Par Abdulwasiu Hassan
Un an jour pour jour, le 26 juillet 2023, le Niger a connu un changement soudain de gouvernement avec la destitution du président Mohamed Bazoum par l'armée.
Le temps a semblé s'arrêter alors même qu'une série d'événements s'intensifiaient dans ce pays multiethnique d'Afrique de l'Ouest qui compte environ 25 millions d'habitants.
Les semaines qui ont suivi ont semblé rappeler les décennies précédentes. Il s'agissait du cinquième coup d'État militaire depuis le 3 août 1960, date à laquelle le Niger a obtenu son indépendance du régime colonial français.
L'ombre coloniale française
Immédiatement après le coup d'État militaire, des puissances occidentales comme la France ont fait pression sur le régime militaire du général Abdourahamane Tiani pour qu'il revienne sur sa décision d'arracher les rênes à Bazoum.
Des organisations régionales comme l'Union africaine et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont condamné la prise de pouvoir et appelé les militaires à rétablir le gouvernement élu.
Le président français Emmanuel Macron a qualifié la prise de pouvoir d'"illégitime", affirmant qu'elle entraînerait des difficultés pour les Nigériens et les habitants de la région du Sahel.
L'administration du général Tiani a, comme on pouvait s'y attendre, défié la menace de Macron, la prenant pour un coup de bluff d'une puissance que beaucoup dans la région considèrent comme un "oppresseur" des anciennes colonies françaises.
À peu près au même moment, la CEDEAO a exigé des militaires qu'ils libèrent et rétablissent Bazoum dans ses fonctions de président, faute de quoi ils s'exposeraient à des sanctions, voire à une intervention armée.
De grands rassemblements pro-militaires dans la capitale du Niger, Niamey, ont semblé montrer que le vent avait alors tourné de manière décisive. Ces scènes contrastaient avec les poches de résistance pro-Bazoum observées immédiatement après le renversement du gouvernement.
Quelque chose semble différent
Pour une partie des Nigériens, l'année qui s'est écoulée depuis que les militaires ont pris le pouvoir a été une période au cours de laquelle les citoyens ont su "ce que signifie être libre".
Alors que le pays a brisé les chaînes du colonialisme français il y a 64 ans, des Nigériens comme Abdou Dan Neito, un militant des droits de l'homme de Maradi, estiment que ce n'est que maintenant que le spectre de la domination étrangère a été banni.
Tahirou Guimba, un homme politique basé à Niamey, partage les sentiments d'Abdou. "Nous sommes reconnaissants à Dieu, qui nous a montré la fin du régime colonial de facto que nous avons enduré pendant des années", déclare-t-il à TRT Afrika.
Laouali Houseini, un homme d'affaires, est soulagé que le coup d'État se soit déroulé sans effusion de sang. "Je pense que cela devait arriver. Nous sommes mieux lotis que certains pays, et j'en remercie Dieu", ajoute t-il.
Alors que le pays entame une nouvelle année sous le régime militaire, les avis divergent sur le bilan de l'administration du général Tchiani et sur ce que devrait être la feuille de route.
"Ce que j'apprécie, c'est le fait que nous ayons coupé les liens avec les Français, les Allemands et les Américains. Nous avons mis fin à notre dépendance vis-à-vis des soldats étrangers. La seule chose que les citoyens de ce pays ne veulent pas, c'est de retomber entre les mains des anciens maîtres coloniaux", estime M. Tahirou.
Alors, que veut-il que le gouvernement militaire fasse maintenant ?
"Je conseille aux dirigeants actuels d'être justes et de tenir les promesses qu'ils ont faites au peuple", dit Tahirou à TRT Afrika. "Ils devraient chercher à se procurer des armes lourdes modernes. Elles peuvent provenir de la Turquie, de la Chine ou de la Russie".
Pour Abdou, militant des droits de l'homme, l'une des priorités de l'administration militaire devrait être d'assurer la disponibilité de nourriture à un prix abordable pour tous les citoyens.
Retour à un régime civil
Alors que certains Nigériens continuent de réclamer le rétablissement du gouvernement de Bazoum, une autre partie de la population ne veut pas d'un retour à ce qu'elle considère comme une "démocratie à l'occidentale".
Tahirou appartient à l'école de pensée qui préfère un régime civil adapté à la culture et aux normes du peuple nigérien plutôt qu'une soi-disant démocratie imprégnée de corruption.
"La question de savoir quand revenir à un régime civil ne nous préoccupe pas", signale Tahirou à TRT Afrika.
"Ce qui nous importe, c'est de savoir comment réformer ce pays pour qu'il devienne une nation. Comment concevoir une démocratie qui s'aligne sur nos cultures et notre sagesse, et non sur ce qui a été fondé par l'Occident ?" soupire t-il.
Abdou estime que le processus de retour à un gouvernement élu ne doit pas être précipité, de peur qu'il ne s'avère contre-productif.
"Si j'avais l'occasion de rencontrer le général Tchiani en tête-à-tête, je lui suggérerais de se concentrer sur la réconciliation de la société. Nous avons besoin que tout le monde s'assoie ensemble et trace une voie pour l'avenir", conclut-il.