Le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont formé une nouvelle alliance de défense. Photo : Autres

Par Abdulwasiu Hassan

La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) était au pied du mur depuis le 28 janvier, date à laquelle les gouvernements militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont annoncé leur retrait du bloc régional.

L'éventualité anticipée d'une transition de ce clivage vers une confédération parallèle d'États du Sahel a maintenant fait son chemin d'une manière qui pourrait ébranler les fondations de la CEDEAO et avoir des implications significatives pour la stabilité régionale.

La nouvelle confédération ne se résume pas à une troïka de membres fondateurs du bloc régional né en 1975 qui s'en vont en claquant la porte.

Les relations entre la CEDEAO et les trois pays d'Afrique de l'Ouest dirigés par la junte se sont détériorées l'année dernière, après que le président nigérien Mohamed Bazoum a été renversé par un coup d'État militaire mené par le général Abdourahamane Tiani.

Peu après le coup d'État, la CEDEAO a imposé des sanctions au Niger et a mis en garde contre une éventuelle intervention militaire si le gouvernement civil élu n'était pas rétabli.

Les leaders militaires du Mali et du Burkina Faso, qui avaient également pris le pouvoir par des coups d'État, n'ont pas tardé à venir en aide à leur homologue nigérien.

Ensemble, les trois pays ont accusé la France d'utiliser la CEDEAO pour les attaquer. Au début de l'année 2024, ils ont décidé de se retirer de ce bloc régional vieux de 49 ans.

Les relations entre la CEDEAO et les trois pays d'Afrique de l'Ouest se sont détériorées en 2023. Photo : Autres

La CEDEAO a tenté de juguler la crise en levant les sanctions qu'elle avait imposées au Niger et en essayant de faire revenir les trois pays dissidents au sein de la communauté.

Le 7 juillet, alors que les dirigeants du bloc régional se réunissaient à son siège à Abuja, au Nigeria, pour le 65e sommet ordinaire de l'organisation, l'absence du Niger, du Mali et du Burkina Faso a été accentuée par l'annonce conjointe, la veille, d'un pacte visant à créer l'Alliance des États du Sahel (AES).

Omar Touray, président de la commission de la CEDEAO, a exprimé sa déception face à la réticence du Mali, du Burkina Faso et du Niger à rejoindre le bloc. Ni lui ni personne n'aurait pu s'attendre à ce qu'il en soit autrement, compte tenu de la réticence de ces trois pays depuis l'année dernière.

Les implications

Alors que les dirigeants de l'alliance du Sahel présentent leur action comme une mesure prise dans l'intérêt de leur peuple, certains analystes pensent le contraire.

Le président de la transition du Burkina Faso, Ibrahim Traore, a déclaré que les mesures prises par lui et ses homologues malien et nigérien jetteraient les bases d'une "véritable indépendance, de la paix et du développement durable" de leurs pays.

"La région de l'AES dispose d'un énorme potentiel naturel qui, s'il est correctement exploité, garantira un avenir meilleur aux populations du Niger, du Mali et du Burkina Faso", a déclaré M. Traore.

Cependant, certains pensent que les leaders militaires n'ont pas le mandat de leur peuple pour prendre une mesure aussi radicale que de retirer les trois pays de la CEDEAO.

Certains craignent que la rivalité entre la nouvelle alliance militaire et la CEDEAO n'affaiblisse la lutte contre les groupes terroristes dans la région. Photo : Getty Images

Sulaiman Dahiru, diplomate nigérian de carrière à la retraite, est de ceux-là.

L'ancien ambassadeur nigérian considère que les leaders militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger se présentent comme des idéalistes, mais pas comme des réalistes.

"Ils plongent inutilement leurs peuples dans un bourbier socio-économique et politique", explique-t-il à TRT Afrika.

Cependant, les deux camps sont unanimes pour dire que cette crise aura un impact considérable.

Alors que les partisans de l'AES estiment que la crise a paralysé le bloc régional, ceux de la CEDEAO espèrent que les trois pays devront tôt ou tard reconsidérer leur décision.

Situation sécuritaire

L'une des victimes de la crise dans la sous-région est la sécurité publique, que les dirigeants des deux parties prétendent privilégier.

Même lorsque les pays de la région ont été regroupés au sein de la CEDEAO, ils ont toujours eu du mal à contenir les dangers posés par les bandits et les insurgés.

Selon les analystes, le fossé qui se creuse entre le bloc régional et les pays qui s'en détachent ne fera qu'enhardir les bandits et les terroristes qui font déjà des ravages dans la région.

S'il y a une raison d'espérer, les pays de la région utiliseront probablement leur influence collective pour sauver la CEDEAO et protéger leurs intérêts communs.

"Si les membres restants de la CEDEAO parviennent à rassembler leurs ressources et à lever une armée pour faire face à cette situation délicate, quelque chose de positif pourrait encore en sortir", déclare M. Dahiru. "Le problème est que la plupart de ces pays doivent faire face à d'énormes problèmes financiers".

Une école de pensée estime que la séparation du reste de la région ferait dérailler les entreprises des pays enclavés comme le Niger et le Mali, qui dépendent des pays membres de la CEDEAO pour l'acheminement des marchandises par voie maritime.

"Ces pays en souffriront. Le Niger a déjà du mal à faire transiter son pétrole par le Bénin", explique M. Dahiru.

La CEDEAO a chargé le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et son homologue togolais Faure Gnassingbé de persuader les dirigeants militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger de réintégrer la CEDEAO.

Si personne n'exclut une sortie de crise, l'année écoulée a montré qu'il faudra plus que de la diplomatie pour briser la glace.

TRT Afrika