Par Jean Charles Biyo’o Ella
Yaoundé, Cameroun
C’est un ouf de soulagement pour des milliers de camerounais souffrant de l’hépatite virale type C.
Le protocole à base de la combinaison Sofosbuvir/Daclatasvir 400/60mg la boite de 28 comprimés, qui coutait 100.000 fcfa est désormais gratuit.
"Une mesure spéciale du Chef de l’Etat", précise le ministre camerounais de la santé publique, dans un communiqué publié le 18 octobre.
Soulagement des patients
"C’est en 2018 que j’ai constaté un dysfonctionnent de mon organisme. Apres plusieurs examens, on a découvert finalement que je souffrais de l’hépatite C. Vu que mes parents n’avaient plus de moyens, je n’ai plus continué le traitement à l’hôpital, mais plutôt chez un naturopathe. Mais jusqu’ici, je ne suis pas guéri. Je crois qu’avec cette gratuité des médicaments, je vais laisser ces décoctions que le naturopathe me fait boire chaque jour pour retourner suivre mon traitement à l’hôpital", confie Merlin.
Le patient de 29 ans, a une morphologie atypique. Ventre ballonné, bras chétifs, peau raide.
Il se rappelle de ses premiers symptômes : "Je ne sais pas exactement, quand et où j’ai contracté le virus. Mais à un moment, j’avais constaté une fièvre constante accompagnée d’une fatigue, une perte d'appétit, les nausées et par moment, je rejetais ce que j’ai mangé. J’avais également un mal de ventre permanent et des urines foncées".
Au Cameroun, près de 1,3% de la population souffre de l'hépatite virale C. Avec ses 27 millions d’habitants, le pays fait partie des zones à haute endémicité à cette pathologie. "Je suis sous traitement depuis deux mois", confie Olivier Yomba.
"Malheureusement, j’ai une co-infection hépatite et VIH. Vraiment, je suis très heureux de savoir qu’on sera soigné gratuitement. C’est déjà le cas avec le VIH dont la prise en charge est gratuite. Ce qui était payant pour moi, c’était la prise en charge de l’hépatite. Maintenant qu’elle est désormais gratuite, je pense que j’ai plus de chance de vivre maintenant plus longtemps", soupire cet ancien chauffeur de camion, habitué de la ligne Douala-Bangui.
Maladie onéreuse
Comme toutes les maladies, le traitement des hépatites commence toujours par des examens pré-thérapeutiques du foie et du virus. Une combinaison à l’origine de l’appellation hépatite virale.
"Pour vous donner un aperçu du coût en étant minimaliste, il faut prévoir en moyenne 200.000fcfa pour des examens avant traitement de l’hépatite C. Une fois que, vous les avez, il faut maintenant débourser 300.000fcfa pour les trois mois que dure le traitement. A raison de 100.000fcfa le mois", explique le médecin Mathurin Kowo, professeur en hépato-gastroenterologue au CHU de Yaoundé.
Il ajoute: "Ce qu’on ne dit pas aussi, c’est que ce montant, ne représente que les 1% du prix réel du traitement sur le marché. Si le gouvernement n’avait pas subventionné l’hépatite C, le coût du traitement reviendrait à près 27 millions de fcfa au patient".
Au Cameroun l’hépatite virale est un problème de santé publique. Selon une étude réalisée en 2017 par l’association CAMPHIA, environ 8,3% de la population âgée de 15 à 34 ans sont infectés par une hépatite virale.
Les mesures prises par le gouvernement ont permis de réduire le coût du traitement y relatif. Pour l’hépatite virale C, il est passé de 7,5 millions de fcfa par personne pour une durée de traitement de 10 à 12 mois en 2012 avec un taux de guérison de 60%, à 360. 000 FCFA pour trois mois de traitement, avec un taux de guérison dépassant les 98%, puis finalement à 100.000fcfa. Et aujourd’hui, à la gratuité.
La couverture santé universelle
Le 12 avril 2023, le gouvernement camerounais a lancé la phase I du programme de couverture santé universelle. Un projet de 95 milliards de fcfa est adossé sur des contributions individuelles et l’apport de l’Etat. La CSU selon le gouvernement, est censée couvrir les besoins de santé essentiels des populations, et permettre l'accès équitable aux soins et services de santé de qualité.
Au ministère de la santé publique, Aristide Abah Abah, le Sous-directeur de la lutte contre le VIH -SIDA, les IST, la Tuberculose et les Hépatites Virales explique que la gratuité du protocole d’hépatite virale C fait suite à "une faible mise sous traitement des patients dans des centres de prise en charge. Entre 2022 et courant 2023, les taux varient entre 3 et 17% de prise en charge médicamenteuse. Ce qui signifie que plus de 80% pour des raisons diverses et dont financières, n’arrivent pas à accéder à ce traitement".
La subvention de l’Etat renchérit-il, ne concerne que l’un des trois protocoles de prise en charge de l’hépatite C. Mais pour les deux autres "il nous a été demandé, de commencer à travailler à ce que l’ensemble des trois protocoles de l’hépatite C et certainement aussi, l’hépatite B, soient totalement gratuit à partir de l’année 2024. Ceci dans le cadre de la phase d’extension de la couverture santé universelle".
Pour assurer la prise en charge de cette maladie qui attaque en majorité le foie, le Cameroun s’est doté d’une vingtaine de centres agrées logés dans des formations sanitaire publiques, et des centres de dispensation dans des formations sanitaires privées.
Le pays a aussi souscrits aux objectifs internationaux, visant éradication des hépatites B et C, à l’horizon 2030.