Par Jean-Rovys Dabany
TRT Afrika - Libreville, Gabon
Une scène mythique dans la forêt de Bolokoboué à une centaine de km au nord de Libreville. Cet instant, Desirey Minkoh va l’immortaliser et bien d’autres.
Depuis des années, le photographe gabonais basé à Libreville fait traîner ses flashs et caméras aux quatre coins du pays. L'objectif : capturer en images la beauté naturelle et culturelle du Gabon pour la faire ensuite découvrir au travers des blogs et réseaux sociaux.
"À travers mes reportages, je magnifie la beauté naturelle du Gabon. Nous avons un paysage riche et diversifié. En parcourant nos forêts, j’ai compris que nous avons un environnement à sauvegarder et à montrer à la face du monde", raconte Désirey Minkoh à TRT Afrika.
Pour le photographe, le pays ne profite pas de ce potentiel. Le tourisme en pâtit. Desirey estime que les médias ne s'intéressent qu'aux querelles politiques et autres scandales depuis quelques années. Le photographe espère que son travail ouvrira les yeux des Gabonais, les aidera à s'éloigner des fast-food, bars et autres centres urbains pour aller à la rencontre des paradis naturels du pays.
"Grâce à certaines photos que je prends, les professionnels du tourisme découvrent des endroits qu'ils ne connaissaient pas pour en faire des sites touristiques plus tard", dit-il à TRT Afrika.
Le photographe dit en avoir assez des clichés présentant "une Afrique misérable, peuplée et d’enfants aux ventres ballonnés, un continent déchiré par la faim et par des guerres interminables."
"L’idée c’est de montrer l’Afrique autrement. C’est de se dire qu’en Afrique, on n’a pas que les scandales financiers, les enfants qui ont faim mais qu’il existe autre chose à montrer au monde", explique Désirey Minkoh.
Mais la forêt dans ce pays d'Afrique centrale, comme dans beaucoup d'endroits ailleurs dans le monde est menacée par l'abattage illégal des arbres et par la déforestation.
Les communautés vivant dans les environs coupent les arbres pour leur besoin d'énergie, pour construire et approvisionner illégalement les entreprises qui exploitent le bois. Certains arbres sont utilisés pour leurs propriétés médicinales.
Pour l’écologiste Ghislain Moussavou, la forêt gabonaise subit trop de pression.
"La forêt gabonaise subit effectivement des pressions comme toutes les autres forêts à travers le monde. Nous perdons beaucoup de forêts. Nos forêts subissent des pressions qui vont entraîner sa dégradation en matière de pertes écosystémiques. Ces pertes sont dues à des activités telles que l'exploitation forestière, minière, pétrolière et pas mal d'autres activités telle que l'agriculture", explique l’environnementaliste.
D’après une étude exposant les menaces qui pèsent sur la biodiversité gabonaise publiée par Mongabay, une organisation internationale de protection de l'environnement, le Gabon perd plus de 10.000 hectares de forêt par an à cause de l'abattage des arbres.
La forêt de Sibang, au cœur de Libreville
Afin d'inverser la déforestation et protéger les forêts, les autorités tentent de sensibiliser les communautés sur l'importance de préserver les arbres du pays. Un exemple concret de cette politique volontariste : Arboretum de Sibang, une zone protégée de Libreville, la capitale du Gabon est utilisée comme modèle pour permettre à la population de découvrir les arbres et les différents écosystèmes qui existent.
Étendu sur une superficie de 16 hectares, Arboretum de Sibang abrite de nombreuses espèces d'arbres qui font l'objet d'études en cours.
Mais même avec les efforts entrepris pour préserver Sibang, les bucherons illégaux trouvent toujours le moyen d'agir. Ils expliquent qu'ils savent que ce n'est pas bon mais qu'ils n'ont pas le choix.
"Nous savons que c'est interdit parce que mainte fois, nous sommes conscientisés sur ça mais nous avons besoin du bois, par exemple en cette saison, nous avons besoin du bois pour chauffer de l'eau. Donc malgré la conscientisation, nous venons couper le bois. Comme ce bois qui est tombé, il ne sert plus à rien, donc nous venons le couper pour qu'il nous serve aussi", explique Joël (nom d'emprunt), un résident de Sibang qui a refusé de décliner son identité pour des raisons de sécurité.
Charlie Abessolo, un autre résident de Sibang explique à TRT Afrika : "Ces écorces-là que je viens à peine de prélever sont pour soigner un mal de dents. En ce moment, j'ai ma sœur qui souffre gravement de maux de dents, voilà pourquoi je suis rentré ce matin en forêt prendre les écorces".
Depuis l'indépendance du Gabon, l'Arboretum est géré par l'Institut de recherche agricole et forestière et l'Institut de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle qui sont tous les deux sous l'autorité du ministère de la recherche scientifique.
Henri Bourobou, directeur de l'Institut de la Pharmacopée et de la médecine traditionnelle a déclaré que sans une alternative aux ressources du bois, il sera difficile d'arrêter l'abattage des arbres à Sibang.
"Sibang est encerclé par des quartiers qui lui font subir des pressions, par des quartiers qui font en sorte que certaines de ces populations viennent exploiter le bois, viennent exploiter des écorces de bois. Mais ça c'est difficile, vous savez, c'est difficile d'échapper à cela parce que les forêts sont de plus en plus éloignées de la capitale", dit-il à TRT Afrika.
Selon les chercheurs, jusqu'à 20 pour cent des espèces de plantes du Gabon n'existent nulle part ailleurs au monde.
Le photographe espère que son travail permettra de sauver la forêt gabonaise.
"La seule chose à montrer à nos enfants et à petits enfants c’est la richesse que Dieu à donneé à ce pays. Il revient à nous tous de nous battre pour préserver nos forêts. Et ce n’est pas un travail qu’on fait aujourd’hui et qu’on arrête demain, ça doit se faire de génération en génération", plaide Désirey Minkoh.
Pour son travail, le photographe a été plusieurs distingués. La récente distinction que Désirey Minkoh a obtenue, c’est celle décernée en novembre 2023 par le célèbre magazine "Photo" lors de la 42ème édition du plus grand concours photo du monde.