Par Kudra Maliro et Mamadou Dian Barry
Depuis son éclatement vers la fin des années 1990, la guerre du Congo a fait, selon plusieurs sources dont des ONG, plus de six (6) millions de morts et provoqué le déplacement de 5,5 millions de personnes, fuyant les violences des groupes armés, venus pour la plupart d’autres pays, s’accaparant des territoires de l’est de la RDC.
C’est le conflit le plus meurtrier du 21e siècle, selon les observateurs. Il a fait plus de victimes que le conflit au Yémen,ou encore la crise russo-ukrainienne ,même s'il ne bénéficie pas de la même attention de la communauté internationale.
Cette tragédie se déroule au cœur du continent. Des massacres de civils, dont des femmes et des enfants, des viols…bref, des crimes sont commis par des milices sponsorisées, au vu et au su de tous.
Poignard dans le dos
"Nous devons bannir l’hypocrisie entre nous. Nous devons avoir le courage entre Africains de nous regarder les yeux dans les yeux, nous dire qu’on ne peut pas s’appeler frères et se poignarder dans le dos", avait déclaré Félix Tshisekedi, président de la RDC lors du sommet des trois bassins du Congo, de l’Amazonie et du Borneo-Mekong tenu à Brazzaville en octobre dernier.
Le président congolais avait rappelé au monde "l’agression dont la RDC est victime de la part du Rwanda, sous couvert de la rébellion M23, contribue au vol des ressources minières mais aussi à détruire la biodiversité importante du parc de Virunga".
Le Rwanda "vit des agressions à répétition de la RDC. Cette instabilité entretenue de la RDC profite énormément et économiquement au Rwanda, voilà pourquoi le Rwanda ne voudra jamais discuter, voilà pourquoi la RDC refuse de discuter avec ces pantins du M23", a indiqué Tshisekedi.
Fin octobre, "l’armée rwandaise, sous le label du M23, a tenté d’occuper des positions initiales des FARDC" à Kibumba, affirme le 2 novembre le colonel Guillaume Ndjike Kaiko, porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu.
Le Rwanda nie son implication, en dépit des rapports des experts de l’ONU, des ONGs et des chancelleries occidentales.
Contactée par TRT Afrika, Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais a fustigé "des déclarations fausses et invérifiables pour détourner l’attention de leur (FARDC) et l'incapacité à respecter les processus de paix régionaux".
"En violation flagrante du processus de Nairobi mené par l'EAC et de la feuille de route de Luanda, le gouvernement de la RDC a choisi de donner des armes et de combattre aux côtés de groupes armés illégaux, notamment les milices génocidaires du FDLR, et de mercenaires étrangers. Cela compromet la mission de l'EAC-RF (la force régionale) et met en danger la vie de ses troupes", a ajouté la porte-parole du gouvernement rwandais.
Début novembre, la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) avait déclaré qu'elle intensifierait les discussions avec les gouvernements de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda pour mettre fin aux conflits dans l'est de la RDC.
Depuis des années, les deux pays se rejettent mutuellement la responsabilité de l'insécurité dans l'est de la RDC, le président rwandais Paul Kagamé accusant la RDC de soutenir les rebelles opposés à son gouvernement.
De son côté, la RDC accuse le Rwanda de soutenir le groupe rebelle M23, composé essentiellement de combattants de l'ethnie tutsi de la RDC.
Black-Out des médias
Depuis plus de 30 ans, la partie Est de la RDC est secouée par un conflit entre les forces gouvernementales et les groupes armés qui commettent des massacres de civils dans la région.
"Le conflit en République démocratique du Congo se poursuit avec le soutien des pays occidentaux qui mènent des guerres par procuration entre des groupes ethniques armés soutenus au niveau régional par l'Ouganda d'une part, et le Rwanda et le Burundi d'autre part, faisant de la guerre dans ce pays africain, la Guerre la plus dangereuse depuis la seconde guerre mondiale, ayant fait plus de 6 millions de morts et environ 5,5 millions de déplacés", selon Hassan Balwan, chercheur en sciences politiques dans les colonnes du site marocain Hespress.
Beaucoup se demandent pourquoi la guerre au Congo ne figure pas en priorité dans l’agenda internationale, pas plus qu’elle n’intéresse les médias occidentaux.
Les minerais
La RDC détient un sous-sols qui place le pays parmi les plus riches du monde.
Le sous-sol du Congo, ce sont des minerais très prisés par les géants de la technologie entre autres : le coltan qui sert à la fabrication des micro processeurs, destinés aux ordinateurs, aux smartphones, et autre équipements de pointe.
Le lithium très convoité pour les batteries des voitures électriques, sans émission de CO2 et perçu comme l’avenir de l’industrie automobile.
C’est aussi le Bois, très prisé par les pays asiatiques notamment. Il y a l’or, le diamant, la liste est encore longue.
Et pour les groupes rebelles originaires d’autres pays, pour la plupart, qui ont assiégé cette zone depuis des dizaines d’années, ces minerais sont d’une importance capitale.
Ils se sont dès lors emparé de vastes territoires, prenant le contrôle de plusieurs sites miniers. Selon certains observateurs, ils sont financés par des multinationales qui ont un pied dans cette partie du Congo.
Ils profitent de ce conflit pour piller les ressources du sous-sol congolais, faisant ensuite transiter les minerais par les pays voisins.
Et pour effacer les traces sur leur origine, ces minerais sont partiellement transformés dans des unités implantées dans d’autres pays, avant d’être exportés vers l’étranger.
