Dans les annales de l'histoire politique, les coups d'État ont souvent été les coups de tonnerre qui ont remodelé les pays et redessiné les cartes géopolitiques.
Au fil des ans, l'Afrique, un continent regorgeant de cultures diverses et de potentiel inexploité, est apparue comme le creuset de ces changements politiques sismiques. L'aventure des coups d'État sur le continent africain a commencé en 1963, sur les plages bordées de palmiers et les marchés animés du Togo.
Le président Sylvanus Olympio, porteur d'espoir pour la nation nouvellement indépendante, a été victime d'un coup d'État interne, provoquant une onde de choc sur tout le continent.
Cet événement inaugural préfigurait une ère de turbulences politiques qui allait bientôt déferler sur l'Afrique.
Le Ghana de Nkrumah
Le Ghana, première nation d'Afrique subsaharienne à s'être libérée du joug colonial, occupe une place singulière dans l'histoire de l'Afrique.
Il était dirigé par Kwame Nkrumah, un homme d'État visionnaire dont le rêve était de montrer la capacité de l'homme noir à s'autogouverner. Croyant sincèrement en l'unité panafricaine, Nkrumah a cherché à faire du Ghana un exemple pour l'ensemble du continent.
Cependant, dans le creuset des ambitions de Nkrumah, des dissensions se font jour. Ses politiques socialistes, ses penchants autoritaires et ses aspirations élevées suscitent le mécontentement. En 1966, une coalition de l'opposition interne et d'intérêts extérieurs a orchestré un coup d'État, jetant Nkrumah en exil.
Le rêve d'une Afrique indépendante, illustré par l'essor du Ghana, reste à réaliser. L'éviction de Nkrumah a fait plus que changer le cours de l'histoire du Ghana.
Elle a déclenché un effet domino sur tout le continent. Le Ghana, autrefois à l'avant-garde de l'indépendance africaine, s'est retrouvé embourbé dans un cycle de coups d'État et de régimes militaires.
Les échos de la tourmente ghanéenne ont résonné dans toute l'Afrique, de la guerre du Biafra au Nigeria à l'ère d'Idi Amin en Ouganda.
Chaque coup d'État était le résultat d'une interaction complexe entre les conflits internes, l'ingérence extérieure et les aspirations au pouvoir.
Le décor était planté pour des luttes idéologiques et géopolitiques en Angola, au Mozambique et dans d'innombrables autres pays, laissant des pays fracturés et des populations déplacées.
L'ombre de la guerre froide
La guerre froide, creuset géopolitique qui a façonné le cours de l'histoire, a jeté sa longue ombre sur l'Afrique. Les superpuissances rivalisaient d'influence, traitant les nations comme des pions sur l'échiquier mondial.
Les batailles idéologiques ont été menées par le biais de guerres par procuration et d'interventions secrètes, les coups d'État étant souvent l'instrument choisi. L'Angola et le Mozambique ont été pris entre deux feux, les factions rivales ayant reçu le soutien des États-Unis et de l'Union soviétique.
Le continent est devenu un champ de bataille et les coups d'État ont été les armes de prédilection. L'héritage de ces interventions perdure, laissant des cicatrices qui continuent de façonner la politique africaine aujourd'hui.
Ressources Les abondantes ressources naturelles de l'Afrique, du pétrole au Nigeria aux diamants en Sierra Leone et au cobalt et à l'or en RDC, ont longtemps été à la fois une bénédiction et une malédiction.
Ces richesses ont le pouvoir de transformer les nations, mais elles ont aussi le potentiel d'engendrer la corruption, d'alimenter les conflits et de susciter des tentatives de coup d'État.
L'histoire du Nigeria regorge de coups d'État motivés en grande partie par le désir de contrôler les revenus pétroliers.
De même, l'accès à la richesse pétrolière a provoqué l'instabilité politique dans des pays comme la Guinée équatoriale et le Soudan. La lutte pour le contrôle de ces ressources se fait souvent au détriment de la gouvernance démocratique et de la stabilité.
Défauts de gouvernance
La fragilité des institutions démocratiques et les défaillances de la gouvernance ont ouvert la voie aux crises politiques et aux tentatives de coup d'État dans de nombreux pays africains.
