La guerre contre Gaza, qui a éclaté en octobre, a attiré l'attention du monde entier en raison de son coût humanitaire important, des dommages considérables causés aux infrastructures et du nombre élevé de victimes. Selon l'UNICEF, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées au cours des dix derniers mois, dont plus de 15 000 enfants.
Beaucoup d'autres sont gravement blessées ou portées disparues sous les décombres, et des centaines de milliers de personnes ont été déplacées, cherchant refuge dans des abris surpeuplés et insalubres. Le bilan économique est tout aussi lourd, avec des pertes qui se chiffrent en milliards de dollars, ce qui handicape encore plus l'économie de Gaza, déjà en difficulté.
Comment le monde a-t-il réagi ? Examinons de plus près la couverture médiatique internationale de la guerre, en comparant les grands médias occidentaux aux contenus des plateformes de réseaux sociaux.
Des contraintes problématiques
La couverture de la guerre de Gaza par les grands médias occidentaux a été problématique pour plusieurs raisons.
Selon une étude réalisée par l'Institut Al Jazeera en janvier, de nombreux facteurs tels que les routines des médias, les politiques organisationnelles et les systèmes sociaux ont eu un impact sur la couverture journalistique de cette guerre, affectant la profondeur et la richesse des récits.
Les routines des médias, qui comprennent les pratiques standard et les flux de travail au sein des organismes de presse, donnent souvent la priorité à la rapidité et à l'efficacité plutôt qu'au reportage approfondi. Les politiques organisationnelles, telles que les lignes directrices éditoriales et l'allocation des ressources, imposent des contraintes supplémentaires aux journalistes, ce qui peut conduire à une couverture plus superficielle.
Cette convergence d'influences se traduit par des reportages qui peuvent manquer de la profondeur et de la richesse nécessaires pour transmettre pleinement les complexités du conflit, ce qui affecte la compréhension et le discours du public.
Les médias traditionnels ont été confrontés à des obstacles en ce qui concerne leur production sur Gaza, notamment des barrières politiques, des défis idéologiques et des contraintes logistiques.
Les grands médias occidentaux ont été critiqués pour leur incapacité à rendre compte de la crise de Gaza de manière précise, équitable et exhaustive.
L'une des principales critiques concerne la couverture biaisée qui privilégie souvent le récit israélien au détriment du récit palestinien, en s'appuyant fortement sur les rapports officiels de la partie israélienne sans vérification adéquate des faits.
En outre, la mise en contexte historique et l'humanisation des victimes palestiniennes sont insuffisantes, ce qui minimise souvent leurs souffrances quotidiennes.
En outre, l'accès limité des journalistes internationaux à Gaza en raison des restrictions politiques imposées par le camp israélien et des préoccupations en matière de sécurité empêche encore davantage la réalisation de reportages exhaustifs. Cela conduit de nombreux médias internationaux à s'appuyer sur les déclarations officielles du gouvernement et sur le journalisme intégré, ce qui affecte la diversité des points de vue et la profondeur de la couverture de l'actualité.
Les complexités de la crise de Gaza sont souvent réduites à un « conflit Israël-Hamas », ce qui exacerbe le réductionnisme et la décontextualisation de la couverture médiatique de la guerre.
Selon une analyse réalisée par The Intercept en janvier, CNN, MSNBC et FOX News ont tous fourni des reportages biaisés au cours des premiers mois de la guerre de Gaza. Les grands journaux tels que le New York Times, le Washington Post et le Los Angeles Times ont favorisé le camp israélien, faisant preuve d'un parti pris constant à l'encontre des Palestiniens et n'accordant que peu d'attention à leurs souffrances quotidiennes.
La couverture par les médias occidentaux, en particulier américains, a révélé plusieurs lacunes. Il s'agit notamment de la sous-représentation des victimes civiles palestiniennes, du manque de récits approfondis sur les histoires personnelles de perte et de souffrance, et de la représentation inadéquate des points de vue palestiniens.
Les médias sociaux brillent
En revanche, les réseaux sociaux ont comblé les lacunes dans les reportages sur la guerre de Gaza. Ces dernières années, ils se sont imposés comme une force puissante pour façonner le récit des conflits mondiaux, y compris le dernier en date.
Les plateformes de réseaux sociaux sont devenues des instruments indispensables pour fournir des récits alternatifs. Des plateformes telles qu'Instagram, Facebook et Twitter donnent la parole à des personnes ordinaires sur le terrain, en présentant leurs histoires personnelles, leurs images et leurs mises à jour en temps réel.
Les messages viraux et les hashtags, tels que #freepalestine et #Gazaunderattack, ont accru la sensibilisation et stimulé les conversations au-delà des frontières géographiques et idéologiques.
