Par Anne Nzouankeu
Au lendemain du glissement de terrain qui a eu lieu au quartier Mbankolo situé à l’ouest de Yaoundé la capitale du Cameroun, les recherches continuent dans les décombres, avec l’espoir de retrouver des survivants.
Selon les témoignages recueillis par TRT Afrika sur le site, au moins sept personnes sont encore portées disparues : une femme affirme être sans nouvelle de sa soeur et ses trois enfants, une autre recherche ses deux enfants et son neveu qui étaient venus assister à un anniversaire dans ce quartier.
"Ma sœur habitait ici avec ses trois enfants. Je suis sans nouvelles d’eux depuis dimanche, c’est pourquoi je suis venue sur place pour vérifier", dit dame Salatou. A l’endroit où était construite la maison de la disparue, se trouve dorénavant un tas de boue mélangée à des débris de bois et des morceaux de pierre.
"Le bilan provisoire de cet incident est de 30 morts et 20 blessés. Les recherches continuent. Nos équipes se relaient jour et nuit sur le site pour essayer de sauver le maximum de vies", indique à TRT Afrika, le Chef de Bataillon Bomba Etoundi, qui coordonne l’action des pompiers sur le site.
Constructions anarchiques
Plusieurs causes sont à l’origine de cet éboulement. Les maisons sinistrées étaient construites au pied d’une colline couramment appelée "Mont Mbankolo", qui culmine à plus de 1000 mètres de hauteur. Originellement, un cours d’eau sillonnait les flancs de la colline, du sommet vers le bas.
Selon les explications du colonel pompier Bomba Etoundi, "un mur de soutènement avait été réalisé pour contenir cette eau". Ainsi, le cours d’eau qui auparavant coulait, est devenu un lac stagnant et les populations ont commencé à construire là où l’eau coulait auparavant.
Seulement, une forte pluie s’est abattue à Yaoundé dans la nuit du dimanche 8 au lundi 9 octobre, "suite aux pluies diluviennes, la quantité d’eau accumulée au niveau du lac a augmenté, le mur de soutènement n’a pas supporté la pression de l’eau et a lâché. Du coup, l’eau est sortie de son lit et a ravagé toutes les maisons qui se trouvaient sur son passage", explique le pompier à TRT Afrika.
Meurtri, les habitants confirment cette version des faits. "Vers 18h30, nous avons entendu un grand bruit comme si une grosse pierre tombait sur notre tête et subitement nous avons été envahis par les eaux. Le lac qui est au-dessus de nous s’est déchainé et a emporté ma belle-sœur et trois enfants. Je n’ai même pas eu la possibilité d’alerter les riverains qui habitent après moi. Mes enfants et moi avons pu nous échapper de justesse avec l’aide de nos voisins immédiats", explique en larmes, Virginie Tchaleng à TRT Afrika.
"Lorsque nous sommes arrivés ici en 2013, ce lac existait déjà et les personnes que nous avons trouvées sur place y élevaient même des poissons. Nous n’avons jamais su que ce site était à risque", ajoute-t-elle.
"La perte de vie humaine est à déplorer. Nous adressons nos sincères condoléances aux familles éprouvées. Le premier constat est qu’on a barré la voie d’accès à l’eau, on a occupé le lit de l’eau. Et lorsque l’eau doit passer, elle trouve un chemin pour passer. Il faut imposer le respect des documents d’occupation du sol afin de limiter les constructions anarchiques qui produisent de tels effets", déclare Célestine Ketcha Courtes, la ministre en charge de l’habitat qui s’est rendue lundi à Mbankolo.
Interrogée par la presse sur ce que l’Etat fait pour prévenir ce genre de catastrophe, la ministre Ketcha Courtes a expliqué : "ces maisons n’ont très souvent pas de permis de bâtir, pas de titre foncier ou alors ont été construites sans respecter les normes de construction. Nous sensibilisons régulièrement les populations sur le respect des règles d’urbanisme, sur la nécessité d’obtenir un permis de bâtir avant toute construction et sur l’appropriation des normes de construction par les populations et promoteurs immobiliers".
Pertes de vie à répétition
Ce n’est pas la première fois qu’un tel incident se produit au Cameroun. En moins d’un an, près de 100 personnes ont perdu la vie suite aux constructions anarchiques. Avant Mbankolo, il y a eu un éboulement au quartier Damas, qui a fait 15 morts.
En juillet dernier, deux immeubles se sont effondrés dans la ville de Douala, coûtant la vie à 37 personnes. Toujours au cours du mois de juillet, un immeuble s’est effondré dans la ville de Limbé, tuant deux personnes.
Atanga Nji, le ministre de l’Administration territoriale, rencontré lundi sur le site de l’éboulement, a fait des annonces sur les mesures immédiates prises par son ministère: "sauver le maximum de sinistrés, secourir tous les sinistrés, organiser la sécurisation du site, sensibiliser les populations et les déguerpir des zones non constructibles".
Quant à Mme Ketcha Courtes la ministre de l’Habitat, elle a annoncé la mise sur pied d’un "système de prévention de l’habitat spontané" et la sensibilisation des populations sur les risques d’occupation sur les zones non constructibles.
"Nous demandons aux populations de nous aider en dénonçant les constructions qui semblent à risque, afin que nous puissions les démolir et anticiper sur les drames", a conclu la ministre.
Les recherches se poursuivent à Mbankolo, les blessés sont pris en charge au Centre des urgences de Yaoundé, tandis que les familles ayant perdus leurs maisons sont hébergées dans un centre social à Madagascar, un quartier voisin du lieu du drame.
Les autorités annoncent qu’il s’agit d’environ 60 familles, avec des ménages composés de quatre à dix personnes par famille.