Par Benjamin Sivanzire
"Je m'habille en turque comme je mange chaque jour", lance Gilbert Mapepe.
Cet étudiant en deuxième année de Licence en informatique, est tombé sous le charme des vêtements de fabrication turque. Dans son costume Fernando Turkey assorti d’un sac à main, Gilbert a fière allure dans les rues de Kisangani, grande ville du Centre-Nord et troisième la plus importante de la RDC.
Les clients disposent d’une palette de choix. Mais Gilbert, lui, opte pour le "Made In Türkiye" pour "sa qualité confortable".
Dans la ville, les magasins de vente d'articles turcs se multiplient. Le long des artères principales mouvementées de Makiso, Bienvenu possède plusieurs places de vente de prêt-à-porter. Chaussures, cravates, chemises et costumes, "tout est turc". Un investissement coûteux "pour répondre à la demande des clients", sourie-t-il.
Pour recevoir ses commandes de textiles turcs, il lui faut parfois attendre plusieurs semaines. Une fois la commande lancée, ses articles sont exportés via des agences de voyages. Première étape, Kinshasa, à plus de 1.200 km de la destination.
Certains colis s’égarent pendant le processus. Mais, Bienvenu ne lâche pas l'affaire. La raison, "la vente des vêtements turcs marche bien", confie Boro Ezanga Kombo, un de ses collaborateurs.
L'habillement compte
Dans un autre magasin non loin de là, Cédric Molimo est venu s’acheter un costume. Celui qu’il compte arborer, début octobre, pour défendre ses travaux de fin d'études en Sciences de la Communication. Pour l’occasion, il ne laissera rien au hasard pour impressionner le jury, devant qui, estime -t-il, l’élégance compte. Il opte ainsi pour le modèle de fabrication turc.
"En plus d'un travail bien réalisé, il faut également bien paraître. Pour le jury, l'habillement compte aussi, surtout en communication", affirme-t-il. Il dépensera finalement cent vingt dollars américains ($120) pour un costume deux-pièces.
Tout comme Gilbert, David Wangu, photographe de profession et amateur de mode, est séduit par les marques turques.
Et, il est prêt à débourser des centaines des dollars américains en vêtements. Incité par la publicité, le cinéma et les témoignages de ses collègues, David ne cache pas sa fierté d’avoir une garde-robe complètement renouvelée avec des vêtements Made in Türkiye.
"Celle-ci, je l'avais acheté à 150 et l'autre à 250 dollars américains", explique -t- il en défilant des photos sur son ordinateur portable. "Pour s'habiller élégamment, il ne faut pas attendre d'occuper les hautes fonctions", professe David.
En République Démocratique du Congo, s'habiller confortablement est un mode de vie. Le pays est connu pour sa culture de la "SAPE" (Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes).
Et la devise des "sapeurs" est "toujours s'habiller chic de la fondation (chaussures) jusqu'au plafond (chapeau)".
Pour ne rater aucune nouveauté, Schadrack Mukohe et ses amis restent accrochés à leurs smartphones. Grâce à leur travail de crémiers, ils peuvent lancer des commandes en ligne et se procurer les dernières tendances turques. Et ce, dans le but de se distinguer sur la scène musicale, leur deuxième passion.
Cette semaine, Schadrack et ses compagnons regardent pour la énième fois la série "Söz", traduite en français pour le public francophone. Objectif, s’inspirer de l'habillement et des "chaussures de l'acteur principal, Saritas Tolga", en vue du tournage du clip de leur morceau musical enregistré le mois dernier.
"Une coopération bilatérale en pleine amélioration"
Cette tendance est le fruit d'une "coopération bilatérale en pleine amélioration entre la RDC et la Turquie", indique Docteur Daddy Saleh. Une renaissance après la trêve mondiale du coronavirus. "En 2022, les échanges commerciaux entre les deux pays sont évalués à 40 millions de dollars américains".
"Des nouveaux accords dans le domaine de la défense, de transport, des infrastructures et économique se sont dorénavant améliorés", explique cet expert en Economie et Développement des pays du Sud.
Dans un pays où l'industrialisation est faible, le gouvernement "devrait profiter de l'expertise turque pour former des citoyens afin d'être compétitif", ajoute l’expert.
Cette approche permettra de répondre aux besoins croissants des amoureux de la "sape" qui consentent des sacrifices énormes dans l’habillement.
Aujourd’hui, force est de constater que le Made in Türkiye a réussi à se trouver une place de choix dans le cœur des adeptes de ce style de vie qui étaient jusque-là tournés vers des enseignes occidentales plus classiques.