Par Mohamed Touzani
TRT Afrika - Rabat, Maroc
Le gouvernement marocain vient de lancer un processus laborieux de révision du code de la famille, ou Moudawana, dans une société profondément divisée entre ceux qui militent pour le maintien du statu quo et ceux qui appellent à des réformes profondes.
En septembre dernier, le roi Mohammed VI a donné de l'espoir aux partisans d'une plus grande égalité entre les sexes en créant une commission chargée de consulter les associations féminines, les oulémas (théologiens), les intellectuels et les services gouvernementaux afin d'élaborer un programme de réforme du code de la famille qui tienne compte des profondes mutations économiques, sociales et politiques qu'a connues le Maroc au cours des 20 dernières années.
La commission a pour mission de soumettre son rapport au roi Mohammed VI dans un délai de six mois.
En sa qualité d'Amir Al Mouminine (Guide des croyants), le souverain se prononcera sur les réformes proposées avant de les soumettre au gouvernement, puis au Parlement pour adoption.
"Notre ambition est de continuer à construire un Maroc avancé et digne. Il est donc essentiel que tous les Marocains, hommes et femmes, participent activement à la dynamique de développement", a déclaré le Roi au Parlement en 2022, justifiant la nécessité d'introduire cette loi.
Une vision progressiste
Quelques années après son intronisation en 1999, le Roi avait initié une réforme courageuse du Code de la famille, saluée alors par la communauté internationale comme une expérience pionnière dans la région.
Selon le Haut-commissariat au Plan (HCP), le taux d'alphabétisation des femmes au Maroc, qui représentent 50,3 % de la population en 2020, est passé de 39,6 % en 2004 à 53,9 % en 2019. La scolarisation a atteint 90,5 % des filles âgées de 15 à 17 ans en milieu urbain et 39,2 % en milieu rural en 2020.
Au niveau national, l'espérance de vie à la naissance des femmes est passée de 75,6 ans en 2010 à 78,3 ans en 2020. Dans les zones urbaines et rurales, elle était respectivement de 76,9 et 71,4 ans.
Parmi les autres données significatives, le taux de mortalité maternelle est passé de 112 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2010 à 72,6 décès en 2018 (111,1 dans les zones rurales et 44,6 dans les zones urbaines).
Mais si le code proposé représentait un grand bond en avant à l'époque, certaines limites de l'exercice ont empêché le processus de promotion des femmes, tel que prévu par la Constitution marocaine adoptée en 2011 dans le sillage du Printemps arabe.
Le HCP souligne que la participation des femmes au marché du travail en 2020 était encore faible, avec un taux d'activité de 19,9% contre 70,4% pour les hommes. Le secteur agricole reste le premier employeur des femmes (44,8 %).
Un appel au changement
Un an après son discours au Parlement, le Roi a récemment demandé au chef du gouvernement d'accélérer le rythme de ce projet très important pour l'égalité entre les hommes et les femmes en termes de droits et d'obligations, tout en fixant les paramètres de cette réforme.
"En ma qualité d'Emir Al-Mouminine (...), je ne saurais autoriser ce que Dieu a interdit, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé, notamment sur les points régis par les textes formels du Coran", a déclaré le souverain.
"A cet égard, nous nous engageons à ce que ce chantier de réforme soit mené en parfaite harmonie avec les finalités de la loi islamique (charia) et les spécificités de la société marocaine".
L'actuel code de la famille fixe l'âge légal du mariage à 18 ans, avec toutefois des dérogations dans l'article 20 qui, selon de nombreux observateurs, "ouvrent la voie à des abus".
En ce qui concerne la polygamie, la législation prévoit des mesures dissuasives telles que l'obligation d'obtenir l'autorisation de la première épouse pour se remarier, ou la nécessité pour le mari de justifier objectivement de l'existence de ressources permettant de subvenir aux besoins de deux familles.
Le mari doit également garantir sa capacité à verser une pension alimentaire et à loger les deux épouses de manière égale.
De fortes résistances
Le Parti de la justice et du développement (PJD) du Maroc, dirigé par l'ancien Premier ministre Abdelilah Benkirane, s'oppose au projet d'interdiction de la polygamie et au concept d'égalité successorale.
Un mois après le lancement du processus de révision du code de la famille, les avis restent partagés sur plusieurs des réformes proposées.
Heureusement, un consensus semble se dégager sur la nécessité de mettre un terme au mariage des mineurs.
Alors que le nombre d'autorisations de mariage a légèrement diminué au cours des dix dernières années, le nombre de demandes a étonnamment augmenté pour atteindre plus de 27 000, selon les dernières données.
Le ministre marocain de la justice, Abdellatif Ouahbi, a appelé à "mettre fin à ce problème une fois pour toutes".