Par Dayo Yusuf
Les cyber-escrocs ne cessent d'innover et de devancer le développement des moyens de défense contre la criminalité en ligne.
S'ils ne parviennent pas à suivre le rythme implacable de leurs insaisissables adversaires, les gouvernements, les entreprises et les particuliers risquent d'être les éternels pions de ce jeu aux enjeux considérables. La course est lancée et le temps presse.
Yusuph Kileo, expert en cybersécurité et analyste en criminalité numérique basé en Tanzanie, brosse un tableau effrayant.
"Nous assistons non seulement à une recrudescence des crimes en ligne, mais aussi à une diversification des méthodes et du profil des cibles", explique-t-il à TRT Afrika. "Pourtant, l'ampleur du phénomène reste mystérieuse, car d'innombrables crimes passent inaperçus et ne sont pas signalés.
Au Kenya, le paysage de la cybercriminalité est particulièrement sombre. Les autorités ont fait état d'un bond stupéfiant de plus d'un milliard de cybermenaces au cours du seul dernier trimestre 2023, soit une augmentation considérable par rapport aux 123 millions signalés au cours du trimestre précédent.
Cette sombre réalité a jeté une ombre sur l'avenir de la cybersécurité dans le pays.
En réponse à ces chiffres alarmants, le ministère de l'information, de la communication et des technologies (TIC) a annoncé des mesures radicales à l'échelle nationale.
"Le gouvernement renforce ses systèmes de détection des menaces et dote son personnel des compétences nécessaires pour lutter contre ces menaces", déclare Edward Kisiang'ani, secrétaire principal chargé de la radiodiffusion et des télécommunications. "Nous sommes impatients d'unir nos forces à celles des pays de la région pour lutter contre les cybermenaces transfrontalières.
Personne n'est à l'abri
Alors, comment les utilisateurs individuels d'Internet et les entreprises peuvent-ils trouver un équilibre entre l'exploitation de la puissance d'une technologie en évolution rapide et la lutte contre les atteintes à la sécurité ?
"La cybercriminalité ne fait pas de distinction, mais certaines cibles sont plus durement touchées que d'autres", explique M. Kileo à TRT Afrika.
"Nous avons constaté une recrudescence des attaques contre les institutions financières telles que les banques. Les retraités sont également ciblés en ligne et perdent souvent leurs économies. Les hôpitaux aussi sont devenus des proies faciles pour les criminels qui récoltent des données personnelles dans de nombreux pays africains".
La tendance la plus inquiétante est sans doute le ciblage des enfants qui, en plus de perdre de l'argent, sont parfois contraints à la pornographie en ligne ou victimes de la traite des êtres humains.
"Ces personnes âgées ou ces enfants sont ciblés parce qu'ils comprennent moins bien la criminalité en ligne", explique M. Kileo.
La Tanzanie, par exemple, a mis en œuvre une politique stratégique de lutte contre les crimes commis en ligne et visant les enfants.
La loi sur la protection des enfants en ligne, promulguée cette année, vise à protéger les enfants des criminels en ligne, à l'instar d'autres pays de la région. La stratégie sera testée pendant un an, puis son efficacité sera évaluée afin d'élaborer une politique à plus long terme.
La stratégie s'articule autour de programmes de sensibilisation à la cybersécurité à l'échelle du pays, d'une révision périodique de la politique pour faire face aux nouveaux défis et de l'activation de "gardiens de gadgets", puisque la plupart des enfants y ont désormais accès.
Les données montrent que même les jeunes les plus avertis en matière de technologie ne sont pas à l'abri de la cyberfraude.
"Nous voyons ces jeunes faire du commerce en ligne avec des crypto-monnaies et se plaindre d'avoir perdu tout leur argent à cause de transactions douteuses ou d'avoir été trompés en dépensant tout leur argent", explique Kileo à TRT Afrika.
Garanties juridiques
De nombreux pays ont mis en place des lois pour lutter contre la cybercriminalité. Mais les experts estiment que le défi réside dans leur mise en œuvre.
"Quelle que soit la rigueur des lois, elles ne sont pas la panacée contre la criminalité", affirme M. Kileo. "Si une loi est en place mais que la population ne la comprend pas, ou si ceux qui l'appliquent n'ont pas les moyens de relever les défis, elle n'a plus de raison d'être."
Par ailleurs, la cybercriminalité ne se limite pas à un lieu spécifique. Elle ne fait pas de discrimination en fonction de l'endroit où se trouve la victime ou la cible. C'est pourquoi les experts soulignent l'importance d'une coopération totale entre les organisations au sein d'un pays et au-delà des frontières, notamment en ce qui concerne l'échange de renseignements.
Compte tenu de ce cadre, que peut-on faire pour tenir les cybercriminels à distance ?
Tout d'abord, il est essentiel de prendre conscience que vous êtes votre propre protecteur et que c'est à vous qu'incombe la responsabilité première de vous protéger et de protéger vos données, conseillent les experts.