Par
Sylvia Chebet
Le regretté Anthony Bourdain, célèbre chroniqueur des cuisines et des cultures, vivait selon la philosophie suivante : "la nourriture n'est peut-être pas la réponse à la paix dans le monde, mais c'est un début".
En franchissant les quelques milliers de kilomètres qui séparent Lagos de Londres avec ses pop-ups, Simisola Idowu-Ajibodu - plus connue sous le nom de Cheffe SiA - incarne tout ce que l'on dit sur le pouvoir d'une assiette de nourriture cuisinée avec amour et compétence.
"Cuisiner, c'est être heureux", explique la cheffe SiA à TRT Afrika. "Il s'agit d'emmener les convives dans un voyage culinaire empreint de chaleur, de familiarité et de bonnes conversations, qui aboutit au bonheur dans la bouche.
Le travail d'amour de la chef nigéro-britannique, Cheffe SiA's Roundtable, n'est pas un restaurant traditionnel avec une adresse. Il apparaît et disparaît à Lagos ou à Londres, selon la ville où elle se trouve un jour donné.
Les deux villes sont peut-être très éloignées en termes de cuisines et de palais, mais les infusions créatives de la cheffe SiA et son flair pour réinventer les plats comblent le fossé continental sur une assiette. Pour ceux qui ont la chance d'être accueillis, il ne s'agit pas seulement d'un repas, mais d'une expérience inoubliable.
"Je dis toujours à mes invités que je les emmène en voyage. De la première bouchée de pain avec mon beurre à l'ail noir à la dernière portion de dessert, qui peut être un parfait Chin-Chin (un plat croquant, cuit ou frit, qui ressemble à un beignet), mes invités sont toujours surpris, heureux et intrigués", déclare la cheffe SiA.
Un palais universel
La blogueuse culinaire Taiwo Ketiku affirme que les réinventions créatives aiguisent son palais. L'astuce, souligne-t-elle, consiste à rendre les plats racontables.
"L'Occident ne peut pas s'identifier à la farine d'igname parce qu'elle n'est pas un aliment de base dans son régime alimentaire. Par conséquent, lorsque vous présentez des plats comme le "riz ofada" sous forme de "crackers ofada", le "riz jollof" sous forme de risotto et le milo sous forme de crumble, les gens peuvent s'identifier à ces plats", explique-t-elle.
Bien sûr, les Africains pourraient crier et hurler des choses comme "abomination" ou "comment osez-vous transformer l'amala en croustillant ou l'iru en gelato ?", mais c'est une perception mitigée et plus appréciée que désapprouvée.
Alors, comment la chef SiA conçoit-elle ses recettes ?
"C'est un mélange de Dieu et d'audace", dit-elle en riant.
"La plupart de mes recettes sont basées sur des plats populaires de mon enfance. Je travaille à l'envers. Je sais à quoi je veux qu'un nouveau plat ressemble, de la texture à la saveur. Avec cette information, je peux développer quelque chose de nouveau".
Hommage aux racines
Cheffe SiA a passé son enfance au Nigeria, où elle est née, avant de s'installer en Angleterre à l'âge de 12 ans. D'aussi loin qu'elle se souvienne, la nourriture l'a toujours fascinée.
"Regarder ma grand-mère et ma mère cuisiner à partir de rien a toujours éveillé sa curiosité. J'ai ensuite rejoint l'internat en Angleterre, où j'ai été exposée à la technologie alimentaire, et tout s'est enchaîné. J'ai su très tôt que je voulais être chef", se souvient-elle.
Cheffe SiA s'est jetée sur les émissions de télévision consacrées à la cuisine, notamment "Chopped", et s'est autorisée à voyager dans une cuisine imaginaire où tous les ingrédients dont elle avait besoin se trouvaient à portée de main.
"Avant même d'entrer à l'école de cuisine, j'avais toujours à l'esprit des mélanges de plats et je rêvais du goût qu'ils auraient", raconte-t-elle, ravie que ce soit désormais sa réalité.
Mais ce qui la pousse à continuer, c'est le plaisir qu'elle éprouve à cuisiner et à nourrir les gens. "J'aime explorer la façon dont divers ingrédients peuvent s'associer pour créer du bonheur. Si un plat que je crée ne m'apporte pas de joie, je ne le sers pas", explique-t-elle à TRT Afrika.
Cheffe SiA s'inspire fortement de ses racines ouest-africaines, et cela semble fonctionner. Le monde culinaire, estime-t-elle, "adopte les ingrédients et les plats d'Afrique de l'Ouest".
C'est aussi ce qui a motivé son entreprise culinaire, un service sur mesure qui lui permet de créer une communauté de personnes qui apprécient l'expérience des plats qu'elle prépare.
"J'ai lancé l'expérience de la table ronde Cheffe SiA pour montrer comment j'interprète les ingrédients d'Afrique de l'Ouest", explique-t-elle. "J'espère porter cette expérience à l'échelle mondiale et inviter les gens à s'immerger dans mes créations culinaires.
Des commentaires encourageants
Rien ne fait plus plaisir à la chef SiA que de voir ses clients comprendre les plats qu'elle leur sert. "Qu'ils posent des questions sur l'histoire d'un plat ou sur les ingrédients, je suis fière de pouvoir attiser la curiosité de mes clients", dit-elle.
Cependant, cuisiner des plats d'Afrique de l'Ouest à Londres ou ajouter un élément anglais à ses plats à Lagos comporte son lot de défis. Le plus grand obstacle est l'approvisionnement en ingrédients appropriés.
"Je ne saurais dire combien de fois j'ai essayé de trouver des coquilles Saint-Jacques fraîches à Lagos ou des goyaves mûres à Londres. Heureusement, je ne suis plus confrontée à autant de défis, car le monde est devenu si petit que l'on peut tout obtenir en un clic", déclare la cheffe SiA.
Elle attend avec impatience de voir comment les clients réagissent à ses innovations et à ses plats réinventés. "Je ne me lasse pas de les voir goûter l'un des nouveaux plats de la carte : Croquettes de chèvre à la confiture de zobo épicée".
Ce plat est inspiré d'un plat de rue appelé "Asun". Chaque fois que je sers ce plat à ceux qui n'en ont jamais mangé, ils sourient", dit-elle.
"C'est parce qu'ils ne s'attendaient pas à ce que ce soit ce qu'il est, et parce que c'est une si petite bouchée, l'esprit en redemande. J'adore ça !
