Par Kudra Maliro
Didier Budimbu Ntubuaga, le ministre congolais des Hydrocarbures a été reçu mardi à Kampala par son homologue ougandaise pour discuter des relations bilatérales et du développement des hydrocarbures.
« Nous avons échangés sur le développement des hydrocarbures, et l’accès au pipeline EACOP pour le transport du pétrole brut qui sera extrait du Graben Albertine en RDC. L’Ouganda a reconnu l’importance cruciale de notre intégration, un groupe de travail composé de nos experts techniques respectifs a été instauré’’ peut-on lire dans un communiqué conjoint dont TRT Afrika a reçu une copie.
En 2010, ce contrat d’exploitation du pétrole du Graben Albertine avait suscité un débat au sein de l’opinion publique congolaise. Une campagne dénommée "Le Congo n’est pas à vendre" avait alors été lancée pour décourager un tel projet d’exploitation de quatre blocs logés dans le Parc National des Virunga, placé patrimoine mondiale de l’Unesco.
Ce parc est très connu pour sa biodiversité. Il abrite notamment les gorilles de montagne, une espèce menacée de disparition.
« Notre discussion a porté essentiellement sur la relation historique de deux pays concernant le développement des ressources communes et l’accès aux infrastructures régionales, cette relation est aujourd’hui d’autant plus forte que la RDC fait désormais partie de la Communauté de l’Afrique de l’Est » se réjouit la ministre ougandaise de l’énergie et du développement minier, Ruth Nankabirwa Ssetamu.
Que gagnerait la RDC ?
Le bassin du lac Albert, également connu sous le nom de Albertine Graben, est la zone la plus explorée du système du rift de l'Afrique de l'Est. Il se situe à la frontière occidentale de l'Ouganda et à la frontière orientale de la République démocratique du Congo. Le Graben Albertine suscite l'intérêt des investisseurs depuis la découverte de pétrole dans la partie ougandaise en 2006.
Selon les experts, ce bassin pétrolier du Graben Albertine pourrait contenir jusqu'à 3 milliards de barils et pourrait rapporter des millions de dollars à l'Etat congolais.
Joint par TRT Afrika, Guillaume Kalonji, un activiste contre le changement climatique et un des responsables de Rise Up Movement Africa, s’inquiète des conséquences d'un tel projet sur la biodiversité dans le Parc National des Virunga qui abrite des espèces rares.
« Je crains que cette exploitation du pétrole contamine le sol avec le benzène et autres produits chimiques. Il y a plusieurs espèces rares qui vivent dans ce Parc des Virunga et un tel projet peut détruire leurs habitats naturels. Cela peut également nuire aux populations riveraines du Parc de Virunga », avertit l’activiste.
« Ce projet inclut le transport du pétrole brut à travers un oléoduc vers l’Ouganda. Cela peut alors entrainer des déplacements massifs de populations vulnérables, sans dédommagement », redoute M. Kalonji.
Il ne croit pas que cette exploitation puisse apporter une plus-value à l’économie du pays. « A Muanda, cela fait plus de 20 ans qu’on exploite du pétrole dans cette région mais la population demeure très pauvre. J’ai peur que cela se ne se reproduise dans l’Est du Congo », conclut M. Kalonji
Un oléoduc controversé
Après la découverte en 2006 de gisements de pétrole dans l’Ouest de l’Ouganda, le gouvernement cherche un moyen d’acheminer l’or noir dans le reste du monde.
Kampala a annoncé la construction d’un oléoduc, East African Crude Oil Pipline (EACOP) long le de 1 443 kilomètres, reliant les sites et le port de Tango, en Tanzanie, pour un coût estimé à 5 milliards de dollars.
Pour kampala, sa construction rapportera aux deux pays. Mais l’union européenne et les organisations s’inquiètent des conséquences de ce projet sur l’environnement.
En septembre dernier, le parlement européen a adopté une résolution (non contraignante) demandant l’arrêt des activités d’exploration et et d’exportation en Ouganda.
Les députés européens ont aussi demandé à TotalEnergies, l’entreprise française, à reporter, à un an au moins, le projet.
Mais l’Ouganda persiste. Son président, Yoweri Museveni, assure que son pays poursuivra le chantier malgré l’opposition de l’Union européenne et des défenseurs de l’environnement.
Lors de sa dernière visite à Kinshass, le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a exprimé son inquiétude à propos de la vente de dizaines de permis de pétrole et de gaz en RDC comprenant des blocs dans le parc national des Virunga et les tourbières tropicales de la Cuvette Centrale, qui font partie d'une zone décrite comme "le pire endroit de la planète" pour forer du pétrole et du gaz.
"Sur le climat, la République démocratique du Congo est vitale pour l'avenir de la planète. C'est aussi simple que cela. La forêt tropicale du bassin du Congo absorbe plus de carbone que n'en émet l'ensemble du continent africain. C'est un lieu où la biodiversité est extraordinaire. Ses précipitations contribuent à soutenir l'agriculture dans toute la région", a déclaré M. Blinken.