Par Sylvia Chebet
Des rangées de sacs d'une demi-tonne remplis de poudre d'hydroxyde de cobalt côtoient des paquets de feuilles de cuivre raffiné à perte de vue.
Cette immense étendue, dont la valeur est estimée à 2 milliards de dollars, est recouverte de poussière, comme s'il s'agissait d'un trésor que quelqu'un aurait caché et oublié.
Le stock de 13 000 tonnes de poudre de cobalt, équivalant à 7 % de la production mondiale en 2022, se trouve à Tenke Fungurume, dans le sud-est du Congo, la deuxième plus grande mine de cobalt au monde, qui s'étend sur environ 1 600 kilomètres carrés, selon l'AFP.
Les données de la société montrent que la mine détenue par la Chine a produit environ 20 000 tonnes de cuivre et 1 500 tonnes de cobalt par mois l'année dernière.
Les stocks massifs ont commencé à s'accumuler entre juillet 2022, lorsque le gouvernement a imposé à la société une interdiction d'exportation, et ce mois d'avril, lorsque la restriction a été levée.
"Il s'agit de neuf mois de production qui restent sur le sol. Le manque à gagner pour le Trésor congolais qui en résulte est évident", déclare un expert minier à propos de la montagne de métal "ahurissante".
L'interdiction d'exporter ayant été levée, China Molybdenum Company Ltd (CMOC) a enfin commencé à écouler ses stocks.
Harry Fisher, analyste chez Benchmark Mineral Intelligence, estime qu'il faudra jusqu'à 10 mois pour déplacer l'ensemble des stocks, ce qui constitue un "défi logistique".
Vincent Zhou, porte-parole du CMOC, indique que le plan consiste à libérer les stocks "de manière rythmée, en synchronisation avec la demande du marché".
Calculer le coût
Les prix du cobalt ont chuté d'environ 65 % par rapport au mois de mai de l'année dernière, passant de 40 dollars la livre à 14 dollars, selon Fastmarkets, une société d'information sur les prix.
La crainte initiale était que la libération en une seule fois de tout le cobalt stocké à Tenke Fungurume n'entraîne un effondrement du marché, d'autant plus que les prix sont déjà au plus bas.
Les craintes que la reprise des activités à Tenke n'entraîne des turbulences sur le marché semblent avoir été dissipées pour l'instant.
"Le prix du cobalt n'est pas affecté", déclare Zhou Jun, vice-président de CMOC et directeur de la mine Tenke Fungurume.
"La majeure partie du cobalt sera vendue au coup par coup dans le cadre de contrats d'approvisionnement à long terme.
En avril, Benchmark Mineral Intelligence a estimé la valeur du stock de cobalt à 340 millions de dollars. Les réserves de cuivre de la mine pourraient à elles seules valoir jusqu'à 1,5 milliard de dollars, selon les cours actuels de la Bourse des métaux de Londres.
La production mondiale de cuivre se chiffre en millions de tonnes par an, ce qui signifie que les stocks de Tenke Fungurume ne risquent pas de faire baisser davantage les prix. Toutefois, l'élimination des stocks pourrait prolonger la période de bas prix.
Énergie verte
La République démocratique du Congo fournit plus de 70 % du cobalt mondial et est également le premier producteur de cuivre en Afrique. Ces deux métaux sont considérés comme essentiels à la révolution de l'énergie verte.
L'Agence internationale de l'énergie (AIE) indique que tous les types de véhicules électriques nécessitent une quantité importante de cuivre pour les batteries, le câblage et l'infrastructure de recharge.
L'AIE prévoit que la demande de véhicules électriques augmentera considérablement au cours de la prochaine décennie, ce qui accroîtra la demande de cuivre.
Outre les batteries des véhicules électriques, la majeure partie du cobalt est utilisée dans les batteries qui alimentent les smartphones, les tablettes et les ordinateurs portables.
Mais si c'est une bonne nouvelle pour le reste du monde, l'impact est à peine perceptible dans le pays.
"Comme vous le savez, les bénéfices sont réalisés en dehors du pays. C'est là que le pays et ses habitants sont perdants. Tous les minerais partent et notre pays se retrouve avec des trous béants. Nous n'avons toujours pas de bonnes routes, d'écoles ou d'hôpitaux", explique à TRT Afrika Papy Masudi Radjabo, un activiste minier membre d'un mouvement local appelé Filimbi.
La ceinture minérale congolaise dispose d'une seule autoroute qui quitte le pays en direction des ports de l'océan Indien tels que Durban ou Dar es Salaam.
Mais cette route est parsemée de péages, fréquemment la cible de voleurs et sujette à des embouteillages monstres. Pour l'heure, le Congo se contenterait de voir la fin du statu quo à Tenke Fungurume.
