Par Jean Charles Biyo’o Ella
Yaoundé, Cameroun
Au Cameroun, le 6 novembre n’est pas une date anodine. Il rappelle l’accession au pouvoir de Paul Biya deux jours après la démission de son prédécesseur, Amadou Ahidjo le 4 novembre 1982.
Mais cette année, alors que le chef de l'Etat soufflait sa 41e bougie à la tête du pays, des hommes armés ont massacrées 25 personnes, dont 19 hommes, 5 femmes et un enfant de huit ans, selon un bilan provisoire communiqué mardi.
Neuf personnes sont également grièvement blessées.
" Dans un théâtre de guerre, ce qui peut s’apparenter à de la cruauté ou la barbarie dans un camp, peut être assimilable à de la propagande de guerre dans un autre camp" dit Charly Kengne.
Le géo-stratège camerounaise estime que par cette horreur, les séparatistes ont une nouvelle fois passé un message autorités du pays.
" Et ce message est celui de leur existence. Qu’ils gardent une certaine force de frappe, malgré la présence des forces de défense et de sécurité sur le terrain" précise-t-il.
"Cette propagande vise à créer de la peur au sein de la population pour la dissuader de continuer de coopérer avec les FDS et l’obliger à rejoindre la cause sécessionniste" ajoute Charly Kengne.
L’indignation collective
Le gouvernement camerounais a condamné une "attaque lâche et ignoble dirigée contre des personnes innocentes par une bande de terroristes dont le seul but est de semer l’horreur et la désolation dans des familles " par la voix de René Emmanuel Sadi.
Le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement affirme que l’attaque a été menée par le groupe séparatiste Manyu Unity Warriors. Une unité affiliée au groupe Ambazonian Defense Forces.
Les forces de sécurité sont à pied d’œuvre pour retrouver "les auteurs de cette expédition macabre" a conclu le porte parole du gouvernement.
Lundi, le préfet du département de la Manyu, Viang Mekala expliquait que "c’est aux environs de 3h30 que les premiers coups de feu ont été entendus. L’armée s’est déployée sur le terrain, avant de constater que le pire s’était déjà produit".
S’exprimant par la même occasion, Mengot Victor ARREY-NKONGHO, le ministre Chargé de Missions à la Présidence de la République du Cameroun et élite de la Manyu déclarait : "Si les gens (séparatistes) estiment qu’ils sont entrain de lutter contre l’Etat du Cameroun, pourquoi cibler les pauvres populations ? Brûler leurs maisons, et tuer les enfants en plein sommeil " ?
Le Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique, une ong basée à Buea capitale du Sud-ouest anglophone décrit des actes d’une violence " cruelle et inhumaines perpétrée".
Massacre sur massacre
Le 14 février 2020, dans la région du sud-ouest, des éléments des forces gouvernementales et un groupe de comité de vigilance déployé pour une opération dans le village Ngarbuh sont accusées dans une tuerie, survenue au cours d’un accrochage avec des ambazoniens.
Selon les conclusions d’une enquête instruite par le chef de l’Etat pour faire toute la lumière sur ce drame, 13 civils constitués de trois femmes et dix enfants ont péri.
Le rapport explique que les trois militaires impliqués dans cette tuerie par erreur, "pris de panique, ont tenté de masquer les fait, avec l’aide des membres d’un comité de vigilance".
Par la suite, ils ont adressé à leur hiérarchie, " un compte-rendu volontairement biaisé, sur la base duquel, le gouvernement a initialement fondé sa communication".
Ces soldats ont été mis aux arrêts, et comparaissent depuis, au tribunal militaire de Yaoundé. Deux ans plus tard, la ville de Bamenda capitale du nord-ouest est le théâtre d’une fusillade meurtrière dans la nuit du 16 au 17 juillet.
Des hommes armés non identifiés habillés en trahis militaires ouvrent le feu sur un rassemblement des civils. Ils tuent au moins une dizaine de personnes et plusieurs autres sont blessées. L’attaque est revendiquée par des séparatistes.
Le 24 octobre 2020 à Kumba dans la région voisine du Sud-ouest près de 400 km de Yaoundé, un commando composé de séparatistes investit le campus de la Mother Francisca International Bilingual Academy, un établissement scolaire bilingue.
Il tire à balles réelles, et tue près de 10 personnes, dont sept élèves. Le 10 septembre 2021, le tribunal militaire a condamné quatre personnes inculpées, à la peine de mort.
Une guerre sans fin ?
Depuis 2017, le gouvernement du Cameroun et des groupes séparatistes anglophones livrent une guerre sanglante. Le conflit a pris une dimension armée à la suite d’une manifestation non autorisée des partisans de la sécession, qui voulaient célébrer la création d’un Etat imaginaire appelée "Ambazonie".
Un an plutôt en 2016, tout avait débuté par des revendications corporatistes des avocats et enseignants qui ont par la suite basculé progressivement vers des revendications sécessionnistes.
Le 1er octobre 2017, des séparatistes déclarent symboliquement l'indépendance des régions anglophones qu'ils nomment ‘’la république fédérale d'Ambazonie’’.
La manifestation est dispersée par des forces de défense. En représailles, une attaque à l’engin explosif placé par des séparatistes va faire trois morts, dont deux policiers en zone anglophone.
Le président camerounais Paul Biya s'exprimant pour la première fois sur la crise va déclarer : "le Cameroun est victime des attaques à répétition d'une bande de terroristes se réclamant d'un mouvement sécessionniste. Face à ces actes d'agressions, toutes les dispositions sont prises pour mettre hors d'état de nuire ces criminels".
En janvier 2018, des dirigeants séparatistes dont Sisiku Julius Ayuk Tabe sont arrêtés au Nigeria puis extradés au Cameroun.
En août 2019, ils sont condamnés à la prison à vie par un tribunal militaire de Yaoundé.