Gabon : dans les rues embouteillées de Libreville, les véhicules de 8 ans refont surface. Photo : TRT Afrika

Par Jean-Rovys Dabany

TRT Afrika - Libreville, Gabon

Sa petite Toyota est vieille de 26 ans. Le compteur affiche 855 347km. Mais Luc l’a transformée en clando, c’est-à-dire en voiture de transport en commun circulant quasiment sans papiers dans les quartiers périphériques de Libreville. Quand Luc a appris qu’il est désormais autorisé d’importer un véhicule de plus 8 ans au Gabon, il a simplement poussé un ouf de soulagement.

"On a trop souffert depuis 2014. Tous les deux jours je dois aller chez le mécanicien pour faire des réparations. C’est difficile pour les pères de famille comme nous. On dit que nos voitures polluent, mais tout le monde n’a pas les moyens pour s’acheter une voiture neuve", raconte Luc à TRT Afrika.

Au grand garage, situé dans le quartier de Mindoubé 1, les mécaniciens, habitués à réparer des antiquités, applaudissent cette mesure. "Pour nous, c’est une bonne chose. S’il n’y a pas de véhicules à réparer, on aura pas aussi du travail. Nos clients sont en général des taximen qui viennent pour les réparations chaque jour", explique Tony, un mécanicien nigérian.

Gabon : dans les rues embouteillées de Libreville, les véhicules de 8 ans refont surface. Photo : TRT Afrika

Des vieilles Mitsubishi qui servent de taxis, un minibus Toyota qui crache des particules fines dans les rues embouteillées de Libreville, le phénomène est tel qu’il représente une menace en termes de pollution de l’air. Ce qui avait poussé le gouvernement dirigé par le régime déchu à interdire l’importation des "occasions Belgique", terme qui désigne ces voitures d’occasion importées, jugées "trop polluantes".

L’interdiction d’importation des voitures d’occasion avait été prise en décembre 2014 pour les véhicules âgés de 3 ans et plus, puis en 2016, cette mesure a été allégée pour ceux âgés de 5, 6 ans et plus.

Une décision qui avait poussé la Fegasta, Fédération gabonaise des syndicats des transports et assimilés à critiquer une mesure prise pour favoriser les concessionnaires des véhicules neufs.

"Nous avons rappelé au président (de la Transition, NDR) conformément à la sous-région, nous avons pris un âge standard parce qu’actuellement le Sénégal et le Cameroun ont choisi 10 ans. Et c’est 10 ans que nous avons proposés au président de la République. Car il y a beaucoup qui se retrouvent avec 2 ou 3 millions et ne peuvent pas acheter un véhicule, si ce n’est que de 3e ou 4e main, or avec 3 millions vous avez la possibilité d’avoir une voiture de 2e main", a déclaré à TRT Afrika Albert Bernard Bongo Essono, président de la Fegasta.

Gabon : dans les rues embouteillées de Libreville, les véhicules de 8 ans refont surface. Photo : TRT Afrika

Le parc automobile d’Aziz situé dans la zone industrielle affiche 45 véhicules flambants neufs. Des modèles asiatiques en bonne partie des pick-up, vendus 10 à 30 millions de FCFA.

Ses traditionnels clients sont majoritairement des grands groupes : compagnies pétrolières, des banques, des grandes entreprises locales, mais de plus en plus des cadres moyens sont séduits par ses offres. Et pour ce vendeur, cette mesure est un coup dur et un casse-tête pour l’avenir. "Que faire de mes stocks de voitures", s’interroge ce concessionnaire libanais installé au Gabon depuis plus de 20 ans.

Selon l’écologiste Marc Ona Essangui, les véhicules d’occasion importés doivent notamment répondre à minima aux normes Euro 4, c’est-à-dire avoir été mis en circulation après 2006.

D’après lui, cette mesure prise par plusieurs pays en Afrique vise également à introduire des carburants et des véhicules plus propres sur le marché à partir de 2021.

Gabon : dans les rues embouteillées de Libreville, les véhicules de 8 ans refont surface. Photo : TRT Afrika

"On n’est pas nombreux à avoir les moyens pour pouvoir s’acheter des voitures neuves vendues par les concessionnaires. Mais il est important de sensibiliser les usagers sur lq nécessité de réduire la pollution de l’air par ces véhicules d’occasions venant de l’Europe et de l’Amérique", explique le Goldman Environmental Prize.

Officiellement, d’après les autorités, cette décision est motivée afin de maîtriser et de réduire considérablement le nombre croissant d’accidents sur les routes gabonaises, mais surtout de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de limiter la pollution qui induit des problèmes de santé pour les populations.

"Les villes gabonaises sont des cimetières pour ces véhicules d’occasion qui sont en fin de vie en Europe et qui sont déversés chez nous en Afrique”, peste un client à bord d’un bus en direction du centre-ville. "Beaucoup de ces voitures ne devraient pas rouler", estime-t-il.

S’il est difficile d’évaluer la quantité de voitures d’occasion qui arrivent au Gabon, en raison notamment du manque de statistiques portuaires fiables, au Gabon, le marché de véhicules affichait en 2014 15 à 20 mille occasions d’Europe déversés sur le marché gabonais contre 5 mille véhicules neuves seulement.

Gabon : dans les rues embouteillées de Libreville, les véhicules de 8 ans refont surface. Photo : TRT Afrika

À la sortie de l’unique voie qui mène à l’aéroport, une rangée de bus Trans Urb attend les passagers.

Des modèles de bus dernier cri, hybrides à l’essence, très faiblement polluants, importés du Brésil. Les 300 bus affectés uniquement au transport public dans les grandes artères de Libreville constituent une vitrine du gouvernement en matière de parc automobile moderne.

Mais ces bus nouvelle génération sont majoritairement insuffisants pour le transport des quelques 900 mille habitants de Libreville. Car ils ne représentent que 5% du parc automobile de la capitale, d’après les chiffres communiqués en avril dernier par la direction de Trans Urb, la société étatique.

TRT Afrika