Police officers argue with a protestor during a demonstration against Kenya's proposed Finance Bill 2024 in Nairobi. Photo / Reuters

Après la journée de violences et de pillages dans la capitale Nairobi, pendant laquelle le parlement a voté le projet de budget dénoncé dans la rue, le président William Ruto a affiché mardi soir sa fermeté et assuré que la "violence et l'anarchie" seraient fermement réprimées.

"Tout le pouvoir souverain appartient au peuple du Kenya. Vous ne pouvez pas tous nous tuer", a écrit mercredi matin la journaliste et militante Hanifa Adan, figure de la contestation, sur X, alors que le gouvernement a annoncé avoir déployé l'armée pour appuyer la police face à la contestation.

"Demain, nous marchons à nouveau pacifiquement en portant du blanc, pour tous les nôtres tombés au combat. Vous ne serez pas oubliés !!!", a-t-elle ajouté.

L'organisme officiel de défense des droits humains, la Kenya National Human Rights Commission (KNHRC), a recensé 22 morts dans le pays, dont 19 dans la capitale Nairobi, "plus de 300 blessés et plus de 50 arrestations", a indiqué sa présidente, Roseline Odede, en annonçant "ouvrir une enquête" sur ces morts.

"Au moins 23 personnes ont été tuées et 30 autres sont soignées pour des blessures par balles subies", a déclaré mercredi l'Association médicale du Kenya.

Les autorités n'ont donné aucun chiffre sur le nombre de victimes de cette troisième journée de mobilisation en huit jours contre le projet de budget 2024-25 prévoyant des hausses de taxes. Le texte voté mardi au parlement doit encore être promulgué par le président Ruto.

Traces de sang

Le Kenya était encore mercredi sous le choc de ces violences, qui ont notamment vu des manifestants prendre d'assaut le Parlement, une première dans l'histoire du pays indépendant depuis 1963.

Dans le centre d'affaires (CBD) de Nairobi, une odeur de gaz lacrymogène flottait encore dans la matinée dans les rues, dont les chaussées portaient encore des traces de sang. Un important dispositif policier, renforcé par l'armée mardi soir, quadrillait le quartier, a constaté l'AFP.

Les rassemblements contre les nouvelles taxes, principalement menés par des jeunes, avaient débuté la semaine dernière dans le calme, des milliers de manifestants défilant à Nairobi et dans d'autres villes du pays.

La tension est brusquement montée mardi après-midi dans le centre de la capitale.

Selon des ONG, dont la branche kényane d'Amnesty International, la police a tiré à balles réelles pour tenter de contenir la foule, qui a forcé l'entrée de l'enceinte du Parlement. Des bâtiments y ont été saccagés et partiellement incendiés.

"Le gouvernement ne se soucie pas de nous, ils nous ont tiré dessus à balles réelles. Le président a persécuté des innocents", peste Steve, agriculteur de 40 ans revenu mercredi sur les lieux de la manifestation. Il promet de manifester jeudi, disant s'attendre à "plus de violence et de chaos".

A Nairobi et dans plusieurs villes, la foule s'est également livrée à des pillages.

"Ils n'ont rien laissé, juste les cartons", se désolait James Ng'ang'a, propriétaire d'un magasin d'électronique sur l'avenue Moi, principale artère du CBD: "Ils ont tout pris, les téléphones, les ordinateurs portables et les stocks du magasin à l'étage..."

Des bâtiments ont été incendiés à Eldoret, dans la vallée du Rift, fief du président William Ruto.

"Enfants innocents"

Les scènes de chaos ont alarmé mardi les Etats-Unis et plus d'une dizaine de pays européens, ainsi que l'ONU et l'Union africaine, qui se sont déclarés "fortement préoccupés" et ont appelé au calme.

La principale coalition d'opposition, Azimio, menée par le vétéran Raila Odinga, a accusé le gouvernement d'avoir "déchaîné sa force brute" contre les manifestants et exhorté la police à "cesser de tirer sur des enfants innocents, pacifiques et non armés".

Le groupe d'ONG mené par Amnesty Kenya a également souligné mardi avoir relevé 21 enlèvements de personnes par des "officiers en uniforme ou en civil" au cours des 24 heures précédentes.

Le police n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP sur le sujet.

Ce mouvement de contestation contre les taxes, baptisé "Occupy Parliament" ("Occuper le Parlement"), a été lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation au Parlement le 13 juin du projet de budget 2024-2025 prévoyant notamment une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers.

Après un début de contestation, le gouvernement, qui juge de nouvelles taxes nécessaires au vu du lourd endettement du pays, avait annoncé le 18 juin retirer la plupart mesures prévues à cet effet.

Avant la journée de mardi, cette mobilisation avait déjà été marquée par la mort de deux personnes à Nairobi, ainsi que des dizaines de blessés et des centaines d'arrestations.

AFP