Par Firmain Eric Mbadinga
Alhadj Dandal Abdoulaye et Haoua Mahamat ont souvent désespéré à l'idée de savoir combien de temps durerait la prochaine période de sécheresse.
Vivre et cultiver dans les régions tchadiennes semi-arides autour de la capitale, N'Djamena, où les cours d'eau peuvent être aussi précieux que les puits de pétrole, met l'esprit humain à l'épreuve comme peu d'autres choses.
Alors que l'espoir s'amenuise en même temps que la terre desséchée, des agriculteurs comme Abdoulaye et Mahamat - tous deux résidents du village de Gaoui - n'ont pas baissé les bras.
L'impact du changement climatique au cours des dernières saisons a été particulièrement sévère, les pluies déjà irrégulières devenant de plus en plus rares.
Dans l'une des régions les plus chaudes du monde, cela peut sonner le glas de l'agriculture.
Comme dans une grande partie du nord du Tchad, la culture des fruits et légumes à Gaoui est considérée comme un investissement commercial risqué dans un contexte de détérioration des conditions climatiques, caractérisé par des pics de température brusques et anormaux.
Pour la plupart des populations rurales de la région, l'agriculture de subsistance semble être la seule option. Heureusement, un projet d'irrigation centré sur Gaoui, à 10 km au nord-est de la capitale N'Djamena, a ravivé l'enthousiasme pour l'agriculture en sauvant de nombreux hectares de terres agricoles de la désertification.
L'objectif principal du lancement du projet dans ce village, connu pour son architecture traditionnelle et ses poteries, est d'aider et de former les entrepreneurs agricoles aux méthodes conçues pour surmonter les défis du changement climatique.
L'initiative a démarré au début de cette année avec le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) en partenariat avec l'Agence nationale de la Grande Muraille Verte du Tchad (ANGMV) pour "revitaliser le potentiel agricole et économique du village de Gaoui".
Une initiative qui change la donne
Mamane Salissou, responsable du renforcement de la résilience au PAM-Tchad, estime que le projet a le potentiel d'amener l'agriculture de la région à des niveaux commercialement durables.
"A travers ce programme de résilience, les deux partenaires visent à aider les populations vulnérables à s'affranchir de la dépendance à l'égard de l'aide humanitaire. L'ANGMV opère dans toute la ceinture tchadienne, qui englobe les provinces de la Grande Muraille Verte de l'Union africaine le long du Sahel", explique-t-il à TRT Afrika.
"Outre la sécurité alimentaire, l'idée est de minimiser la menace du changement climatique et de travailler à l'élaboration d'actions concrètes ayant un impact écologique positif. Le site de Gaoui représente ce à quoi nous aspirons".
Une parcelle de cinq hectares dans le village sert de modèle pour les projets futurs. Du chef de tribu au berger en passant par l'agriculteur qui s'accroche à son dernier potager, la participation enthousiaste de la population locale aux sessions techniques coordonnées par des experts du ministère de l'agriculture a donné le ton au projet.
Le premier bénéfice tangible a été la construction d'un forage solaire pour aider à restaurer la fertilité de la terre. "Nous avons clôturé le site avant d'installer le système d'irrigation", explique Salissou à TRT Afrika.
Les travaux sur le site ont commencé en février avec le parrainage et le soutien technique du PAM. Outre la formation pour certains et le renforcement des capacités pour d'autres, une série d'outils et d'autres intrants agricoles ont été fournis.
Des pousses vertes apparaissent
Il n'a pas fallu longtemps pour que les efforts des 400 bénéficiaires du projet, travaillant de l'aube au crépuscule, portent leurs fruits.
"Les premiers résultats sont plus que positifs. Grâce à l'installation d'irrigation hydraulique, nous avons récupéré des terres dégradées et les avons rendues arables à long terme. Les agriculteurs cultivent déjà divers légumes, notamment de l'ail, des carottes, des tomates et des concombres", signale Salissou.
L'objectif premier est d'assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Ensuite le reste de la production est acheminé vers le marché de Gaoui pour y être vendu.
Abdoulaye fait partie des agriculteurs qui ont adhéré à la vision d'une agriculture durable dans une région confrontée à une sécheresse persistante.
Le Programme des Nations unies pour le développement prévoit que si rien n'est fait pour lutter contre la sécheresse, celle-ci pourrait s'étendre jusqu'au sud du pays.
"Le projet de ferme écologique financé par le PAM a été une aubaine", explique Abdoulaye à TRT Afrika.
« La première récolte nous a montré où nous pouvions aller. Nous savons maintenant qu'il est possible de cultiver des légumes pour la consommation domestique et le marché, même à cette époque de l'année. »
Un cas d'école pour la région
Les bénéfices des premières ventes de la saison ont permis aux villageois impliqués dans ce projet de créer un fonds d'autofinancement pour les soutenir en cas d'urgence ou pour d'autres projets générateurs de revenus.
Le succès de cette collaboration au sein du village est un modèle que les habitants souhaitent voir s'étendre à d'autres bénéficiaires.
"L'évolution de ce projet économique et environnemental est la meilleure chose qui nous soit arrivée", déclare Mahamat.
Les experts considèrent Gaoui comme un projet exemplaire pour la région, permettant à la population locale d'assurer sa sécurité alimentaire et d'augmenter ses revenus agricoles.