Par Anne Nzouankeu
Touboro, commune camerounaise située à la frontière avec le Cameroun, la République centrafricaine et le Tchad, vient de vivre deux kidnappings successifs. Dans la nuit de dimanche à lundi, de nombreux commerçants qui rentraient du marché de bétails ont été enlevés.
Aucune autorité locale contactée par TRT Afrika n’a pu donner le nombre exact de personnes enlevées. On sait seulement qu’"il s’agit aussi bien de commerçants camerounais que tchadiens", explique Célestin Yandal, le maire de Touboro, joint au téléphone par TRT Afrika.
Comme si cela ne suffisait pas, cette nuit de lundi à mardi, un bus de transport en commun a été attaqué non loin de Touboro. "Les passagers ont été fouillés et dépouillés, cinq personnes ont été enlevées. Les ravisseurs ont aussi attaqué les maisons environnantes et enlevé trois personnes", révèle le maire.
Célestin Yandal n’est pas surpris par cette série d’attaques. "Les kidnappings contre demande de rançons sont quasi quotidiens chez nous et nous lançons un appel aux autorités afin qu’elles mettent sur pied de grands moyens pour stopper ces brigands", dit-il à TRT Afrika.
Un officiel sécuritaire contacté par TRT Afrika révèle que le phénomène de kidnapping est grandissant dans cette localité.
"On a compté moins de 100 enlèvements en 2020, environ 130 en 2021 et près de 350 enlèvements en 2022. Il s’agit presque tous d’éleveurs, d’agriculteurs, de commerçants ou de leurs membres de familles. Nous soupçonnons que ces chiffres pourraient être plus élevés car certaines familles payent les rançons et gardent le silence par peur des représailles", indique la source sécuritaire.
Grenier du Cameroun
La zone agro-écologique sahélienne, composée des régions du Nord, de l’Extrême-Nord et une partie de l’Adamaoua, est considérée comme le grenier du Cameroun. On y produit la plupart des céréales consommées au Cameroun, notamment le mil, le maïs et les cacahuètes. Une bonne partie de cette production est aussi exportée vers les pays frontaliers.
La commune de Touboro, avec ses 191 villages, contribue une part importante dans cette production, faisant du marché de Touboro, un lieu incontournable de ravitaillement des commerçants venus du Tchad et de la République centrafricaine.
La zone est également riche en pâturage, attirant les éleveurs d’autres régions et même des pays voisins. Selon le maire Yandal, cette richesse agro-pastorale est la cause de multiples enlèvements car les personnes enlevées sont relâchées après paiement d’une rançon, qui s’élève parfois à plusieurs millions de francs CFA.
Les conséquences de cette insécurité sont nombreuses. "Les prix du maïs et du mil sont passés du simple au triple, car les agriculteurs abandonnent les champs, rendant ces céréales de plus en plus rares", explique Célestin Yandal.
"La commune vit des revenus agricoles. Or, à cause de l’insécurité, les agriculteurs abandonnent leurs champs et fuient, les éleveurs vont ailleurs avec leur bétail. Par conséquent, les commerçants aussi ne viennent plus, d’une part parce que l’activité est réduite, d’autre part parce qu’ils ont peur. Tout ceci nous appauvrit, en privant notre commune et les populations de ressources dont elles ont besoin pour vivre", ajoute Yandal.
Renforcer la sécurité
Il existe une compagnie de gendarmerie à Touboro. Les populations aussi ont essayé de s’organiser sous forme de groupes d’auto-défense, appelés ici "comités de vigilance".
Mais, elles n’ont que des machettes et couteaux, de petites armes blanches qui sont inefficaces face aux ravisseurs qui viennent avec des armes à feu.
Alors, le maire propose comme solution de renforcer le dispositif sécuritaire existant : "mettre plus d’hommes, plus de moyens, plus d’armes et même des drones, pourquoi pas ? Les bandits se cachent parfois dans les champs ou dans les grottes. Avec des drones, l’armée pourra facilement les suivre et les localiser" dit-il.
A la question de savoir ce qui est fait pour stopper ces enlèvements, la source sécuritaire de TRT Afrika affirme que "les autorités font de leur mieux. Il y a généralement des opérations militaires au cours desquelles on ratisse les villages".
"L’année dernière par exemple, il y a eu une opération baptisée "Clean Touboro", qui nous a permis de libérer 18 otages, d’arrêter 27 suspects et de saisir de nombreuses armes et munitions" pécise la source sécuritaire.