Des badauds observent un bus tombé du pont Queen Elizabeth à Jo'burg, en Afrique du Sud, le 25 février 2015./ Photo : AFP

Selon le rapport 2023 de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), les régions Asie du Sud-Est et Pacifique-Ouest, qui comprennent respectivement l'Inde et la Chine, ont certes enregistré plus de morts en 2021, mais l'Afrique les dépasse en termes de décès rapportés à la population.

"L'Afrique a le pire bilan en terme de sécurité routière au monde avec 19,5 morts pour 100.000 habitants", rappelle Jean Todt, envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour la sécurité routière, qui déplore une "tendance à la hausse".

Contrairement aux autres régions, le nombre de personnes tuées sur les routes africaines a augmenté de 17% entre 2010 et 2021.

La situation "varie significativement selon les pays", mais le nombre de décès a augmenté dans plus de la moitié des pays du continent, souligne Haileyesus Adamtei, responsable Sécurité routière au Programme de politiques de transport en Afrique (SSATP) et spécialiste des transports à la Banque mondiale (BM).

Des secouristes assistent une personne blessée après une collision sur la N3 West près de Durban, en Afrique du Sud le 14 juillet 2024/AFP

Infrastructures "médiocres"

Au total, quelque 225.000 personnes ont été tuées sur les routes africaines en 2021, soit environ 620 par jour, selon l'OMS.

Et si le continent n'abrite que 4% du parc automobile mondial, il concentre 19% des morts sur la route en 2023.

Comme ailleurs, vitesse, alcool, non-port de la ceinture ou du casque, non-respect du code de la route "sont parmi les principales causes de décès et de blessures" sur la route, explique M. Haileyesus, pointant aussi du doigt des "infrastructures routières médiocres et des espaces inadaptés pour les piétons, particulièrement dans les zones urbaines".

En Afrique, les piétons représentent un tiers des décès sur la route, contre 21% au niveau mondial, selon l'OMS.

"Il faut des rues mieux conçues, avec des trottoirs, une signalisation appropriée et des voies piétonnes, notamment autour des écoles", souligne Jean Todt.

Pour M. Haileyesus, "de nombreux pays africains continuent de concevoir leurs infrastructures pour les véhicules à moteur et non pour les individus, et sans que la sécurité soit la préoccupation principale".

Une passagère sort de l'épave d'un bus après une collision avec un camion à Nairobi au Kenya le 12 janvier 2018/AFP

L'Afrique est également le premier destinataire de véhicules d'occasion au monde, dont de nombreux "ont plus de 15 ans et offrent de faibles niveaux de sécurité", note le Fonds de l'ONU pour la sécurité routière.

Au Sénégal, "le délabrement des véhicules est un important facteur d'insécurité" et "les accidents causés par des véhicules aux freins défaillants ou aux pneus usés" sont nombreux, explique à l'AFP un porte-parole du ministère des Transports routiers.

"Pas une fatalité"

Pour M. Haileyesus, "la volonté politique" manque parfois pour faire réellement appliquer les règles en matière de sécurité routière.

Le porte-parole du ministère sénégalais admet qu'à la méconnaissance du Code de la route - permis accordé sur des exigences basses, parfois par corruption - s'ajoutent "souvent" des forces de l'ordre complaisantes ou corrompues, réduisant les risques de sanctions lors d'infractions.

Après une collision de deux bus ayant fait 42 morts en janvier 2023, le gouvernement du pays d'Afrique de l'Ouest avait pris 22 mesures, mais "la plupart n'ont jamais été mises en application", constate t-il.

Cérémonie funéraire des victimes d'un accident de bus à Molepolole, au Botswana, le 4 mai 2024/AFP

Certaines mesures, comme l'interdiction des bagages sur le toit des bus, susceptibles de déséquilibrer le véhicule, avaient rencontré la farouche opposition des opérateurs.

"Les accidents de la route ne sont pas une fatalité" et la sécurité routière "devrait être en tête des priorités" des gouvernements, estime Jean Todt.

Car "au-delà de la tragédie humaine, les accidents de la route sont une des causes majeures de ralentissement du développement d'un pays, coûtant en moyenne 4-5% du PIB, parfois plus en Afrique".

AFP