L'ex-employé des Nations unies et chef rebelle hutu Callixte Mbarushimana a bénéficié d'un abandon des poursuites en France pour participation au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, la justice ayant estimé les charges contre lui insuffisantes, a appris l'Agence France-Presse dimanche de source proche du dossier.
Dans une ordonnance datée du 1er octobre et dont l'Agence France-Presse a eu connaissance, une juge d'instruction spécialisée du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris a conclu à un non-lieu, conformément aux réquisitions du parquet, après analyse de "l'ensemble" des "éléments à charge et à décharge".
Callixte Mbarushimana, 61 ans, mis en examen depuis 2010 pour crimes contre l'humanité et complicité, a "toujours clamé son innocence", a rappelé son avocate Me Laurence Garapin, jointe par l'Agence France-Presse.
"Aucun élément n'a permis d'établir une culpabilité ou une participation à un quelconque fait criminel", a-t-elle souligné, saluant une enquête "longue, complète, avec des confrontations et des documents du TPIR" (Tribunal pénal international pour le Rwanda) versés à la procédure.
L'avocat du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), Me Simon Foreman, a indiqué à l'Agence France-Presse avoir fait appel du non-lieu, estimant l'enquête lacunaire : certains témoins n'ont pas été entendus et les informations d'un rapport d'enquête interne des Nations unies n'ont pas été vérifiées selon lui.
"Les investigations ont été de fait suspendues dès 2017. Avec cette décision, le choix a été fait de les arrêter définitivement, ce qui s'inscrit davantage dans une stratégie de clôture des vieux dossiers que dans la volonté d'établir la vérité sur les responsabilités de Mbarushimana", a-t-il commenté.
Le génocide commis en 1994 au Rwanda, à l'instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, a fait environ 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi mais aussi des Hutu modérés, selon l'ONU.
En 1994, Callixte Mbarushimana était responsable informatique du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) à Kigali.
Plusieurs associations et victimes du génocide l'accusent d'avoir adhéré à l'idéologie extrémiste hutu, d'avoir mis à disposition des Forces armées rwandaises (FAR) et des milices Interahamwe du matériel du Pnud, dressé une liste de Tutsi à tuer et d'être impliqué dans des massacres.
Au cours de l'enquête ouverte après une plainte en 2008 du CPCR, les enquêteurs français de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine (OCLCH) se sont déplacés plusieurs fois au Rwanda, entre 2013 et 2017.
Selon la juge d'instruction, les différents témoignages recueillis sont "fluctuants", pas "précis" ni "concordants", et les charges insuffisantes pour le faire comparaître devant une cour d'assises.
Après le génocide, Callixte Mbarushimana a fui le Rwanda et obtenu le statut de réfugié en France en 2003.
En 2010, des poursuites sont lancées contre lui à La Haye pour crimes contre l'humanité et crimes de guerres commis en 2009 contre des civils dans l'est de la République démocratique du Congo, alors qu'il était secrétaire exécutif des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
La Cour pénale internationale a décidé en 2011 de ne pas le juger, faute de preuves suffisantes.