Des ONG lancent un cri d'alarme sur la situation des migrants en Tunisie/AA

La ville de Sfax, capitale du sud tunisien et ville portuaire devenue un portail principal de départ pour les traversées vers l’Europe, connaît depuis plusieurs semaines une tension quasi-quotidienne entre autochtones et migrants clandestins, essentiellement des Subsahariens.

Epuisés et en détresse, ils fuient vers la gare de Sfax sans avoir la moindre idée du sort qui les attendait. Alors que d’autres assis par terre, sous un soleil de plomb, attendent d’être transférés par des bus ou par n’importe quel autre moyen de transport vers une destination inconnue.

Mohamed, Soudanais, a fui son pays, pour échapper aux affrontements meurtriers et se mettre en sécurité. Il s’est résolu à quitter le Soudan pour fuir les bruits des tirs et les avions de guerre qui survolaient la ville. Il raconte au micro d’Anadolu son périple et ce qu’il a enduré pendant son passage ''traumatisant'' en Tunisie, où il espérait rester.

''Nous avons vraiment besoin d’aide. Nous souffrons beaucoup. On n'a ni nourriture, ni eau. Nous n’avons que l’ombre des palmiers et des arbres pour se mettre à l’abri. Nous sommes impuissants face à cette situation où la peur est palpable. Certains sont malades, d’autres sont blessés… Nous souffrons non seulement du mauvais traitement mais aussi du manque de soins médicaux'', a-t-il regretté.

Selon lui, faute d'aide humanitaire, certaines personnes risquent de perdre la vie. Il assure avoir peur de l'avenir et de tout perdre en un clin d'œil. ‘’Nous sommes en situation d'immense détresse. Tout ce qui qui se passe est contraire aux valeurs humaines. Personne ne peut imaginer ce que l’on subit. Nous faisons face à des traitements des plus indignes et inhumains’’, a souligné Mohamed.

Ce réfugié soudanais s’est également indigné des ONG qui, selon lui, ne sont pas suffisamment ‘’capables de gérer cette catastrophe humanitaire et leur venir en aide’’.

Il lance, par la même occasion, un cri d'alarme sur la situation ''catastrophique'' des migrants laissés à l’abandon aux portes du Sahara. En effet, cette tension déjà aiguë s’est accentuée suite au meurtre d'un Tunisien par des migrants irréguliers, causant des affrontements et des actes de violence partout dans la ville.

Des ONG alertent sur la situation des migrants

Plusieurs ONG dont l'association tunisienne Beity ont appelé à prendre en charge "les migrants subsahariens laissés à l'abandon et vivant sous la menace sécuritaire''. D'après l'association, "ces derniers subissent une véritable chasse à l'homme allant jusqu'à leur expulsion et leur déportation aux portes du Sahara et dans des zones inhospitalières".

Jusqu'à l'heure, les autorités tunisiennes n'ont émis aucun commentaire officiel à ce sujet. Tandis que le président tunisien Kaïs Saïed a réfuté "les accusations de racisme envers les migrants subsahariens, tout en réaffirmant que la Tunisie n'était pas une terre de transit".

Aucun moyen de les aider puisque tout Tunisien souhaitant secourir ou héberger un réfugié risque d’être poursuivi en justice, selon la loi antiterroriste, le décret-loi 54 et autres dispositifs juridiques.

Demandeurs d’asile et réfugiés fuyant les guerres, ils ont compris que la Tunisie n’est pas disposée à être une terre d’accueil après le discours du président tunisien, Kaïs Saïed, qui a annoncé, fin février 2023, des mesures urgentes contre ‘’les masses incontrôlées et des hordes de migrants clandestins en provenance de l’Afrique subsaharienne ayant comme objectif de transformer la composition démographique de la Tunisie’’.

S’exprimant à Anadolu, Faouzi Masmoudi, procureur de la République et porte-parole du Tribunal de première instance de Sfax 1, est revenu sur le meurtre du Tunisien, indiquant ‘’que trois suspects ont été arrêtés et qu’une enquête a été ouverte pour homicide volontaire avec préméditation, conformément aux articles 201 et 202 du Code pénal’’.

‘’L’arrivée des migrants à Sfax a accentué la tension, provoquant des rixes entre habitants locaux et clandestins. Avant, on faisait uniquement face aux incidents liés au naufrage des embarcations au large de la ville. Alors qu’aujourd’hui, nous assistons à des scènes de violence. Les habitants dénoncent la présence de nombreux ressortissants africains subsahariens souhaitant partir vers l'Europe’’, a-t-il expliqué.

Rien ne semble dissuader les candidats à l'immigration irrégulière, prêts à emprunter des chemins dangereux, malgré les naufrages et les tragédies en Méditerranée, rien que pour rallier l’Europe, qui ne cesse de proposer son propre plan contre la migration illégale.

*La Tunisie et l'Union européenne, main dans la main, pour lutter contre la migration clandestine

Le 16 juillet courant, la Tunisie et l'Union européenne ont signé un mémorandum d'entente sur un "partenariat stratégique global" entre les deux parties dans plusieurs domaines, notamment la promotion du commerce et la lutte contre la migration irrégulière, et dont la valeur dépasse les 750 millions d'euros.

La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni a qualifié ce mémorandum d'entente, d'étape importante vers la mise en place d'un partenariat effectif entre les deux parties pour faire face à la crise migratoire en Méditerranée.

De leur côté, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes, organisation non gouvernementale) ainsi que des groupes solidaires avec les migrants ont dénoncé, lors d’un rassemblement de protestation l’arrivée de Meloni en Tunisie, estimant que la visite de la Première ministre italienne en Tunisie ‘’s’inscrit dans la même logique des politiques de pression et de chantage exercées par l’Union européenne à l’encontre de Tunis’’.

En colère, les protestataires ont brandi des pancartes et des banderoles sur lesquelles ils ont écrit: ‘’Migrer est un droit’’ et ‘’Arrêtez la chasse aux migrants’’.

Rappelons que plus de 36 000 personnes sont arrivées en Italie par la Méditerranée depuis le début de l’année, contre environ 9 000 durant la même période en 2022, selon le ministère italien de l’Intérieur.

Malgré les drames successifs, les migrants continuent de tenter la traversée de la Méditerranée, coûte que coûte.

AA