuritaires et économiques.

L'efficacité des interventions d'urgence et des efforts de redressement est entravée par l'absence d'une autorité centralisée et la présence de groupes armés.

Il est donc difficile de coordonner et de mettre en œuvre des mesures efficaces. En outre, la lutte pour le pouvoir entre les différentes factions entrave l'allocation des ressources et ralentit le processus de reconstruction des infrastructures essentielles.

Par exemple, l'effondrement de deux barrages dans la ville portuaire de Derna a entraîné des inondations dévastatrices qui ont fait de nombreuses victimes civiles, déplacé des habitants et détruit des quartiers entiers.

Des élections attendues de longue date

Les élections présidentielles et parlementaires très attendues en Libye, initialement prévues pour décembre 2021, ont été indéfiniment reportées en raison d'un manque de préparation et de désaccords persistants entre les différentes forces politiques sur le cadre juridique de l'élection.

La communauté internationale considère que la tenue d'élections en Libye est essentielle pour résoudre la crise de légitimité et rétablir la confiance dans le système politique.

L'organisation d'un processus électoral libre et équitable permettra de résoudre efficacement ce problème. Toutefois, à ce stade, le scrutin à venir est confronté à plusieurs défis. L'un des principaux est l'absence d'accord sur la constitution.

En outre, des personnalités polarisées comme Haftar et Saif al Islam al Kadhafi se disputent la présidence, ce qui contribue à la confusion et au désordre qui entourent l'élection.

Pour mettre en place un système politique plus efficace, il est nécessaire d'aller au-delà de l'infrastructure actuelle. L'un des principaux objectifs des élections est de fournir une feuille de route à la nation, en définissant des politiques et des plans pour l'avenir.

Les scrutins précédents ont manqué de manifestes clairs ou de programmes politiques, la déclaration constitutionnelle de 2012 étant la dernière indication d'une vision politique.

Par conséquent, l'organisation d'une nouvelle élection permettrait la formation d'un mandat pour le gouvernement élu, qui tracerait la voie à suivre. Il est impératif de noter que la Turquie et l'Égypte ont fait des efforts pour réparer leurs relations tendues, en particulier depuis le début de l'année 2021.

Ankara et Le Caire ont tous deux le potentiel d'avoir un impact significatif sur la promotion de la stabilité en Libye, compte tenu de leur influence sur les factions en conflit.

Ankara a soutenu les gouvernements reconnus par l'ONU à Tripoli, tandis que Le Caire a soutenu la LNA de Haftar.

Toutefois, malgré leurs allégeances différentes, les deux nations reconnaissent l'importance de relancer le processus politique et d'offrir leur soutien à des élections démocratiques.

L'avenir de la Libye reste incertain alors qu'elle connaît une transition délicate. Il est urgent d'établir une feuille de route claire et pragmatique pour instaurer la démocratie.

Cette feuille de route doit inclure l'élaboration d'une nouvelle constitution, la tenue d'élections et l'unification des institutions de l'État, ce qui conduira à des objectifs à plus long terme de construction d'une société démocratique stable, sûre, prospère et durable en Libye.

L'auteur, Ferhat Polat, est boursier Chevening et chercheur au Centre de recherche TRT World. Il est spécialisé dans la géopolitique et la sécurité en Afrique du Nord, et plus particulièrement en Libye.

Clause de non-responsabilité : les opinions exprimées par l'auteur ne reflètent pas nécessairement les opinions, les points de vue et les politiques éditoriales de TRT Afrika.

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