Par Jean Charles Biyo’o Ella
TRT Afrika - Yaoundé, Cameroun
Au Cameroun, des plateformes de télémédecine prennent de l’envol. Le paysage encore en friche est plutôt favorable à l’éclosion de l’e-santé. La raison est évidente, le pays manque cruellement de personnel de santé.
Le ratio actuel selon l’OMS est d'un médecin pour 10535 habitants, et un infirmier pour 1023 habitants, loin derrière la norme prescrite par l’organisme onusien qui est de 2,3 médecins pour 1000 habitants. C’est pour réduire le fossé, que de plus en plus de start-ups font le pari de la médecine numérique.
Waspito et E-santé
Elles sont sans doute les moins anciennes, mais toutefois, les plus connues au Cameroun. Lancée en 2020 au plus fort de la pandémie à Covid-19 par Jean Lobé Lobé, un jeune entrepreneur camerounais, La startup Waspito est une plateforme d’accès rapide aux soins de santé à de nombreux patients.
Une sorte de tout en un, réussissant médecins, infirmiers, pharmacies, laboratoires, hôpitaux et spécialistes sur le même espace virtuel.
"L’idée de lancer Waspito est partie d’une expérience personnelle de notre promoteur", relate Laurel KEMOE responsable des communications de la start-up, "son père à l’époque souffrait d’une pathologie cardiaque à Kumba dans le sud-ouest anglophone du Cameroun".
"Il a piqué une crise qui nécessitait en urgence l’intervention d’un cardiologue. Mais seulement à Kumba, il n’y avait pas de spécialiste, il fallait donc se déplacer pour Buea à 72 km, pour trouver un cardiologue. Malheureusement, c’est sur le trajet de l’hôpital, que son papa va rendre l’âme", confie-elle.
Un choc révoltant qui va pousser Jean Lobe, à se lancer sa solution de télémédecine. Objectif, faciliter l’accès aux soins de santé à tous les usagers, peu importe où ils se trouvent.
Avec un peu plus de trois ans d’existence, Waspito aujourd4hui, c’est plus de 800 médecins et spécialistes partenaires, plus de 80 laboratoires affiliés et un capital d’un milliard de FCFA issu des opérations de levée de fonds.
Limiter des files d’attente devant les hôpitaux
Au Cameroun, comme dans plusieurs pays d’Afrique Subsaharienne, l’accès aux médecins est souvent une rude épreuve pour des familles, du fait des longues files d'attente.
Un calvaire auquel s’ajoutent l’absence d'informations sur les plannings de consultation, les services disponibles dans les hôpitaux, de longs délais de réponses d’examens de laboratoire, la désinformation sur certains sujets de santé et surtout, et l’épineux problème de l’automédication dans le pays.
D’après Laurel KEMOE responsable des communications de Waspito : des patients peuvent consulter les médecins en vidéo ou en audio directement sur la plateforme.
Après cette consultation, il peut arriver que le médecin prescrive des examens de laboratoire à faire pour mieux établir le diagnostic. Le patient a la possibilité de commander un examen de laboratoire directement sur la plateforme.
La start-up dispose par ailleurs d’un réseau social où les utilisateurs peuvent interagir de manière anonyme avec le personnel médical, qui leur prodigue des conseils en matière de soins préventifs et répondent à leurs questions.
"A l’air du numérique, il sonnait comme une évidence d’inclure les nouvelles technologies de l’information et de la communication, afin d’atteindre l’objectif de la qualité des soins médicaux et paramédicaux", indique pour sa part, le docteur Philippe Ohandja, fondateur de la E-Santé, une startup spécialisée dans la médecine générale, la pédiatrie, la gynécologie et la kinésithérapie.
L’idée de lancer la startup en santé "est partie de plusieurs constats : le manque d’hôpitaux, le déficit de lits d’hospitalisation, la carence en médecins et d’infirmiers, avec pourtant un taux de chômage de plus en plus important chez le personnel médical et paramédical, qui à défaut d’avoir un plan de carrière fiable dans le privé sont contraints de quitter le territoire".
Selon l’ordre National des Médecins du Cameroun, environ 5000 médecins d’origine camerounaise exercent à l’étranger.
‘‘Nous avons la capacité d’employer plus de 2000 médecins’’
En s’appuyant sur le digital, Dr Philippe Ohandja Ayina et son équipe ont lancé en 2022, un hôpital virtuel dénommée "Clinic Home". "Dans cet hôpital virtuel, nous avons la capacité d’employer plus 2000 médecins et puis de 3000 infirmiers", explique-t-il.
Il confie que grâce à cette plateforme, Clinic Home, est capables de contrôler tout le parcours de soins du patient partant de la consultation médicale, les soins infirmiers, les examens de laboratoire, jusqu’à leur livraison.
L’e-santé, effet de mode ou véritable révolution de la médecine ? Selon le Dr Philippe Ohandja Ayina, l’E-santé reste confronté aux problèmes de mobilité, lié aux infrastructures routières pas toujours adaptées et à un manque de système d’adressage.
"Bien souvent, nous avons du mal à retrouver les domiciles de patient". Une difficulté à laquelle se greffe la faible couverture d’Internet à haut débit pour échanger avec des patients.
"C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons permis que notre service soit accessible sans Internet simplement à partir d’un numéro de Standard, pour que les gens puissent appeler et solliciter l’intervention de notre personnel à domicile ou en ligne", précise Philipe Ohandja.
Conscient des difficultés des camerounais à accéder aux de santé adéquats, le gouvernement a lancé en avril 2023, la phase pilote de la Couverture santé universelle. Financée à hauteur de 95 milliards de FCFA, soit 47 milliards (49,5%) des fonds provenant de l’Etat, et 48 milliards (50,3%) des partenaires techniques et financiers du pays.
Ce budget, est tourné vers l’achat des prestations et les intrants médicaux. Mais plus globalement à l’horizon 2030, l’Etat veut mobiliser 1400 milliards de FCFA pour la mise en œuvre complète de la CSU.