Le chef d'une secte et d'autres suspects vont plaider pour des accusations de meurtre / Photo : AFP

Le pasteur autoproclamé Paul Nthenge Mackenzie a comparu devant un tribunal de Mombasa, grand port de l'océan Indien, aux côtés de 94 coaccusés.

La magistrate principale, Leah Juma, a ordonné aux journalistes de quitter la salle peu après le début de l'audience pour permettre à un témoin protégé de s'exprimer.

M. Mackenzie, arrêté en avril 2023, est accusé d'avoir incité ses adeptes à jeûner jusqu'à la mort pour "rencontrer Jésus" avant la fin du monde prévue pour 2023.

Ces décès se sont étalés sur plusieurs années.

Lui et les autres accusés avaient chacun plaidé non coupable des accusations de "terrorisme" au cours d'une audience en janvier.

Des organes ôtés

Les 55 hommes et 40 femmes sont aussi poursuivis pour meurtre, homicide involontaire, enlèvement, torture d'enfants et cruauté dans des dossiers séparés.

Dans cette affaire, les restes de plus de 440 personnes ont été exhumés dans un lieu isolé non loin de la ville côtière de Malindi (sud-est).

Les autopsies des victimes ont établi que si la plupart sont mortes de faim, certaines, dont des enfants, ont été étranglées, battues ou étouffées.

Selon des documents judiciaires, les organes de certains corps ont été ôtés.

Le ministère public a indiqué dans un communiqué qu'il prévoyait de faire venir à la barre quelque 90 témoins.

"L'accusation présentera des preuves montrant que les accusés ne fonctionnaient pas seulement comme un groupe extrémiste, mais aussi comme une organisation criminelle bien organisée opérant sous l'apparence d'une église dirigée" par M. Mackenzie, selon le communiqué.

Ancien chauffeur de taxi, ce dernier s'était rendu le 14 avril 2023 à la police.

Informée par un proche d'une victime, la police venait d'entrer dans la forêt de Shakahola, une vaste zone de "bush" de la côte kényane, où elle avait découvert quatre corps et plusieurs personnes quasi mortes de faim. Des fosses communes ont ensuite été mises au jour.

Le gourou avait créé son "Eglise internationale de Bonne Nouvelle" en 2003, mais l'avait fermée en 2019 et avait déménagé dans la ville de Shakahola, pour y préparer ce qu'il annonçait comme la fin du monde, prévue pour août 2023.

En mars, les autorités ont commencé à rendre les corps de certaines victimes aux familles éplorées, après des mois de travail minutieux et extrêmement lent, faute de moyens, pour les identifier via des analyses d'ADN.

Des avertissements ignorés

Un rapport d'une commission sénatoriale a mis en exergue les "défaillances" de la police et de la justice locales qui n'ont pas empêché les agissements du pasteur, pourtant arrêté à plusieurs reprises pour ses prêches extrêmes.

La Commission nationale des droits humains du Kenya (KNCHR) a également affirmé, dans un rapport en mars, que la police avait ignoré plusieurs avertissements concernant la secte, notamment ceux d'une ancienne adepte qui avait publié des appels à l'aide sur Facebook en novembre 2022.

"Au lieu d'une enquête sur la véracité des problèmes soulevés, la dame a été intimidée après avoir été accusée de porter des accusations infondées", déplore la KNCHR, soulignant que la police avait en revanche accepté une plainte du pasteur Mackenzie concernant ces messages qu'il disait mensongers.

"Le massacre de Shakahola est la pire faille de sécurité dans l'histoire de notre pays", avait estimé l'an dernier le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki, promettant des réformes pour "maîtriser les pasteurs véreux".

Il a annoncé que la forêt de 325 hectares serait transformée en un "lieu de mémoire" dédié aux victimes.

Les seules mesures prises depuis la révélation du scandale ont été la mutation de responsables des services de sécurité.

L'affaire a poussé le président William Ruto à promettre de se pencher sur les nombreux mouvements religieux de ce pays majoritairement chrétien d'Afrique de l'Est.

Elle a aussi mis en lumière l'échec des tentatives de réguler les églises et les sectes qui flirtent avec la criminalité.

AFP