Des jeunes participent à l'occupation d'une rue devant le bâtiment de l'université Sciences Po en soutien aux Palestiniens de Gaza, à Paris, France, le 26 avril 2024. / Photo : Reuters

Par Hannan Hussain

Plus d'une douzaine de personnes associées au groupe d'extrême droite français Action des Forces Opérationnelles (AFO) comparaîtront bientôt dans un procès pour terrorisme pour avoir commis des actes présumés de violence anti-musulmane, y compris un complot visant à tuer 200 prédicateurs musulmans.

La procédure, qui a été ordonnée mais n'a pas été programmée, portera sur des attaques planifiées entre 2017 et 2018, et survient alors que le pays est témoin d'une augmentation spectaculaire de la violence antimusulmane depuis que l'attaque israélienne contre Gaza a commencé en octobre 2023.

Bien qu'il s'agisse d'un petit pas dans la bonne direction, ce procès attendu de longue date peine à s'attaquer au cœur d'un problème beaucoup plus vaste : la tolérance de l'État à l'égard de la montée de la violence antimusulmane en France.

Le traitement réservé par le pays aux groupes antimusulmans et la manière dont il aborde les droits et libertés des musulmans sont comme le jour et la nuit. Le procès de l'AFO ne fait que révéler au grand jour ces deux poids, deux mesures et le rôle joué par le gouvernement dans la montée de la violence antimusulmane au cours des derniers mois.

Loin de la justice

Selon les procureurs, l'AFO prévoyait de tuer 200 prédicateurs musulmans et de lancer des attaques à la grenade contre des membres de la communauté musulmane. Elle prévoyait d'engager des tireurs à longue portée dans une attaque terroriste contre une mosquée à Clichy-la-Garenne, à Paris, et d'utiliser des membres féminins pour empoisonner des aliments halal dans les supermarchés.

Toutefois, comme ces projets n'ont pas été mis à exécution, les actes criminels ont été requalifiés en « délits », ce qui ouvre la voie à une peine d'emprisonnement plus courte - si peine il y a.

Cette décision semble risquée, surtout à un moment aussi politiquement instable. Cette reclassification soudaine pourrait avoir un effet positif sur d'autres groupes antimusulmans qui doivent être jugés. Prenons l'exemple des « Barjols ».

Ses membres ont déjà fait l'amalgame entre le terrorisme et l'islam et ont exprimé le désir de brûler des musulmans. Si les tentatives de massacres anti-musulmans de l'AFO peuvent être considérées comme des délits mineurs, les Barjols pourraient éviter de répondre de leurs actes par le biais d'un précédent similaire.

La communauté musulmane française menacée ne mérite pas ces contradictions. Étant donné que la violence antimusulmane a fortement augmenté au cours de l'année écoulée, l'État doit s'assurer concrètement que les libertés des musulmans sont bien protégées contre la violence d'extrême droite.

Ainsi, le Conseil français du culte musulman a reçu 42 lettres de menaces et plus d'une douzaine de mosquées ont été vandalisées depuis le début de la guerre d'Israël contre Gaza en octobre. Une association culturelle franco-turque du Loiret a été prise pour cible l'année dernière, de même que l'Union turco-islamique des affaires religieuses (DITIB) dans le sud de la France.

Selon la Commission contre le racisme du Conseil de l'Europe, les incidents antimusulmans se sont multipliés depuis octobre dernier, et les musulmans portant des symboles religieux ont parfois été associés au terrorisme et à l'extrémisme.

L'islam et l'État

La France compte six millions de musulmans, soit environ 7 à 10 % de sa population. De nombreux responsables considèrent depuis longtemps cette communauté comme une menace pour les « valeurs laïques » de la France.

Le pays dispose déjà d'une législation qui stigmatise l'islam en interdisant le port du hijab, en étendant la surveillance des mosquées et en renforçant le contrôle de l'État sur les organisations communautaires.

La situation s'est aggravée depuis octobre.

À l'approche des Jeux olympiques de 2024 à Paris, les critiques affirment que la France a utilisé la nécessité de maintenir la sécurité comme couverture pour réprimer ses électeurs musulmans.

Sous la direction du ministre français de l'intérieur, Gérald Darmanin, un système de surveillance et d'obstruction a été utilisé pour mener des raids violents contre les musulmans et permettre aux autorités françaises de concevoir des interventions contre « toute cible » figurant sur la liste controversée de surveillance de la radicalisation et du terrorisme (FSPRT) du pays.

Lors d'une récente réunion avec la ministre fédérale allemande Nancy Faeser, Darmanin s'est également engagé à resserrer le front avec Berlin pour lutter contre « l'extrémisme islamiste », tandis que le chef du parti d'extrême droite Rassemblement national, Jordan Bardella, a promis d'adopter un projet de loi qui permettrait de fermer les mosquées et d'expulser les prédicateurs que l'État considère comme des « radicaux ».

