Par Guevanis DOH
La dernière en date est celle du 06 février dernier à Zinder, à un millier de kilomètres de Niamey la capitale. Ce qui relance le débat sur la construction des classes en paillote dans le pays.
Le 06 février dernier au sud du pays et plus précisément dans la région de Zinder, trois élèves ont péri après qu’une classe en paillote a pris feu. Ce drame a coûté la vie à au moins 50 élèves dans le pays ces deux dernières années.
En novembre 2021, 26 élèves âgés de 5 et 6 ans ont trouvé la mort dans l’incendie qui a ravagé leur école construite en bois, tôles et paille dans la région de Maradi toujours dans le sud du pays.
Sept mois plus tôt, plus précisément le 13 avril 2021 à Niamey, l’école « Pays Bas », située dans un quartier populaire près de l’aéroport de Niamey a pris feu ôtant la vie à 21 enfants retrouvés morts calcinés. La majorité des victimes a moins de 5 ans. A noter que les classes en question, construites en paillote avec des toits de chaume pour compenser le déficit d’espace, accueillent quelques 1250 élèves.
Bien entendu ces incidents suscitent l’indignation dans le rang des acteurs du secteur de l’éducation. Mais ces classes continuent d’être construites malgré leur interdiction par gouvernement et le lancement de la campagne « Zéro classe paillote ».
Des enseignants sur le qui-vive
Les enseignants restent constamment sur le qui-vive dans un pays où les classes paillotes sont souvent construites pour pallier le manque de salles de classe modernes. L'on dénombre au moins 36.000 classes paillotes dans le pays, selon l’UNICEF. Chaque année, plus d’un demi-million de filles et de garçons commencent l’école primaire au Niger.
Nous nous sommes rendus à l’école « Pays Bas », point de départ du phénomène des incendies en milieu scolaire en 2021 dans le pays. Il est 16 heures et les élèves sont toujours en salle de classe suivant normalement leurs cours. Dans cette école non clôturée, on a visiblement tiré des leçons des erreurs du passé, du moins en partie. Les salles de classes modernes ont été construites sur les cendres de celles en paillote parties en fumée en 2021.
« Ce drame nous a fait vraiment du mal. Dieu merci, nous n’avons plus de classe paillote grâce à l’aide de l'Unicef. C’était le manque d’espace qui nous avait obligé à construire des classes en paillote. L’aide de l’Unicef nous a permis de construire un autre site qui accueille actuellement 439 enfants du CM (Cours moyen)» a expliqué à TRT Afrika, Gaya Habiba, directrice du primaire.
Avec sa collègue Mamane Gonda, directrice du préscolaire, elles se rappellent encore du 13 avril 2021 comme si c’était hier. «C’est devenu notre histoire, nous ne l’oublions pas et nous venons à l’instant d’en parler avant que vous n’arriviez. Ce qui est choquant est que nous ne connaissons jusqu’à présent pas l’origine de cet incendie, » regrette-t-elle. L’enquête ouverte par le gouvernement n’a pas encore livré ses conclusions, pas plus que celles ouvertes avant, pour déterminer l’origine des incendies précédentes ayant consumé les autres écoles dans le pays.
« Le feu a ravagé tout en moins de 10 minutes. Nous étions dans les classes, c’était à 16 heures, les hommes étaient partis prier à la mosquée, les enfants faisaient leurs devoirs et les enseignantes les surveillaient. On a entendu des cris mais vu que l’établissement n’est pas clôturé, il y a une femme souffrant de dépression qui vient souvent semer le trouble dans l’école et suscite le hurlement des élèves. Nous pensions que c’était encore elle, donc personne ne s’est vraiment soucié du bruit.»
