Par Fırmain Eric Mbadinga
Quand ils sont sur scène, les enfants de l'association kpa domeviwo rivalisent de talents par l'exécution de pas de danse dynamiques et variés au rythme de tam-tams, avec un sourire qui ne quitte presque jamais leurs lèvres, à l'image d'artistes professionnels soucieux de plaire au public.
Pourtant, le sourire de ces enfants cache bien des tourments. Quand ils ne portent pas de tenues de scène, ces enfants dont l'âge varie entre 6 et 20 ans n'ont que des vêtements déteints, larges quand ils ne sont pas troués.
Koffi Mensah Agbelessessi le responsable de l'association qui offre un refuge à ces enfants, qui constituent la troupe de danse AKDT, donne en effet tout ce qu'il peut pour ces derniers.
C'est lorsqu'il était dans la ville d'Atakpamé, classée 5ᵉ ville du Togo, que Koffi Mensah, déjà danseur traditionnel, a eu l'idée de tendre la main à ces enfants, en 2017, alors qu'il avait 29 ans. En prestation dans un orphelinat de la ville, Koffi Mensah sera touché par la cause des enfants en détresse.
'' Je travaillais avec des mamans et des enfants pour cette occasion. J'apprenais à ces femmes la danse traditionnelle et comment jouer du tam-tam, dans cette ville qui est la terre natale de ma mère. Quand était venu le moment de me payer pour ma prestation auprès de ces femmes qui s'occupaient des enfants, j'avais refusé de prendre l’argent."
"J'ai vu les besoins de ces enfants et l'amour que ces dames leur manifestaient, c'est ainsi que je me suis dit que je devais faire ça en rentrant à Lomé. C'est ainsi que j'ai sillonné les plages et les rues pour aller à la rencontre de ces enfants.'' explique Koffi Mensah Agbelessessi à TRTAfrika.
Les faibles commencements
Le danseur, qui deviendra donc encadreur, va prendre son courage à deux mains et essayer d'établir un contact, mais surtout une atmosphère de confiance avec les premiers enfants de son association.
Avec les cachets de ses performances de danseur, celui que les enfants appellent affectueusement ‘’coach’’ trouvera un local en location pour assurer un toit à ces derniers au quartier Bè Ahligo dekadjev.
De 2017 à 2020 ; année de sa déclaration officielle auprès des autorités, à ce jour, l'association kpa domeviwo recueille les enfants de la rue, les forme à la danse, effectue un travail de reconstruction morale de ces derniers tout comme elle œuvre à la réconciliation de certains d'entre eux avec leurs parents, pour ceux qui en ont du moins.
''Ce n'est pas toujours facile. Il y a des enfants qui ne veulent pas se confier sur leur histoire réelle. Et parfois, lorsque l'on retrouve leurs familles, elles non plus, n'en disent pas plus.'' souligne Koffi Mensah qui insiste sur la délicatesse de son tutorat.
Afin d'amener les pensionnaires de son refuge à plus d'ouverture, Koffi Mensah et les autres membres de l'association, qui lui ont apporté une assistance diverse au fil du temps, s'entretiennent régulièrement avec les enfants. Les encadreurs hommes avec les garçons et les dames avec les filles. Dans les échanges, tous les sujets sont évoqués.
Instaurer la confiance
De l'hygiène aux questions de santé, les histoires singulières et cas personnels, tout est passé au peigne fin pendant ces entretiens.
Pour financer de façon permanente le fonctionnement de l'association qui sert donc de refuge, au départ, en plus de ses cachets, Koffi Mensah fabriquait des boucles d'oreilles, des bracelets et d'autres accessoires de mode qu'il revendait ensuite.
''Je travaille avec du carton, du plastique ou des pagnes pour faire ces boucles d'oreille. Ensuite, j'envoie cela à certaines de mes connaissances pour que ces produits soient vendus en Europe. Aussi, il m'arrive de faire des expositions-vente ici, même si ce n'est pas si rentable."
"Ça nous a vraiment aidés à sortir certains enfants de la rue'', détaille Koffi Mensah qui s'activait pour les préparatifs de la fête de noël 2023 pour les enfants de l'association au moment où il répondait aux questions de TRT Afrika.
Un enfant en appelant d'autres, c'est bien après, avec un nombre plus important de pensionnaires, que l'idée de la création d'une troupe de danse avec les enfants comme principaux acteurs a vu le jour.
Les enfants qui voyaient leur ''coach'' danser dans des clips vidéo d'artistes togolais vont ensuite lui demander de leur apprendre la danse, demande à laquelle ce dernier finit par céder.
Koffi Mensah va ainsi acheter des tam-tams, des tenues de danse et lancer la troupe AKDT sur le marché du spectacle et de l'événementiel.
Les bénéfices que génèrent les spectacles servent donc à financer certains projets tels que la scolarité des enfants qui n'ont pas de famille ou qui ne peuvent pas y retourner.
'' J'ai lancé des appels à contribution sur les réseaux sociaux afin que les gens puissent m'aider dans le projet de réinsertion de certaines filles. Nous avons réussi depuis à réinsérer certains enfants, filles comme garçons, dans leurs familles ou dans des ONG. D'autres enfants sont avec nous et sont scolarisés'' explique ''coach''.
Malgré ces efforts, certains enfants ont regagné la rue, une situation que vit mal Koffi Mensah qui souligne les risques d'insécurité, d'abus et de trafic en tous genres qui y guettent les enfants.
Selon l'Unicef, en Afrique, au moins 30 millions d’enfants vivent dans la rue. Et au Togo, les chiffres officiels suggèrent que 7000 enfants vivent dans la rue, pour une population d'au moins 8 millions d'habitants.
L'association kpa domeviwo est donc une voie de salut pour ces enfants à qui elle offre, en plus de la danse et d'une scolarité, des formations professionnelles (coiffure, restauration, mécanique), avec l'appui du peu de partenaires qui acceptent de se montrer généreux avec elle.
'' Ce n'est pas du tout facile. Dieu merci, récemment, nous avons reçu le soutien d'une dame, Marie, qui a accepté de parrainer les enfants. Elle a parlé de notre association en France d'où elle leur a obtenu des parrains de sorte que chaque fin de mois, on a une allocation de 20 000 FCFA par enfant.
"Ce montant aide à l'alimentation (matin, midi et soir) ; si l'homme est malade, c'est dans ce même montant que l'on prélève pour des soins, tout c'est dans ça'', explique le responsable de l'association kpa domeviwo.
Malgré les ressources limitées, Koffi Mensah qui a appris la danse aux côtés de son frère durant son enfance, dit organiser des sorties et activités de loisir afin de permettre à ces enfants d'être épanouis et d'avoir le sourire.
Koffi Mensah a confié à TRTAfrika son vœu de voir, chaque jour, un peu plus d'aide au profit des enfants dont il a la charge.