Par Dayo Yussuf
Une vague d'activisme des jeunes déferle sur l'Afrique, un continent aux possibilités immenses, mais aux aspirations insatisfaites.
Les médias sociaux, jauge moderne du sentiment public, abritent une vague d'opinion favorable à l'idée que des légions de jeunes à travers l'Afrique mettent leurs gouvernements face leurs responsabilités et demandent à leurs dirigeants de rendre des comptes.
Nombreux sont ceux qui y voient un phénomène répandu. Si la récente agitation anti-taxe au Kenya, menée par la génération Z, reflète un mécontentement en ébullition, les mouvements de protestation ailleurs sur le continent sont considérés comme une mesure de la lassitude qui s'accumule face à la gouvernance, au manque d'opportunités économiques et à la corruption.
Bien que des incendies criminels et des pillages aient entaché par intermittence les manifestations au Kenya, des hashtags tels que #KenyaProtests continuent de gagner du terrain.
Au Nigeria, les jeunes prévoient de manifester dans tout le pays le 1ᵉʳ août pour réclamer une éducation gratuite, la fin de l'insécurité alimentaire et des mesures pour freiner l'inflation galopante.
L'Afrique du Sud a, elle aussi, connu une recrudescence des plaintes motivées par les difficultés économiques.
L'écho de maux communs
Le fil conducteur est la frustration face aux inégalités économiques, au chômage et à la corruption. De nombreux jeunes Africains estiment que leurs gouvernements n'ont pas su leur offrir les opportunités et le soutien dont ils ont besoin pour s'épanouir.
"Je pense que cela se résume à une prise de conscience politique de la part des jeunes, qui n'a jamais été aussi forte dans l'histoire", explique à TRT Afrika Mike Muchiri, un jeune activiste de Nairobi."
"Nous avons une opinion éclairée sur tout ce qui se passe dans la sphère politique. Nous comprenons comment chaque secteur et ministère fonctionne et comment ces jeux politiques se déroulent", ajoute-t-il.
Les jeunes Kényans, qui manifestent depuis plus d'un mois, promettent de poursuivre leur action jusqu'à ce qu'ils constatent, comme ils le disent, un "changement tangible".
Les jeunes Ougandais tentent également de remettre en question le statu quo. Le gouvernement nigérian fait déjà quelques concessions pour anticiper l'agitation qui menace d'éclater à tout moment.
Quelques jours avant la manifestation nationale prévue pour dénoncer les lacunes présumées de la gouvernance et la flambée du coût de la vie, le gouvernement de Bola Ahmed Tinubu a offert aux jeunes du pays des emplois dans la compagnie pétrolière nationale et des subventions d'une valeur de plusieurs milliards de nairas, entre autres mesures incitatives destinées à décourager l'action. Mais l'appel à l'action reste d'actualité, du moins pour l'instant.
Des promesses à tenir
Quel est donc le point de bascule lorsque la jeunesse d'un pays descend dans la rue contre le gouvernement en place ? "La première chose est la bonne gouvernance", explique à TRT Afrika le Dr Bello Galadanchi, enseignant et consultant au Nigeria. "Ce qu'ils (les manifestants) veulent plus que tout, c'est un gouvernement transparent et proche des gens. Bien sûr, l'objectif immédiat d'une agitation peut varier d'un pays à l'autre, mais vous seriez surpris de voir combien d'objectifs se recoupent.
Les soins de santé, l'assurance et l'emploi d'un plus grand nombre de médecins et d'infirmières sont des priorités dans les pays où la population doit se contenter d'hôpitaux publics sous-équipés et mal gérés.
Cette situation est souvent aggravée par la culture des fonctionnaires de certains de ces pays qui s'envolent à l'étranger pour répondre à leurs besoins médicaux et à ceux de leur famille. L'insuffisance des possibilités d'emploi pour les jeunes diplômés est un autre problème qui touche l'ensemble du continent.
L'Afrique a la population la plus jeune du monde, 70 % des habitants de l'Afrique subsaharienne ayant moins de 30 ans.
Le continent reste à la traîne de la plupart des pays du monde en matière de création d'emplois, l'Afrique du Sud affichant le taux de chômage officiel le plus élevé (32,9 % en 2023). Le taux de chômage est également élevé au Nigeria et au Kenya. L'agitation provoquée par l'escalade du coût de la vie se répercute également au-delà des frontières.
"La vie est tellement chère en ce moment, surtout la nourriture", explique le Dr Bello à TRT Afrika. "Le taux d'inflation est extrêmement élevé (34,19 % en juin, selon la Banque centrale du Nigeria). Le salaire moyen ne suffit pas à (régulièrement) acheter trois repas par jour", ajoute M. Galadanchi.
Les mesures palliatives ne fonctionnent pas.
Depuis le début des manifestations au Kenya, le président William Ruto a fait quelques annonces pour apaiser les tensions.
"La génération Z a désormais une vision d'ensemble. Ils veulent que le changement soit durable et à long terme", explique M. Muchiri." Ces exigences ne sont pas nouvelles. La plupart des dirigeants sont arrivés au pouvoir en promettant ce que les jeunes voulaient et en l'énumérant dans leurs manifestes. Aujourd'hui, ils disent qu'il n'y a pas d'argent pour financer ces mesures sociales".
Alors que les promesses des hommes politiques n'ont pas été tenues, l'opulence et l'indifférence présumées de certains dirigeants ont alimenté la colère du public à l'égard des gouvernements.
"Les jeunes exigent un changement systématique. Ils ne savent peut-être pas ce qui les attend, mais ils ne veulent certainement pas que les choses restent en l'état", déclare Galandanchi.