Un sans abri dort devant une gare de Buenos Aires, Argentine, le 30 mai 2024. (Others)

Le Burundi, un pays d'Afrique de l'Est, a été désigné comme le pays le plus pauvre du monde dans le dernier rapport de la Banque mondiale.

Cette nation de plus de 12 millions d’habitants fait face à des difficultés économiques depuis plus de deux décennies, avec le PIB le plus bas du monde et une incapacité à rembourser sa dette, même avec des prêts à faible taux d’intérêt accordés par des institutions comme le Fonds international de développement (FID).

Dans son rapport accablant, la Banque mondiale a identifié 26 pays parmi les plus pauvres du monde, caractérisés par les revenus par habitant les plus faibles.

La majorité de ces pays se trouvent en Afrique, à l’exception de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie et de la Corée du Nord, situés au Moyen-Orient et en Asie. Leur situation est si désastreuse qu’il leur faudrait “plus d’un siècle” pour réduire la pauvreté.

Au total, environ 500 millions de personnes sont confrontées à une pauvreté extrême. Les experts interrogés par TRT World attribuent cette stagnation au manque d’institutions solides et à l’insuffisance des infrastructures publiques et économiques, qu’ils jugent comme les principaux obstacles à la croissance et au développement de ces pays.

Mais qu’est-ce qui a causé cette stagnation ?

Les experts pointent du doigt le colonialisme comme facteur majeur, expliquant qu’il a laissé la plupart de ces 26 pays avec des infrastructures défaillantes, conduisant à un avenir économique sombre.

“Les empires ont extrait d'immenses richesses, même si certains d'entre eux ne les ont pas utilisé de manière particulièrement productive, comme l'Espagne, tandis que les colonies de peuplement ont simplement enclavé des terres qui sont devenues plus tard extrêmement précieuses“, explique William Booth, professeur d'histoire de l'Amérique latine à l'University College de Londres à TRT World.

Booth, expert en colonialisme, a déclaré que la présence des puissances coloniales dans des régions comme l’Afrique et l’Amérique latine empêchait leurs populations de progresser que ce soit dans les domaines de la religion, de la politique ou de la vie civique de base.

Les lauréats du prix Nobel, Daron Acemoglu et James A. Robinson, apportent une nouvelle perspective centrée sur le colonialisme et la pauvreté actuelle.

Dans leur dernier livre Pourquoi les nations échouent, Acemoglu et Robinson fournissent des preuves convaincantes de la manière dont les institutions établies pendant la colonisation européenne continuent aujourd’hui d’influencer la prospérité de ces nations.

Les pays qui étaient relativement plus riches à l’époque coloniale figurent aujourd’hui parmi les plus pauvres, affirment-ils dans le livre. Ils établissent une corrélation entre la lourde perte de capital humain – en raison des massacres de masse perpétrés par les forces coloniales – et le ralentissement de la croissance économique qui continue aujourd’hui d’affecter le PIB de ces pays.

La dette publique des 26 pays récemment identifiés par la Banque mondiale s’élève à 72 % du PIB, le niveau le plus élevé depuis 18 ans.

Des facteurs externes tels que la pandémie de Covid-19 ou des conflits prolongés, voire les deux, ont aggravé la situation. La plupart de ces pays dépendent de subventions ou de prêts à faible taux d’intérêt accordés par des organismes comme l’Association internationale de développement.

La guerre en Ukraine a également détourné une grande partie de l’aide destinée à ces pays, l’Ukraine devenant une priorité pour les donateurs occidentaux, rendant le sauvetage financier difficile.

Qu’est-ce qui rend la pauvreté insurmontable dans ces nations ?

Beaucoup de ces pays manquent de ressources naturelles et leurs économies reposent sur des pratiques agricoles obsolètes, les rendant vulnérables au changement climatique.

Les taux élevés de maladies et de malnutrition affectent également la productivité du travail. La corruption joue aussi un rôle important, avec des responsables thésaurisant les richesses au lieu de les investir dans les infrastructures, les soins de santé et d’autres services essentiels.

“La pauvreté en Afrique est un problème multidimensionnel, influencé par divers facteurs tels que les risques climatiques, la prévalence des conflits, l’héritage colonial et les systèmes de santé et d’éducation médiocres“, explique Christopher Vandome, chercheur à Chatham House.

“Au cœur de cette problématique se trouvent l’évolution et l’efficacité des institutions politiques et économiques, qui fixent les règles régissant l’activité économique et politique.“

Ovigwe Eguegu, conseiller politique chez Development Reimagined, partage un point de vue similaire, affirmant que les mesures à court terme comme l’aide financière ne résolvent pas les problèmes structurels.

“Ce dont les pays ont besoin pour se développer économiquement, c’est d’une accumulation de capital, sous forme d’échanges commerciaux, et d’investissements dans le renforcement des capacités dans tous les secteurs.“, a-t-il déclaré à TRT World.

Vandome affirme que les pays donateurs qui contribuent aux organisations d’aide internationale sont de plus en plus conscients de l’impact de leur intervention.

“Ils se rendent compte que cela peut être autant dommageable que productif. Des sommes importantes d’argent de l’aide humanitaire finissent par être confiées à des consultants internationaux qui supervisent des fonctions administratives au lieu d’être productifs sur le terrain“, explique-t-il.

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