Au Gabon, la rentrée des classes, fixée au 18 septembre pour les cycles primaire et secondaire, et pour Justine Ndoumba, mère de deux filles scolarisées dans la capitale Libreville, il faut trouver des fournitures.
"Ça a augmenté, c'est un peu compliqué pour nous", lâche-t-elle. La rentrée des classes, comme chaque année, sera dure. Même si le nouvel homme fort du Gabon qui a renversé le président Ali Bongo a fait de la gratuité des frais d'inscription dans les écoles publiques et confessionnelles l'une de ses toutes premières annonces.
Cela ne changera rien pour Justine Ndoumba, car ses filles sont scolarisées dans le privé
L'état de délabrement de l'éducation nationale ,les militaires putschistes ont fait de son redressement l'une de leurs priorités, est tel que les parents qui le peuvent se saignent aux quatre veines pour le privé.
"Avec 30.000 francs CFA (45 euros), aujourd'hui, on ne peut avoir que trois ou quatre cahiers. Un sac qui coûtait 15.000 (23 euros), aujourd'hui ça coûte 35.000 ou 40.000" pour les moins chers, énumère, dépitée, Mme Ndoumba, pharmacienne de 38 ans.
"Cette année, c'est vraiment trop cher, quand je regarde les sacs à presque 40.000 francs (60 euros), c'est cher", se désole Charlène Mabika, 23 ans, mère de trois enfants, qui scrute attentivement les prix.
Le salaire minimum obligatoire est à 150.000 francs CFA par mois.
La corruption
Un habitant sur trois, vit sous le seuil de pauvreté (moins de 2 euros par jour) au Gabon, pourtant classé au troisième rang des pays les plus riches d'Afrique grâce à son pétrole, selon la Banque mondiale.
L'armée emmenée par le désormais président de la transition, le général Brice Oligui Nguema, leader du putsch qui a mis fin le 30 août à 55 ans de règne de la famille Bongo, a notamment accusé le pouvoir de corruption "massive" et d'une gouvernance calamiteuse.
Au sommet de l'État, mais aussi dans nombre d'administrations. Dont l'éducation nationale.Justine Ndoumba refait plusieurs fois les comptes : les fournitures seules coûtent 180.000 francs CFA (270 euros). "Je ne peux pas dépenser autant", se lamente-t-elle. Elle achètera donc "au fur et à mesure", espérant pouvoir épuiser la liste "fin janvier".
La rentrée des classes est le 18 septembre, mais dès lundi, les files d'attente s'allongeaient dans les écoles pour les inscriptions.Et le paiement de la première échéance des frais de scolarité.
La Confusion
Or, l'annonce le 8 septembre par le général Oligui de la gratuité des frais d'inscription, reçue par des vivats, a créé la confusion. Bon nombre ont cru qu'il s'agissait aussi des frais de scolarité. Certains parents refusaient de les payer.
La ministre de l'Éducation nationale, Camélia Ntoutoume Leclercq, a dû faire une mise au point à la télévision jeudi.
À l'école primaire Batavéa, au cœur de Libreville, Benoît Ndong, 38 ans, inscrit ses deux enfants, 14 et 15 ans.
Plus de droits d'inscription, "ça fait une économie", de 10.000 francs par enfant, admet-il. "Mais ça n'influence rien par rapport à la rentrée scolaire", qu'il estime à 200.000 francs CFA (300 euros), au total.
"On se débrouille, on est obligés de faire avec, la vie au Gabon est très chère, l'école coûte cher", se plaint cet enseignant dont le salaire n'a pas été revalorisé depuis huit ans.
Impatience
La gratuité des inscriptions, ça ne change pas grand-chose non plus pour Hella Ada Biteghe, 43 ans, mère de quatre enfants.
"C'est vraiment minime" par rapport à tout le reste, "il faut acheter les livres, il faut acheter les cahiers, il faut acheter les tenues", égrène cette enseignante.
Le général Oligui et les militaires sont largement célébrés comme des "sauveurs", qui ont "libéré" les Gabonais "du clan Bongo". Il a promis de "rendre le pouvoir aux civils" par des élections après une transition dont il n'a pas fixé la durée, et a multiplié rapidement les annonces en faveur des "plus pauvres".
Mais il a aussi suscité de fortes attentes en 15 jours. Et déjà de l'impatience : des grèves, ou de petits rassemblements pour afficher des doléances, éclatent dans plusieurs secteurs, de fonctionnaires ou employés qui cumulent parfois des mois d'arriérés de salaire ou de primes.