« Je croyais que c’était elle (la femme malade mentale, ndlr), » laisse entendre Mme Gaya, les yeux figés dans le vide. « C’est une enseignante qui m’a alertée me disant : directrice directrice, le feu ! Le temps que nous sortions le feu était déjà monté très haut et les bois (paillotes) brûlaient fortement. Les élèves qui ont pu, ont fui, tout le monde courait dans tous les sens. La fumée était tellement immense que nous n’avons pas pu sauver les enfants. Un monsieur a tenté d’aller les sauver, mais il s’est évanoui même avant d’atteindre les salles » raconte-t-elle à TRT Afrika.
« Nous avons voulu démissionner, abandonner le travail mais les partenaires nous ont beaucoup soutenus. Les sensibilisations et assistances psychologiques nous ont beaucoup aidé. Mais jusqu'à aujourd'hui, dès qu’il y a un bruit inhabituel, nous sursautons. Les enfants paniquent. Nous sommes constamment sur le qui-vive surtout que l’école n’est pas clôturée, il n’y a pas de sécurité,» ajoute-t-elle visiblement désabusée.
Zéro classe paillote, un leurre ?
Après l’incendie de novembre 2021 dans la ville de Maradi, l’Etat a décidé « l'interdiction formelle des classes en paillotes au niveau du préscolaire sur toute l'étendue du territoire.»
En juillet 2022, le gouvernement a lancé au travers de la mairie de Niamey le programme « Zéro classe paillote » en présence des acteurs et partenaires de l’éducation. Ce vaste programme est censé remplacer les classes en paillote par des classes en matériaux définitifs en commençant par la ville de Niamey.
Mais les classes paillotes continuent d’être construites dans les écoles et l’incendie de Zinder le 06 février dernier a relancé les discussions sur le sujet. A l’école « Pays Bas », l’on nourrit l’espoir que les classes paillotes deviennent un lointain souvenir dans le pays.
« Nous demandons au gouvernement de respecter son engagement de zéro classe paillote pour que ces pertes bien évitables cessent en milieu scolaire», plaide Maman Gonda Houéla, directrice du préscolaire à l’école Pays Bas.
« Le gouvernement doit protéger nos enfants, » lance Rama Gouba, parent d’élève dont les 3 enfants ont survécu à l’incendie en 2021.
Des efforts pour assurer l’éducation à tous
Le gouvernement à travers la direction de l’enseignement préscolaire et primaire assure qu’il met en œuvre des mesures pour en finir avec le phénomène des incendies dans les écoles.
«Pour venir à bout des classes paillotes, le ministère de l’Éducation nationale a mis en œuvre une stratégie pour construire des classes de modèles alternatifs et d’autres de modèle classique (comme nous avons l’habitude de voir). Les modèles alternatifs sont résistants, peu coûteux et répondent aux normes environnementales et pédagogiques et avec l’aide du gouvernement, nous espérons tenir cette promesse. Les efforts se font pour assurer l’accès à l’éducation à tous,» rassure la directrice Abdouramane Adama Brah.
Mais pour certains acteurs du secteur de l’éducation, le gouvernement manque de méthode. Mahamadou Moussa, Secrétaire général de l’association pour la lutte contre le travail des enfants au Niger (Alten), estime que « le gouvernement du Niger et ses partenaires auraient pu faire mieux. Et nous sommes indignés, ».
« Si l’État veut aller à zéro classe paillote, c’est noble, mais ce qui manque à cela, c’est la démarche programmatique. Zéro classe d’ici quand ? Aujourd’hui, demain ? Dans 5 ou 10 ans ? Il faudrait que l’État soit sincère avec lui-même pour que les investisseurs qui interviendront trouvent un cadre déjà prêt, » dit-t-il à TRT Afrika.
« Si l’État veut construire des classes en matériaux définitifs, il faut qu’on sache combien cela pourrait coûter zone par zone, » conclut Mahamadou Moussa.
En attendant, les différents acteurs n’ont qu’un seul choix , rester vigilant pour la sécurité des enfants en attendant que l’État tienne ses promesses.