Par Jean-Rovys DABANY
Deux Camerounais et six Gabonais ont été arrêtés jeudi 11 août dans le centre-ouest du Gabon par les agents de la police judiciaire locale qui a rapporté les faits à la presse ce samedi.
L’alerte a qui a conduit a l'arrestation été donnée par Conservation Justice, une ONG locale reconnue par ses actions anti-braconnage dans le pays.
D’après l'ONG, au total 120 kg d’ivoire d’éléphants ont été saisis après une minutieuse et longue fouille du véhicule des trafıquants présumés par les éléments de la police .Ces derniers étaient en partance pour les villes frontalières avec le Cameroun voisin, un pays de transit pour l’ivoire en destination de l’Asie.
Les 120 kg d'ivoire saisis représentent le massacre d’une centaine d’éléphants, précise l’ONG.
Les agents de police ont découvert en tout, 19 pointes d’ivoire et 4 morceaux d’ivoire totalisant un poids de 120 kg, 18 munitions de grande chasse de calibre 458, près d’un million de FCFA en espèces, des substances illicites, ainsi qu’une carte de séjour expirée appartenant à l'un des trafiquants présumés.
''Ce type d’opération est capital et à renouveler pour démanteler les quelques gros réseaux de trafic d’ivoire qui ont pu se maintenir au Gabon où la volonté politique en faveur de l’environnement demeure forte. La population d’éléphant de forêt y est estimée à 95.000 éléphants et semble stable, ce qui en fait leur dernier grand refuge. Mais la pression demeure, notamment depuis le Cameroun '', a déclaré Luc mathot, directeur et fondateur de l’ONG Conservation Justice, après cette opération.
Les présumés trafiquants arrêtés auraient reconnu leur participation dans la détention, l’achat et le transport illégal de cet ivoire, admettant la nature illégale de ces activités, a expliqué la police citée par Conservation Justice.
Ces dernières années, le ministère gabonais a fait adopter de nouvelles lois afin de lutter contre le braconnage dans le pays. Ce qui n’empêche pas les trafiquants de multiplier les stratégies et de se retrouver parfois sur des marchés discrets.
''En raison de la complexité et de l’ampleur du trafic, nous pensons qu’il serait mieux de renforcer la surveillance avec l’aide des ONG locales, car il y a beaucoup de menaces sur la population des éléphants '', a expliqué pour sa part Philippe Ongouoli, directeur de la lutte contre le braconnage au ministère des Eaux et Forets.
Envergure de l'organisation criminelle
Les individus appréhendés sont soupçonnés de faire partie d'un réseau criminel bien organisé qui opère entre le Cameroun et le Gabon depuis plusieurs longues années et qui est suspecté d’avoir déjà exporté du Gabon vers le Cameroun plusieurs tonnes d’ivoire.
Selon la police, l'utilisation de véhicules équipés de compartiments secrets, par les trafiquants présumés vise à dissimuler l'ivoire et à échapper aux contrôles.
Plus d'une dizaine de personnes pourraient être impliquées, avec des points de dépôt d'ivoire répartis dans différentes provinces du Gabon.
L'organisation a mis en place un système moderne et sophistiqué pour assurer le succès de ses opérations de collecte et de livraison d’ivoire vers le Cameroun, affirme la police gabonaise.
Le marché asiatique
Sur le marché international, la valeur de la marchandise s'élève à plus de 62 000 000 FCFA (environ 96000 euros), d’après Conservation Justice. Selon l’ONG, le prix de l’ivoire peut atteindre 1000 euros, soit environ 650 000 FCFA le kg sur le marché de détail en Chine.
Une ONG de défense de la nature, Eagle, qui aide les ONG locales, n’est pas surprise par l’ampleur de ce trafic entre le Gabon et le Cameroun.
'' Le trafic illégal de faune est permis à cause de la corruption. C’est ici un triste exemple de cela, avec un réseau criminel organisé qui amène les éléphants vers l'extinction. Un des dirigeants principaux de ce réseau a été condamné au Cameroun à une peine de prison ridicule malgré son arrestation avec plus de 600 kg d’ivoire en 2020. Et leurs activités illégales ont été maintenues sans avoir été réellement dérangées '', a expliqué Ofir Drori, fondateur du réseau EAGLE, actif dans une dizaine de pays dont le Cameroun et le Gabon.
Selon Conservation Justice, l’ivoire provenant du Gabon transite par le Cameroun et le Nigeria et est ensuite réexporté vers l'Asie, cachée dans des troncs d'arbres, expédiés par conteneurs sur des cargos.
Au Gabon, les éléphants vivent dans la forêt qui recouvre 88% du pays.
La nouvelle loi gabonaise portant sur la protection des animaux tels que les éléphants prévoit des peines allant de 6 mois à 10 ans d’emprisonnement ferme et une amende de plus de 2 millions de F CFA.