Le journalisme citoyen sur les médias sociaux a permis de diversifier les points de vue en présentant des histoires que l'on ne trouve pas forcément dans les médias traditionnels. Cette démocratisation de l'information permet aux citoyens ordinaires de partager leurs points de vue avec un large public mondial.
Les médias sociaux ont également offert des forums aux activistes, aux journalistes et au public pour attirer l'attention sur les violations des droits de l'homme et les problèmes humanitaires souvent ignorés par les médias traditionnels.
Les réseaux sociaux influencent considérablement l'opinion publique et le partage d'histoires sur la guerre de Gaza. Par exemple, « les réseaux sociaux influencent la façon dont les Américains, en particulier les jeunes, perçoivent le conflit. Les jeunes obtiennent davantage de nouvelles des réseaux sociaux - en particulier TikTok et Instagram - que des médias traditionnels, tels que les journaux et la télévision. »
Les campagnes en ligne renforcent la sensibilisation et encouragent l'action mondiale, comme la signature de pétitions et la collecte de fonds, à l'aide de supports audiovisuels et de hashtags tels que #GazaUnderAttack.
En outre, les plate-formes de réseaux sociaux facilitent les mises à jour en temps réel et offrent des espaces pour des perspectives diverses.
Par exemple, Rosie et @ajplus sur TikTok fournissent des reportages en direct sur Gaza, tandis que @mizna_arabart et e7saswafa utilisent Instagram pour rapporter les événements et les victimes des deux côtés. Ces plateformes permettent aux gens de voir au-delà de ce que les médias audiovisuels offrent.
Une arme à double tranchant
Si les réseaux sociaux offrent d'excellentes opportunités pour des récits alternatifs sur la guerre de Gaza, ils présentent également des inconvénients. La polarisation accrue est l'un de ces inconvénients, car ces plateformes peuvent créer des chambres d'écho où les utilisateurs ne sont exposés qu'aux informations qui renforcent leurs convictions.
La diffusion rapide de fausses informations, de désinformation et de propagande constitue un autre défi de taille, qui nécessite que les utilisateurs en ligne acquièrent des compétences critiques en matière de médias.
En outre, l'utilisation des réseaux sociaux dans les zones de crise pose des questions morales en matière de sécurité et de respect de la vie privée. Les informations sensibles rendues publiques peuvent mettre en danger des personnes sur le terrain.
Par exemple, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a dû publier une déclaration pour démystifier des informations nuisibles et fausses en réponse à des « fake news » devenues virales au sujet de son travail en Israël et en Palestine.
Malgré ces limites, les réseaux sociaux restent essentiels pour sensibiliser l'opinion, renforcer la mobilisation et la solidarité et influencer la couverture médiatique générale. Ils offrent des mises à jour en temps réel, des perspectives diverses, et la possibilité de témoignages oculaires, comblant ainsi les lacunes de la couverture médiatique traditionnelle.
Ce faisant, les plateformes amplifient des voix souvent inaudibles ou négligées par les médias traditionnels, ce qui permet une compréhension plus nuancée des événements actuels.
La couverture médiatique occidentale de la guerre de Gaza a souvent renforcé les préjugés en sous-représentant les perspectives palestiniennes et en omettant le contexte historique, façonnant ainsi l'opinion publique.
Les réseaux sociaux comme Instagram et TikTok contribuent à combler ces lacunes en offrant une couverture immédiate des personnes touchées, mais elles présentent également des risques tels que la désinformation et les menaces pour la sécurité. L'éducation aux médias est essentielle pour relever ces défis et exploiter les avantages des réseaux sociaux pendant les conflits.
Les auteurs
Sahar Khamis est experte des médias arabes et musulmans, avec un parcours universitaire et professionnel remarquable. Elle a dirigé le département de communication de masse de l'université du Qatar et a été professeur invité à l'université de Chicago. Elle est coauteur de plusieurs ouvrages sur les discours islamiques et l'activisme politique et a publié de nombreux ouvrages en anglais et en arabe. Elle anime une émission de radio mensuelle sur « U.S. Arab Radio ».
Felicity Sena Dogbatse est étudiante en deuxième année de doctorat dans le domaine de la rhétorique et de la culture politique au sein du département de la communication de l'université du Maryland. Felicity a obtenu une maîtrise en communication à la Bowling Green State University et une licence en communication à l'Université de Cape Coast, au Ghana.
Avertissement : les opinions exprimées par l'auteur ne reflètent pas nécessairement les opinions, les points de vue et les politiques éditoriales de TRT Afrika.