Les dirigeants, mus par la soif de pouvoir, manipulent les mécanismes constitutionnels pour prolonger leur règne, attisant ainsi la frustration de la population et les appels à l'intervention.
Le Mali, pays en proie à une instabilité chronique, a connu des coups d'État en 2012, 2020 et 2021. Dans les deux cas, une population désabusée, lassée par une gouvernance corrompue et inefficace, a soutenu les prises de pouvoir militaires pour obtenir un changement.
Effets d'entraînement
La multiplication des coups d'État en Afrique jette une ombre qui s'étend bien au-delà des frontières du continent.
La vacance du pouvoir et les conflits consécutifs aux coups d'État menacent la stabilité régionale, entraînant des crises humanitaires et des déplacements massifs de population.
La démocratie en fait les frais, car les dirigeants élus sont évincés sans cérémonie et remplacés par des régimes militaires qui répriment souvent la dissidence et musèlent les libertés civiles.
En outre, ces bouleversements politiques ont de profondes répercussions sur la politique mondiale. La concurrence entre les superpuissances pour l'influence en Afrique persiste, avec de nouveaux acteurs comme la Chine qui s'imposent comme des acteurs majeurs. Le paysage géopolitique est en train de changer, redéfinissant la place de l'Afrique dans le monde.
Liens avec la France
Ces dernières années, plusieurs pays d'Afrique francophone ont connu des coups d'État, notamment le Burkina Faso, le Mali, la Guinée, le Tchad, le Niger et le Gabon, mettant en évidence les problèmes de souveraineté et le développement limité de ces nations.
Les coups d'État en Afrique francophone ont été attribués, en partie, aux liens étroits avec la France en raison des politiques coloniales historiques. L'influence persistante des anciennes puissances coloniales, en particulier de la France, a suscité des inquiétudes quant à la compromission de la souveraineté dans les pays d'Afrique francophone.
L'implication continue de la France dans les affaires politiques et économiques de ses anciennes colonies peut être considérée comme une limitation de leur autonomie et de leur autodétermination.
Ces inquiétudes se reflètent dans les chants des partisans de ces coups d'État et dans les changements de politiques et d'alliances des nouveaux régimes d'Afrique francophone.
Ces récents putschistes francophones ont rompu les liens politiques et économiques avec la France.
Des réformes urgentes
Les liens étroits entre l'Afrique francophone et la France ont souvent entraîné des déséquilibres économiques et entravé le développement.
Les politiques économiques imposées par la France à ses anciennes colonies, telles que l'utilisation continue du franc CFA, les avantages commerciaux limités et le contrôle des ressources naturelles, ont entravé la croissance économique locale et perpétué les disparités socio-économiques.
Ce manque de développement, l'accès limité à l'éducation, aux soins de santé et aux opportunités d'emploi, ainsi que la violence militante permanente ont créé une désillusion et une frustration au sein de la population.
Les coups d'État en Afrique francophone apparaissent comme une réponse à ces conditions stagnantes et à un désir de changement. La vague de coups d'État en Afrique est une tapisserie complexe tissée à partir de fils historiques, d'intrigues géopolitiques, de richesses en ressources, d'échecs de gouvernance et de déficits démocratiques.
Si des progrès ont été accomplis sur la voie de la démocratie et de l'autodétermination, les défis actuels menacent de réduire à néant ces acquis durement gagnés.
Pour s'attaquer aux causes profondes, il faut une action collective visant à renforcer les institutions démocratiques, à promouvoir la bonne gouvernance et à réduire l'influence des acteurs extérieurs qui cherchent à manipuler le destin politique de l'Afrique.
Ce n'est qu'au prix d'une telle transformation que l'Afrique pourra avancer avec confiance vers un avenir débarrassé du spectre des interventions militaires, prête à libérer tout son potentiel sur la scène mondiale.
L'auteur, Nana Dwomoh-Doyen Benjamin, est un écrivain panafricain et une figure clé du projet Ubuntu Connect.
Note : les points de vue exprimés par l'auteur ne reflètent pas nécessairement les opinions, les points de vue et les politiques éditoriales de TRT Afrika.