Le 26 septembre 2024, Abdallah Gadgadhi, 54 ans, agriculteur tunisien, irrigue son champ de poivrons à l'aide d'un tuyau d'arrosage provenant d'un petit barrage construit par les habitants de la région de Ghardimaou, dans le nord-ouest du pays/ Photo: AFP

D'un côté des champs jaunes et secs, de l'autre des cultures verdoyantes.

Bâtie grâce à un financement européen et l'aide technique de l'OIT (Organisation internationale du travail), la retenue d'eau en ciment et pierres de 3 mètres de haut permet aujourd'hui à une quarantaine de familles de semer et récolter, alors que le pays subit sa sixième année de sécheresse.

Ce barrage est un exemple de l'importance du soutien des institutions internationales et des pays développés aux pays vulnérables pour s'adapter au changement climatique. Le montant que ces pays et institutions accepteront de payer pour aider les plus pauvres sera au coeur de la prochaine COP29 sur le climat, organisée en novembre en Azerbaïdjan sous l'égide de l'ONU.

"La réalité est là, nous devons nous adapter au changement climatique. Face aux problèmes d'eau de la région, il faut chercher des solutions et ne pas perdre espoir", explique Saida Zouaoui, 44 ans, l'agricultrice à l'origine du barrage édifié il y a cinq ans, près de Ghardimaou.

Après un printemps insuffisamment pluvieux et un été très sec, les barrages tunisiens sont actuellement à moins d'un quart de leur capacité.

Pendant qu'elle retire des branchages, Mme Zouaoui raconte s'être inspirée pour cet ouvrage de son père et de son grand-père, qui, reprenant des techniques ancestrales, disposaient des sacs de sable pour retenir l'eau.

Dans les années 1970 et 1980, les digues familiales permettaient d'"irriguer 48 hectares (dans la zone) mais avec les sécheresses, la superficie est tombée à 12 hectares", souligne Monaem Khemissi, coordinateur national de l'OIT.

L'assèchement des sources, sous l'effet du réchauffement climatique qui a rendu plus aléatoires les précipitations, a poussé certains paysans à abandonner leurs terres et des jeunes à migrer vers les villes.

"Autres priorités"

Abdallah Gadgadhi, 54 ans, agriculteur tunisien, inspecte le réservoir d'un petit barrage d'irrigation construit par les habitants de la région de Ghardimaou, dans le nord-ouest du pays, le 26 septembre 2024/AFP

Sans se laisser décourager, Saida a continué de cultiver son projet d'un "barrage pour que les agriculteurs reviennent et que la vie reprenne" à Ouerghech, son village de quelques centaines d'habitants, proche de Ghardimaou.

Le rêve de Mme Zouaoui a pris forme en 2019 quand le projet a été monté avec l'OIT.

La construction du barrage a coûté 350.000 dinars (environ 90.000 euros), provenant à 90% de l'UE.

Pour M. Khemissi de l'OIT, le mini-barrage de Ouerghech est "un modèle de développement local intégré".

Abdallah Gadgadhi, 54 ans, agriculteur tunisien, inspecte un canal d'irrigation transportant l'eau d'un petit barrage construit par les habitants de la région de Ghardimaou, dans le nord-ouest du pays, le 26 septembre 2024/AFP

"Changé nos vies"

Le Nord-Ouest est l'une des régions les plus fertiles de Tunisie et abrite les plus importants barrages du pays. Même si en 2023, faute de précipitations, la récolte céréalière a été entièrement perdue.

Aujourd'hui, l'eau ruisselle dans les canaux du village de Saïda permettant d'atteindre 45 exploitations (d'entre 1 et 2 hectares) et d'irriguer leurs cultures selon une rotation programmée.

Mme Zouaoui a lutté pour son financement mais aussi pour obtenir l'appui des autres agriculteurs. "On a discuté et je les ai convaincus que l'eau allait revenir gratuitement".

Abdallah Gadgadhi, 54 ans et père de cinq enfants, a étendu ses plantations de poivron grâce au barrage, remontant à 70% d'utilisation de son terrain (contre un tiers).

Le canal a aussi permis à Rebah Fazaai, 58 ans, de planter des tomates, de la courge ou du maïs: "ce projet a changé nos vies, on peut faire vivre toute la famille en vendant nos produits".

AFP