Par Firmain Eric Mbadinga
Le rôle de la diaspora africaine dans le développement économique du continent devient de plus en plus crucial à mesure que le volume d'argent envoyé au pays augmente de façon exponentielle, contribuant à élargir le pool de financement pour des projets qui ont un impact significatif sur la vie des gens.
"La diaspora africaine est devenue le premier bailleur de fonds de l'Afrique. Il ne s'agit pas de dettes. Il s'agit de dons ou de donations à 100 %, une nouvelle forme de financement concessionnel qui est la clé pour garantir les moyens de subsistance de millions d'Africains", a déclaré Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD), lors d'un événement organisé à Abidjan, en Côte d'Ivoire, en décembre de l'année dernière.
La BAD et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont depuis lancé un projet de 3,9 millions de dollars américains pour stimuler les investissements des membres de la diaspora dans huit pays africains.
Le projet, que l'OIM coordonnera sur le terrain, vise à renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière. En 2022, les Africains vivant à l'étranger, estimés à 160 millions, ont transféré 95,6 milliards de dollars en Afrique.
L'Égypte est l'un des pays qui a le plus bénéficié de cet afflux, avec près de 28 milliards de dollars reçus de sa diaspora.
Le Nigeria est en tête des pays subsahariens avec au moins 20 milliards de dollars de fonds provenant de sa diaspora. Ces transferts d'argent, reconnus comme essentiels par les gouvernements et les ONG, ont largement contribué à freiner la fuite de milliers d'Africains vers l'étranger, au péril de leur sécurité et sans aucune assurance d'une vie meilleure.
Un projet pionnier
Le projet lancé par la BAD le 3 décembre, en partenariat avec l'Union africaine (UA) et l'OIM, vise à donner à la diaspora davantage d'occasions d'accroître sa capacité à contribuer au développement local et, partant, à lutter contre l'immigration irrégulière en provenance d'Afrique.
L'OIM est convaincue que ce projet pourrait créer des emplois et des richesses sur le continent, en donnant à ceux qui cherchent des pâturages plus verts un choix autre que celui de prendre la mer sur le premier canot pneumatique vers une vie pleine de dangers et d'incertitudes.
L'engagement des diasporas est l'un des principaux domaines d'activité de l'OIM en Afrique, avec des programmes et des projets pilotés dans plusieurs pays depuis les années 1980.
"Grâce à son expertise, l'OIM vise à rationaliser les investissements de la diaspora, à stimuler l'investissement privé et à réduire la vulnérabilité en promouvant l'esprit d'entreprise et les liens commerciaux dans huit pays africains", explique à TRT Afrika Eric Mazango, responsable de la communication au bureau de l'organisation à Addis-Abeba, en Ethiopie.
Les principaux bénéficiaires du projet, qui bénéficie de l'appui technique de la Commission de l'UA, sont les ressortissants de la Gambie, du Liberia, de Madagascar, du Mali, de la Somalie, du Sud-Soudan, du Zimbabwe et du Togo.
Au Togo, pays natal de Kag Sanoussi, professionnel itinérant de la gestion des conflits, la somme allouée par la BAD et l'OIM s'élève à près de deux milliards de francs CFA.
"L'impact positif de la diaspora sur le continent est un sujet que je connais bien. Moi aussi, j'envoie régulièrement de l'argent au pays", explique-t-il.
"Le défi immédiat est de voir comment l'argent envoyé contribue de manière tangible au développement. Comme beaucoup d'autres, c'est un bon projet qui doit être accompagné d'un bon 'état d'esprit'. Nous devons soutenir les joueurs et leurs projets afin qu'ils puissent apporter un développement pratique pour maintenir ces populations dans un cadre d'opportunités".
Garanties en place
Les préoccupations soulevées par M. Sanoussi ont été prises en compte. L'OIM, qui mettra en œuvre le projet, a l'intention de s'appuyer sur l'expérience acquise pour s'assurer que le plan reste sur la bonne voie.
"Les huit pays bénéficiaires ciblés s'appuieront sur les initiatives précédentes et en cours, ainsi que sur les enseignements tirés dans leurs régions respectives. Les exemples incluent le projet du Fonds de développement OIM-PNUD qui a débuté en 2008 avec plus de 700 experts de la diaspora somalienne déployés dans leurs pays d'origine", explique Mazango.
Une étude financée par l'OIM sur "les transferts de fonds et l'engagement de la diaspora au Sud-Soudan" et la collaboration de l'organisation avec la BAD pour un projet pilote au Burundi visant à réduire le chômage des jeunes grâce à l'implication de la diaspora sont d'autres exemples.
Mazango raconte également le soutien de l'OIM au Togo pour la mise en place d'une plateforme de la diaspora destinée à faciliter le dialogue, la collaboration, le transfert de compétences et les activités impliquant le gouvernement et la diaspora au profit des populations locales.
Les bénéficiaires L'OIM a l'intention d'utiliser les 3,9 millions de dollars de financement pour atteindre principalement les communautés touchées par les conflits, le changement climatique et d'autres catastrophes humanitaires et environnementales.
"Cela profitera à au moins 50 000 personnes dans les pays cibles, y compris les bénéficiaires directs (50 % de femmes et 40 % de jeunes) et indirects (basés sur le fait que la structure familiale nucléaire est composée de 5 à 10 personnes)", explique M. Mazango.
Par le biais de contributions directes ou indirectes, ces fonds financeront également le retour des membres de la diaspora sur le continent pour une formation dans des secteurs tels que l'agriculture, la pêche ou l'élevage, avant de faciliter leur intégration professionnelle.
M. Sanoussi estime que l'investissement dans la sensibilisation des populations cibles, en particulier des jeunes, devrait également être une priorité dans la lutte contre la migration irrégulière.
"Pour moi, il y a deux leviers essentiels, qui sont complémentaires. Le premier consiste à sensibiliser les jeunes aux dangers de l'immigration clandestine. Sensibiliser aux risques, au nombre de morts, au mythe de l'Eldorado. Il faut renforcer cela", explique-t-il à TRT Afrika.
Il suggère également de financer des activités génératrices de revenus qui soient "durables". "Si nous limitons nos actions à la sensibilisation, les gens prendront toujours des risques. Pour les projets actuels et futurs, il faut qu'ils soient durables et à forte valeur ajoutée afin qu'ils ne se limitent pas à quelques mois avant de disparaître", explique M. Sanoussi.
Les bénéficiaires indirects du projet, qui s'étend de 2023 à 2026, sont les acteurs nationaux du secteur privé (entreprises, incubateurs d'entreprises et autres organisations de soutien aux petites et moyennes entreprises) et les institutions financières.
Les ONG et la société civile de différents pays sont également dans le collimateur. Une fois que les huit pays cibles initiaux auront été couverts, le projet sera probablement étendu à d'autres États membres de l'UA.