Par Firmain Eric Mbadinga
Manger est vital et bien manger est important pour la santé. La deuxième action impose, en plus d'avoir de quoi se nourrir, d'avoir des aliments de qualité et variés, selon les nutritionnistes et les diététiciens.
À ce propos, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) faisait remarquer dans son rapport baptisé 'Assiettes, pyramides, planète' que ''ce que nous mangeons est important pour notre santé, mais aussi pour la planète''.
Le même rapport établit une corrélation entre les systèmes de production alimentaire et les habitudes alimentaires. En d'autres termes, les gens ont tendance à manger les aliments qu'ils produisent eux-mêmes.
C'est donc conscient de cette nécessité de production de ressources alimentaires locales que les autorités malgaches multiplient depuis ces dernières années des actions, notamment dans la pisciculture, avec pour objectif de fournir par an au moins 307 000 Tonnes de poisson aux populations. Et c'est à partir de 2012 que le ministère malgache de la pêche s'est fixé ce cap.
Depuis lors, tout le monde et tous les moyens sont mis à contribution pour mettre, à côté d'autres aliments, du poisson dans l'assiette des malgaches.
Pour booster l’aquaculture sur la Grande Île, Madagascar dispose de documents cadres tels que la 'Lettre de Politique Bleue' qui définit les règles et pratiques du secteur de la pêche.
''L'un des cinq objectifs spécifiques dudit document est de satisfaire les besoins du marché malgache en poisson et d'accroître significativement l'exportation'', rappelle à TRT Afrika Hantanirina Rasoamananjara, la directrice de l'Aquaculture auprès du Ministère de la Pêche et de l'Économie Bleue de Madagascar.
Et pour atteindre les cinq objectifs qui visent tous l'essor de ce secteur dans le pays, tout en restant, en phase avec les questions climatiques, de nombreuses stratégies ont été mises en place par le gouvernement malgache.
''Il y a la Stratégie Nationale pour le développement de l’aquaculture à Madagascar qui s'étend de 2021 à 2030.
À cela s'ajoute un Plan de Développement de l’Holothuriculture, de même qu'il y a un Plan de Développement de l'Algoculture, un Plan de Développement de la Crabiculture et ou encore un Plan de Développement de l'Aquaculture en Eau Continentale '', explique Hantanirina Rasoamananjara.
Cette batterie de mesures prend forme sur le terrain à travers des programmes financés par le gouvernement et certains de ses partenaires au développement comme la Banque Africaine de Développement et certains partenaires occidentaux.
Ces programmes sont développés dans 11 des 23 régions du pays. Analamanga, Atsimo Andrefana, Anosy, Androy, Amoron’i Mania, et Boeny, DIANA, Fitovinany, Ihorombe, tout comme Matsiatra Ambony et SOFIA font partie des régions incluses par ces programmes de développement de l'aquaculture en général et de la pisciculture en particulier.
Modèle coopératif
Dans la région d'Atsinanana, Félicité Ahitantsoa est la directrice générale de la coopérative de Tilapia de l'Est.
La coopérative de Tilapia de l'Est tient son nom du poisson éponyme qui fait partie des espèces de poissons choisies pour impulser la pisciculture à Madagascar.
''Notre coopérative mène ses actions sur le terrain avec et au profit des producteurs et de facto des consommateurs. Ces actions vont de l'organisation de la chaîne de valeur du tilapia, c'est-à-dire la production d'alevins à travers une écloserie professionnelle, à l'encadrement technique des producteurs, en passant par le renforcement de leurs capacités.
Cela inclut aussi le suivi technique et l'accompagnement durant le cycle jusqu'à l'approvisionnement à crédit des intrants qui leur sont nécessaires tout au long de la période de l'élevage de poisson.
"Nous n'oublions pas non plus l'organisation logistique en ce qui concerne le transport des intrants et aussi des produits issus de leur élevage et à la fin, l'organisation et la vente de tilapia à travers la commune'', explique Félicité Ahitantsoa à TRT Afrika.
Il faut préciser, que la coopérative Tilapia de l'Est rassemble huit différentes coopératives de la région pour un effectif de près de 500 producteurs comprenant des jeunes et des femmes . Sur l'ensemble du pays, pas moins de 5.600 personnes sont formées par le ministère de la Pêche et de l’Économie Bleue de la même manière.
Coup de pouce nutritionnel
Depuis son introduction au sein des communautés choisies, la pisciculture qui est une pratique jadis inconnue des malgaches semble de plus en plus appréciée, surtout lorsque la récolte piscicole est abondante.
Et la demande en aliments de toutes sortes est importante sachant que le pays fait face un dérèglement climatique qui a entraîné des sécheresses à certains endroits pendant que d'autres ont connu des cyclones meurtriers ayant détruit des vies et perturbé des structures sociales au cours des 5 dernières années.
Début janvier 2024, Alvaro, la dernière tempête tropicale en date, a fait 19 morts et 32 897 sinistrés dans la région Fitovinany, dans le Sud-Est du pays. L'année précédente, c'est le cyclone Freddy qui avait fait au moins 15 morts et détruit plus de 1 000 maisons et impacté les structures sociales de plus de 40 000 personnes.
La sécheresse, quant à elle, touche le sud du pays depuis les six dernières années en raison des changements climatiques.
Dans plusieurs villages du district d’Amboasary, dans la région d’Anôsy qui fait partie des zones à travers lesquelles le ministère malgache de la pêche développe ses projets aquacoles, Médecins sans frontières dit avoir constaté que ''28 % en moyenne des enfants de moins de 5 ans étaient atteints d’une forme aiguë de malnutrition, dont un tiers en état sévère, ce qui signifie un risque très élevé de décès''.
C'est cet ensemble de réalités qui motive le ministre malgache de la pêche à investir dans la pisciculture entre autres solutions pour que les populations aient assez de poissons dans leurs assiettes.
''La pisciculture tient une place primordiale pour contribuer à la nutrition, à la création d’emplois et à l’allègement de la pauvreté. C’est donc une opportunité pour l’État et les acteurs qui sont appelés à catalyser l’économie.
Ce secteur est compatible avec les terres et les besoins pratiques, car Madagascar dispose de 40 fleuves et rivières, 150 000 Ha de plans d’eaux continentaux propices au développement de la pisciculture en étangs et en cages'', explique Hantanirina Rasoamananjara.
Pour répondre aux besoins en poissons en faveur de l'ensemble des 30 millions de Malgaches avec une certaine marge, il faudrait une production estimée à 308 000 tonnes par an.
À ce stade, grâce à la combinaison de plusieurs efforts, la consommation en poissons par habitant sur une année est de 7 kg à Madagascar contre 11 kg en Afrique.
Depuis 2018, la production annuelle, quant à elle, est passée à 140.000 tonnes de poissons de plusieurs genres.
Et cette année, les autorités comptent distribuer 125 000 alevins aux producteurs malgaches qui vont en assurer l'élevage, puis une fois grands et plus nombreux, d'en assurer la vente.