Par Edward Qorro
L'un des plus grands spectacles de la nature se déroule chaque année dans le Serengeti, le joyau de la savane africaine qui s'étend sur 30 000 km², de la réserve nationale du Masai Mara au Kenya au parc national du Serengeti en Tanzanie.
C'est un spectacle à voir, car les ongulés à cornes et à doigts pairs bravent les eaux déchaînées du Mara, en Tanzanie, en route vers les plaines du Masai Mara, du côté kenyan, dans le cadre de ce que l'on appelle désormais la grande migration des gnous.
Les quelque 1,5 million de gnous, ou gnous, ne sont pas seuls dans cette odyssée. Environ 200 000 zèbres, 300 000 gazelles de Thomson et 120 000 élands effectuent également ce voyage ardu et souvent périlleux, tout au long de l'année, sur une distance de près de 1 000 km.
La migration commence dans les plaines de Ndutu, qui s'étendent du côté ouest de la zone de conservation du Ngorongoro à la partie sud-est du parc national du Serengeti.
Cette vaste zone comprend une partie du Ngorongoro, y compris les gorges d'Olduvai, le site où les restes fossilisés des premiers hommes connus ont été découverts.
"La migration des gnous est un phénomène qui souligne le statut de paradis touristique de la Tanzanie", explique à TRT Afrika Catherine Mbena, responsable de la communication à l'Autorité des parcs nationaux de Tanzanie.
L'instinct de survie
En prélude à la migration de masse, les gnous qui mettent bas mettent leurs petits à l'épreuve dans les minutes qui suivent leur naissance. Ce phénomène se produit généralement entre la mi-janvier et février, à moins que l'instinct de sécurité n'intervienne et que les troupeaux de gnous ne reportent leur cycle de reproduction synchronisé.
D'après les observations, les gnous préfèrent la région de Ndutu pour mettre bas, pour des raisons allant de la sécurité à l'abondance des pâturages.
"Cette région est réputée pour ses plaines d'herbes courtes qui offrent des pâturages riches en nutriments tels que le phosphore, le calcium et le magnésium, que les jeunes obtiennent grâce au lait de leur mère", souligne Catherine.
Une meilleure alimentation permet aux jeunes gnous d'acquérir de la coordination plus rapidement que les autres ongulés, notamment en se mettant debout deux ou trois minutes après la naissance et en étant capables de sprinter avec le troupeau au bout de cinq minutes seulement.
Les jeunes continuent à mûrir dans les plaines d'herbe courte jusqu'en mars et avril, prenant des forces pour la longue migration vers le nord après les pluies et la croissance de nouveaux pâturages.
Le troupeau se dirige ensuite vers la région de Seronera, au centre du parc national du Serengeti.
En chemin, ils affrontent des prédateurs tels que des lions, des guépards et des hyènes - une expérience qui les endurcit en vue de la traversée du puissant Mara.
"Pendant cette période, une grande partie du parc national du Serengeti connaît de longues périodes de sécheresse. Cela oblige les gnous à se déplacer vers le Kenya, où les pluies sont plus abondantes", explique Catherine à TRT Afrika.
Migration sélective
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, tous les gnous ne se déplacent pas vers le Kenya. Diverses études ont montré que seuls 25 à 30 % de l'ensemble des gnous se trouvant sur la route de migration restent au Kenya.
Cela s'explique par le fait que la réserve nationale de Masai Mara est trop petite pour accueillir l'ensemble de la population sauvage migratrice.
Même après avoir traversé la rivière, les gnous peuvent être aperçus en train de parcourir la savane du côté tanzanien.
"Les gnous passent à peine quatre mois du côté kényan. Ils seront de retour à la base en septembre", explique un responsable de l'Autorité des parcs nationaux de Tanzanie.
L'impact du climat
Selon les défenseurs de l'environnement, des pluies prolongées, retardées ou même abondantes peuvent modifier les mouvements saisonniers normaux des grands troupeaux de gnous et de zèbres.
Ils pourraient rester plus longtemps dans une région et se disperser sur une zone plus large au lieu d'effectuer leur migration de masse habituelle vers des régions plus humides.
En 2022, par exemple, des périodes de sécheresse du côté kenyan ont incité les troupeaux de gnous à retarder leur schéma de migration.
Bien que crucial pour l'économie tanzanienne, le tourisme est également un perturbateur potentiel.
Chaque année, des véhicules transportant des touristes sillonnent les rives du Mara afin d'apercevoir les animaux sauvages en migration. Parfois, le nombre de touristes qui campent dans la région devient une nuisance pour les troupeaux de gnous qui luttent pour leur survie contre vents et marées.
"Le bruit des moteurs et des touristes excités peut affecter les gnous. Ils ne veulent pas être dérangés lorsqu'ils traversent la rivière", explique Catherine.
L'autorité des parcs nationaux de Tanzanie s'est entretenue avec les voyagistes sur les moyens de remédier à cette situation.
En essayant d'échapper au bruit, les gnous pourraient tenter de traverser la rivière à partir de différents points, ce qui les mettrait encore plus en danger. Incapables d'escalader les berges abruptes, des milliers d'entre eux pourraient se noyer dans un mouvement de panique ou être dévorés par des crocodiles.
Ce spectacle de migration naturelle à couper le souffle reste la carte de visite du parc national du Serengeti. Il a été élu meilleure réserve naturelle d'Afrique pendant cinq années consécutives et est considéré comme l'une des plus grandes merveilles naturelles du monde.