Il est important de noter que les mesures prises à l'encontre des musulmans considérés comme une menace ne nécessitent pas de preuves incriminantes.

Étant donné que les libertés fondamentales des musulmans ne figurent pas parmi les priorités du gouvernement, la responsabilisation de l'extrême droite reste une utopie.

En revanche, les agresseurs d'extrême droite dans le procès AFO pourraient se voir infliger des peines plus légères. Les suspects seront jugés pour « association de malfaiteurs terroriste » contre des musulmans, mais devant un tribunal qui n'est même pas habilité à statuer sur le terrorisme. Cela signifie qu'ils risquent des peines plus courtes et qu'ils ne seront pas jugés devant un jury.

Ainsi, la protection des musulmans semble improbable lorsque l'État lui-même applique des normes incroyablement plus élevées à cette communauté qu'au reste de sa population.

La France en fait-elle assez ?

Il serait erroné de considérer le procès de l'AFO comme une véritable tentative de traduire en justice les auteurs de violences. En fait, il donne un aperçu d'un système qui hésite encore à parler de terrorisme lorsque des groupes d'extrême droite préparent des massacres, mais pas lorsque des musulmans français exercent leur droit de manifester pacifiquement.

Étant donné que les libertés fondamentales des musulmans ne figurent pas à l'ordre du jour du gouvernement, la responsabilisation de l'extrême droite reste une chimère.

Des personnes participent à une manifestation demandant un cessez-le-feu à Gaza, la fin des frappes aériennes et la fin des « déplacements forcés de populations », à Paris, France, le 4 novembre 2023 (REUTERS/Claudia Greco).

Il suffit de penser au discours diviseur du pays sur la guerre d'Israël contre Gaza. Paris a de plus en plus normalisé les arrestations arbitraires de musulmans qui manifestent leur solidarité avec les Palestiniens, en ciblant leur droit de réunion pacifique et en présentant les arrestations comme un impératif de lutte contre le terrorisme. Plus important encore, la législation utilisée pour imposer ces restrictions illégales - la loi française « antiterroriste » - sert les intérêts de l'extrême droite.

En effet, des personnalités de l'extrême droite, Marine Le Pen en tête, y voient un moyen d'étendre les restrictions disproportionnées imposées aux musulmans et de renforcer leur discours sur la prétendue « menace islamiste ».

Ce point est important car l'activisme de l'extrême droite contre les musulmans trouve un écho auprès d'autres groupes violents, tels que l'Organisation des armées sociales. Comme le « terrorisme » reste centré de manière disproportionnée sur les libertés musulmanes, les libéraux français et la droite dure rendent difficile la dénonciation de la violence d'extrême droite pour ce qu'elle est réellement.

Il est intéressant de noter que le désir de l'AFO d'empoisonner les produits halal dans les supermarchés est également enraciné dans la persécution plus large, soutenue par l'État, des femmes musulmanes en France. Après tout, l'objectif des suspects était de porter des niqabs pour faciliter les empoisonnements. Cela symbolise l'agression antimusulmane et le mépris total du droit des femmes à choisir ce qu'elles portent.

Qu'il s'agisse de l'interdiction du hijab dans les écoles publiques, des restrictions illégales sur le voile intégral ou de l'interdiction de l'abaya, le gouvernement français a contribué à perpétuer un préjugé flagrant à l'encontre des femmes musulmanes.

Ces mesures discriminatoires ont incité l'extrême droite à renforcer la rhétorique islamophobe et à intensifier le profilage racial des femmes musulmanes. Si l'on ne s'attaque pas aux causes de l'exclusion sociale et de la discrimination religieuse, les musulmans français pourraient continuer à être confrontés à l'extrémisme d'extrême droite.

Ainsi, le complot antimusulman de l'AFO s'est déroulé dans une société qui fait preuve d'une grande intolérance à l'égard des musulmans français. On ne sait toujours pas pourquoi la France se saisit d'une affaire datant de 2018, tout en faisant preuve d'un intérêt limité pour la montée de la violence antimusulmane au cours des derniers mois.

En fin de compte, il faudra plus qu'un simple procès pour terrorisme pour que la France change la dure réalité sur le terrain et crée un climat d'égalité pour ses six millions de musulmans.

L'auteur, Hannan Hussain, est expert principal à Initiate Futures, un groupe de réflexion politique basé à Islamabad. Il a été chercheur Fulbright en sécurité internationale à l'université du Maryland et consultant pour le New Lines Institute for Strategy and Policy à Washington. Les travaux de M. Hussain ont été publiés par la Fondation Carnegie pour la paix internationale, le Georgetown Journal of International Affairs et l'Express Tribune (partenaire de l'International New York Times).

Avertissement : les opinions exprimées par l'auteur ne reflètent pas nécessairement les opinions, les points de vue et les politiques éditoriales de TRT Afrika.

TRT World