La Cour d'appel tunisienne a condamné le chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, à un an de prison et à une amende dans l'affaire de l’“apologie du terrorisme“.
La radio locale Mosaïque FM a déclaré que “La Cour d’appel de Tunis a statué lundi soir, approuvant une décision préjudicielle, condamnant Rached Ghannouchi, chef du mouvement Ennahdha, à un an d’emprisonnement et à une amende de mille dinars (333 dollars)“.
Le tribunal "a également décidé que Ghannouchi serait soumis à un contrôle administratif (déclaration quotidienne à la police) pour une durée de trois ans à compter de la date de fin de sa peine de prison", a ajouté la même source.
Alors que les autorités tunisiennes s'abstiennent de commenter les décisions de justice, le mouvement Ennahdha n'a pour sa part fait aucun commentaire immédiat jusqu'à 08 h 45 (UTG).
Refus de comparaître
L’affaire en elle-même remonte à un procès intenté par un syndicat de la police contre Ghannouchi, dans ce qu’il avait qualifié de soupçons d’apologie du terrorisme, sur fond de son éloge funèbre début 2023 pour l’un des dirigeants du mouvement dans le sud de la Tunisie.
Ghannouchi dément avoir fait l'apologie du terrorisme et estime que le procès se déroule sur fond d'opposition au président Kaïs Saïed. Le chef du mouvement tunisien a également refusé de comparaître devant le tribunal.
À la mi-mai, le même tribunal a décidé une peine de 3 ans de réclusion contre Ghannouchi dans l’affaire du financement étranger (lobbying).
La question des poursuites judiciaires contre des partis pour financement étranger (lobbying) découle des soupçons de réception de financements étrangers par des partis tunisiens pour soutenir leurs campagnes électorales lors des élections de 2019. Le pouvoir judiciaire a entamé les enquêtes dans ces affaires dès juillet 2021 contre des partis tels que le mouvement Ennahdha et le parti Qalb Tounes, ainsi que l’association “Aïch Tounsi“ (non gouvernementale).
Le 17 avril 2023, les forces de l’ordre ont arrêté Ghannouchi après une perquisition à son domicile, avant que le tribunal de première instance n'ordonne sa garde à vue dans l'affaire des “propos qui lui sont imputés incitant contre la sûreté de l'État“.
Autocratie ou restauration de la révolution de 2011?
Ghannouchi est l'un des dirigeants les plus éminents du “Front du Salut“ d'opposition qui refuse les mesures d’exception mises en place par Kaïs Saïed le 25 juillet 2021, notamment la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et du Parlement (que Ghannouchi présidait), l'adoption de lois par décrets présidentiels, l’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum et l’organisation d’élections législatives anticipées, qui ont été boycottées par l'opposition.
Depuis le 11 février 2023, les autorités mènent une campagne d'arrestation contre des dirigeants de partis et des activistes de l'opposition, qui considèrent les mesures d’exception comme “un coup d'État contre la Constitution de la révolution (la Constitution de 2014) et la consécration d'un pouvoir autocratique absolu“. Une autre frange de la sphère politique tunisienne considère les mesures de Saïed comme une “restauration du cours de la révolution de 2011“, qui a renversé le président Zine el-Abidine Ben Ali (1987-2011).
Ennahdha et les autres forces d’opposition démentent généralement les accusations portées contre leurs dirigeants et les considèrent comme une persécution politique. De son côté, l’État tunisien accuse les prévenus de “comploter contre la sécurité de l’État“.