Régulièrement, les organisations non gouvernementales et même l’ONU, dénoncent le trafic illégal de ces ressources du Congo vers d’autres pays.
Dans un rapport rendu public en décembre 2020, le groupe d'experts de l'ONU avait indiqué que "des réseaux criminels ont été impliqués dans le trafic de l'étain, du coltan et du tungstène provenant de sites miniers sous occupation de groupes armés".
Mais bien avant ce constat, le congrès américain avait passé au milieu de l’année 2020 le "Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act" qui est une décision, exigeant des grandes entreprises de technologie basées aux USA de déclarer l'origine de leurs minerais. Les Américains portaient de fort soupçons sur l’origine de ces minerais.
Il s’agissait "de mettre en place un système de traçabilité pour s'assurer que ces entreprises n'achètent pas de minerais qui financent l'activisme des groupes armés, aussi appelés les minerais de sang", révèle un observateur averti qui a requis l’anonymat. Des citoyens congolais et des chercheurs soupçonnent en effet le Rwanda d'encourager l'instabilité dans cette zone géographique pour affaiblir la capacité du gouvernement congolais à y contrôler le trafic des ressources naturelles (minerais, faune et flore). Le Rwanda a toujours rejeté ces accusations et réaffirmé son engagement aux mécanismes régionaux de lutte contre l'exploitation illégale des ressources.
Ingérences et désirs de souveraineté
Début 2022, le Mouvement du 23 mars (M23) a ressurgi dans l’est de la RDC après avoir été vaincu en 2013. Ces rebelles se sont accaparés de plusieurs territoires congolais, en y installant une administration parallèle créant un grand manque à gagner pour le trésor public.
Selon une source au sein de la Direction générale des douanes et accise (DGDA), le Nord -Kivu est la quatrième province qui mobilise le plus de recettes douanières en RDC.
Selon Muhammad Shuqair, chercheur en sciences politiques, a souligné que le Congo "souffre d'une instabilité politique depuis son indépendance en raison de sa situation géographique, se situant au milieu de plusieurs pays d'Afrique de l'Est, en plus du fait de regorger de richesses considérables", des ressources minières, notamment l'or et les diamants, ce qui attise les convoitises et favorise les "ingérences étrangères".
Mais aujourd’hui, la RDC tente de reprendre son destin en main. Le pays a sommé la Monusco, qui est à ce jour la plus grande mission de maintien de la Paix des Nations unies, de partir. Forte de plus de 22.000 casques bleus, elle n’a pas réussi en 25 ans de présence à stabiliser le pays. Après ce constat d’échec, les appels et les manifestations réclamant le départ de cette Mission se sont multipliés ces deux dernières années, se soldant souvent par des victimes civiles notamment à Goma.
"Il est temps pour notre pays de prendre pleinement son destin en main et de devenir le principal acteur de sa propre stabilité", a déclaré le président Tshisekedi, le 21 septembre dernier lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Le dirigeant n’a pas hésité à accusé la Monusco de ne pas avoir "réussi à faire face aux rébellions et conflits armés" qui déchirent l’est du pays.
Les Etats-Unis d’Amérique pensent que la communauté internationale doit faire en sorte que le départ de la MONUSCO ne vienne pas exacerber une crise humanitaire déjà grave, a rapporté la radio de l'ONU en RDC, Radio Okapi.
Le représentant des Etats-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU a exprimé cette position, jeudi 28 septembre, lors de la séance de cette haute instance onusienne consacrée à la situation de la République Démocratique du Congo, précise le média onusien.
Les Etats-Unis ont proposé, à cet effet, au Conseil de sécurité d’engager un dialogue avec les autorités congolaises pour l’efficacité de la MONUSCO, soulignant, toutefois que "la mission seule ne peut résoudre le problème de l’insécurité dans l’Est du pays".
"Un départ précipité des casques bleus pourrait entraîner des conséquences néfastes pour des milliers de personnes déplacées internes. La présence de la MONUSCO constitue le seul rempart aussi faible qu’il soit contre les violences et les abus des groupes armés", a soutenu pour sa part la Suisse.
Quant à la Chine et la Russie, elles ont appelé le Conseil de sécurité à "prendre en compte la demande de Kinshasa mais en s’inspirant des considérations rationnelles de tenir compte de la situation sur le terrain et d’agir de manière graduelle et responsable".
Une force régionale est-africaine
A la suite de ces tensions permanentes entre le Rwanda et la RDC, les pays de l’Est réunis autour d’une table, décident de mettre sur pied une force armée qui sera une force offensive et non d’interposition, précise une source congolaise.
"Elle sera composée d’environ 10.000 hommes prêts à toute éventualité dans le but de tenter de mettre fin à ce conflit qui perdure. Son déploiement est prévu pour d’ici le mois de juillet 2023", relève un commandant de la EACRF, la force régionale de la communauté des Etats de l’Afrique de l’Est joint par TRT Français.
Kinshasa accuse le Rwanda d'apporter un soutien au M23. Kigali quant à lui conteste, en accusant en retour Kinshasa de collusion avec des rebelles hutus rwandais implantés en RDC depuis le génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda.
Le conflit armé qui sévit depuis le 22 mai 2022 dans la province du Nord-Kivu a déjà contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir leur foyer face à ce qui est qualifié par les experts de "plus grande offensive des rebelles du M23 depuis une décennie" contre les troupes gouvernementales congolaises.