La ville de Goma compte près de deux millions d'habitants, y compris les personnes déplacées par le conflit. / Photo : AFP

Par Emmanuel Onyango

Le crépitement des coups de feu a fait place à un semblant de vie dans les rues de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo, après que les rebelles ont pris le contrôle de la ville.

Mais sous ce vernis de calme relatif se cache une image inquiétante de la souffrance des civils causée par le conflit.

L'eau et l'électricité ne sont pas totalement rétablies et les routes menant à la ville ont été bloquées, selon les autorités congolaises.

Les services hospitaliers regorgent de patients souffrant de blessures par balle. Les Nations unies estiment que près de 3 000 personnes ont été tuées et près de 3 000 autres blessées au cours des deux dernières semaines. Ces chiffres seront probablement revus à la hausse.

L'ONU a indiqué que l'insuffisance des fournitures médicales, du carburant et du personnel constituait le défi le plus important dans la gestion de la situation actuelle.

Des personnes déplacées rentrent chez elles quelques jours après la prise de la ville de Goma par le groupe rebelle M23.

Déplacés et défavorisés

Selon le Programme alimentaire mondial, plus de 700 000 personnes ont été forcées de fuir leurs maisons dans la ville au cours du mois de janvier.

Pour ceux qui restent, la ville ressemble à un champ de bataille. Les voitures incendiées et les bâtiments endommagés le long des rues rappellent brutalement les horreurs des affontement qui ont fait rage jusqu'à récemment.

La Croix-Rouge aide les autorités à collecter et à enterrer les corps des personnes tuées pendant les combats.

Les morgues fonctionnent sans réfrigérateur en raison de coupures de courant. Myriam Favier, cheffe de la sous-délégation du Comité international de la Croix-Rouge à Goma, parle d'une "course contre la montre" pour identifier les corps.

L'aide humanitaire essentielle reste bloquée à l'aéroport de la ville, que les rebelles ont bouclé. Le bureau humanitaire des Nations unies a déclaré que la survie de milliers de personnes dépendait de la réouverture de l'aéroport dans les plus brefs délais.

"L'aéroport de Goma est une bouée de sauvetage. Sans lui, l'évacuation des blessés graves, l'acheminement des fournitures médicales et la réception des renforts humanitaires sont paralysés", a déclaré le coordinateur humanitaire résident des Nations unies au Congo, Bruno Lemarquis, dans un communiqué.

Des membres de l'équipe de la Croix-Rouge procèdent à l'enterrement des victimes des combats, au cimetière ITIG, à Goma.

Menaces pour la santé publique

Les autorités sanitaires mettent en garde contre le risque croissant d'épidémies, notamment de choléra, de rougeole et de Mpox, en raison des déplacements massifs et de l'insalubrité des sources d'eau.

Selon l'organisation caritative mondiale ActionAid, des centaines de milliers d'habitants souffrent également de la faim en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires.

Les prix des produits de base comme la farine et l'huile ont plus que doublé et de nombreuses familles se privent de repas.

"Tout est devenu cher. Nous payions 20 dollars pour un seau de riz, et maintenant c'est au moins 23 dollars. Le coût des grandes bouteilles d'eau potable a également doublé, passant de 1 à 2 dollars l'unité", a expliqué un volontaire communautaire d'ActionAid à Goma.

L'organisation caritative a déclaré que les combats avaient coupé les routes vers les régions environnantes qui approvisionnent Goma en nourriture, entraînant des pénuries et des hausses de prix.

"La flambée des prix rendra la nourriture sur les marchés de Goma inaccessible à de nombreuses familles, en particulier à celles qui ont été déplacées et vivent avec presque rien", a averti Yakubu Mohammed Saani, directeur national d'ActionAid.

Des personnes se promènent sur le marché d'Alanine après la reprise des activités commerciales suite à la prise de Goma par le groupe rebelle M23.

Les femmes sont les plus touchées

Selon une agence des Nations unies, les agressions et l'exploitation sexuelles sont devenues monnaie courante à Goma. À la périphérie de la ville ravagée, des civils ont signalé des dizaines de cas de violences sexuelles commises par des hommes armés en treillis.

Goma a également connu une recrudescence d'autres crimes, notamment des détournements de voitures et le pillage d'entrepôts appartenant à des agences humanitaires.

Une coalition de groupes rebelles a consolidé son contrôle sur la ville après avoir déclaré un cessez-le-feu unilatéral. Mais la trêve n'a pas tenu et Kinshasa a déjà promis de reprendre la ville qui abrite plus d'un million de personnes.

Des pourparlers de haut niveau visant à résoudre le conflit ont lieu les 7 et 8 février dans la ville côtière tanzanienne de Dar es Salaam, avec la participation annoncée du président congolais Felix Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame.

Les observateurs estiment qu'un moment décisif se profile à l'horizon et avertissent qu'une escalade de la violence pourrait déclencher une guerre régionale.

TRT Afrika