Par Abdulwasiu Hassan
Les efforts déployés par le Nigéria visant à redynamiser son système de santé et à stopper la fuite des cerveaux, mais aussi à faire revenir les cerveaux qui étaient déjà partis, semblent commencer à porter des résultats.
Le Dr Kamar Adeleke, chirurgien cardiaque, qui a quitté son emploi florissant aux États-Unis pour revenir dans son pays natal, le Nigeria, fait partie des quelques personnes qui ont répondu à ce qu'il décrit comme l'appel de sa conscience.
"Si je ne venais pas au Nigeria et que je restais de l'autre côté, Dieu me demanderait comment il se fait que je n'aie pas aidé mon pays quand il avait besoin de moi", explique-t-il à TRT Afrika à propos de sa décision de retourner à ses racines.
Le Dr Adeleke se souvient d'avoir ressenti le besoin de retourner au Nigeria lorsque, après une mission médicale dans le pays, il a découvert que les maladies cardiaques étaient l'une des principales causes de décès chez les Nigérians de la classe moyenne.
Le Dr Adeleke n'est pas le seul médecin nigérian à être revenu sur "sa terre natale".
Beaucoup de professionnels de la santé comme Adeleke ont pris la décision difficile de rentrer au pays, abandonnant pour certains une belle carrière assortie d’un confort financıer à l'étranger. Des histoires de retour au pays existent, mais sont encore éclipsées par la question de l'exode d’autres médecins, car cet exode se poursuit bel et bien.
"Crime contre l'humanité"
Du Ghana, en Afrique de l'Ouest, au Zimbabwe, en Afrique australe, en passant par le Kenya, en Afrique de l'Est, les autorités se demandent avec désespoir comment lutter contre la fuite de ce mouvement migratoire particulier.
En avril de cette année, le vice-président du Zimbabwe, Constantino Chiwenga, a été aux centres des débats parce qu’il aurait déclaré que son pays envisageait de criminaliser le recrutement de ses médecins par d'autres pays.
Le vice-président zimbabween, qui est également ministre de la Santé, avait déclaré que ce type de recrutement, en particulier par les pays occidentaux développés, était préjudiciable à son pays, qui a connu un exode constant de professionnels de la santé au cours des dernières années.
"Si quelqu'un recrute délibérément et fait souffrir le pays, c'est un crime contre l'humanité. Des gens meurent dans les hôpitaux parce qu'il n'y a pas d'infirmières et de médecins. Il faut prendre cela au sérieux", aurait déclaré le vice-président Chiwenga.
S’agissant du Nigeria, une société de recrutement s'était rendue à Abuja l'année dernière dans le but de recruter des professionnels de santé pour un emploi au Royaume-Uni.
Cette procédure de recrutement avait créé de longues files d’attentes constituées de dizaines de médecins pour des entretiens d’embauche. Les images de cette procédure avaient choqué certains sachant que le pays tentait de contenir ce que l'on appelle localement le ‘’japa’’, c'est-à-dire un mouvement soudain vers des pâturages plus verts à l'étranger.
Le retour au pays
Bien que le Royaume-Uni ait mis un terme au recrutement de médecins originaires de pays en développement comme le Nigeria, rien n'indique pour l'instant que l'exode se soit arrêté. Par ailleurs, un projet de loi visant à restreindre l'émigration des médecins a été déposé au parlement nigérian.
Bien que le Royaume-Uni ait mis un terme au recrutement de médecins originaires de pays en développement comme le Nigéria, rien n'indique pour l'instant que l'exode se soit arrêté. Par ailleurs, un projet de loi visant à restreindre l'émigration des médecins a été déposé au parlement nigérian.
Cependant, quelques-uns de ces médecins, une fois revenus, se plaignent également du manque d'équipements dans leur pays.
En effet, le manque d'équipements adéquats pourrait être l'une des raisons pour lesquelles les hauts responsables politiques se rendent fréquemment à l'étranger pour y recevoir des soins médicaux.
En dépit de ces carences, certains professionnels de la santé qui rentrent au pays contribuent à la formation de la prochaine génération de médecins et partagent l'expérience qu'ils ont acquise à l'étranger.
L’absence de raccourcis
Le Dr Abubakar Sa'idu, qui travaille actuellement à l'hôpital universitaire fédéral de Gombe, dans le nord-est du Nigéria, est l'un de ceux qui sont rentrés avec une expertise conséquente pour renforcer les soins de santé dans le pays.
Le Dr Sa'idu a travaillé pendant cinq ans à l'hôpital universitaire King Khalid de Riyad, en Arabie saoudite, avant de retourner au Nigéria pour pouvoir élever ses enfants "à la maison et être avec ses parents".
"Oui, le travail était très difficile, mais vous disposez des meilleures installations, c'est donc très excitant", explique-t-il à TRT Afrika à propos de son expérience en Arabie saoudite.
"Vous pratiquez au plus haut niveau et vous disposez d'installations adéquates pour la recherche. Le salaire était bon et l'environnement très propice à la vie", ajoute-t-il.
À la fin de l'année dernière, le président de l'Association médicale nigériane, Uche Rowland, a déclaré que plus de 5 600 médecins nigérians avaient émigré au Royaume-Uni au cours des huit dernières années.
Ayant travaillé à la fois au Nigéria et à l'étranger, le Dr Sa'idu estime qu'il n'y a pas de raccourci pour combler le vide laissé par les professionnels de la santé qui quittent le Nigéria.
"Il n'y a pas de substitution à la production massive de médecins", estime le Dr Sa'idu, ajoutant que "nous sommes sur la bonne voie avec l'augmentation du nombre de facultés de médecine et d'hôpitaux universitaires avec de l'espace pour les études postuniversitaires".
Compte tenu du temps nécessaire à la formation d'un médecin et compte tenu du fait que de nombreux nouveaux médecins souhaitent toujours partir du pays, la tendance à la fuite des cerveaux doit être inversée.
Les leçons à tirer
Le Dr Adeleke pense que l'on peut parvenir à inverser la tendance des départs en créant un environnement favorable en termes d'infrastructures, d'électricité, de sécurité, d'incitations et de règles favorables aux entreprises pour que les établissements de santé privés puissent prospérer.
Pour sa part, le Dr Sa'idu pense qu'avec de meilleures installations, les hôpitaux nigérians peuvent faire beaucoup mieux.
"La chose la plus importante est d'améliorer le niveau des hôpitaux avec des installations de pointe. Il faut également prévoir des fonds pour la recherche, de meilleures conditions de service, un environnement plus sûr et des services publics adéquats", conseille le Dr Sa'idu.
Entre-temps, ceux qui sont revenus s'efforcent de laisser leur marque dans le secteur de la santé du pays, malgré les difficultés.
Le Dr Adeleke souligne qu'en raison des progrès réalisés par le système médical de Tristate, le Collège ouest-africain des médecins tente de ramener au Nigeria son programme de formation en chirurgie cardiothoracique (chirurgie à cœur ouvert) depuis le Ghana.
La promesse de soins médicaux abordables de niveau international pour les Nigérians ne semble plus être un rêve lointain et irréalisable.