L'abattage des arbres à Sibang suscite l'inquiétude des défenseurs de l'environnement.

Par Firmain Eric Mbadinga

Dans les années 1930, l'aménagement du territoire au Gabon impliquait de placer les forêts, trésor écologique du pays, au centre de tout plan de développement.Libreville, la capitale, comptait alors quatre forêts indigènes, essentielles pour combiner l'utilité urbaine, l'esthétique et les besoins environnementaux d'une population en pleine croissance.

Des décennies plus tard, trois de ces forêts ont été reléguées au rang de pierres tombales statistiques. Là où il y avait autrefois des canopées vertes, des rangées de maisons et d'autres développements urbains profitent de cet héritage de déprédation.

La dernière forêt de Libreville, l'Arboretum de Sibang, semble également vivre en sursis. Alors que les guerriers verts du Gabon se battent pour éviter ce qu'ils craignent être une catastrophe imminente, l'appétit de la ville pour la destruction écologique semble insatiable.

Des priorités contradictoires

François Boussamba, militant écologiste, prédit un avenir sombre pour Libreville si Sibang venait à disparaître comme les trois autres forêts autour desquelles la ville s'est constituée.

"Les oiseaux qui nichaient ici ne trouvent plus d'endroit pour se reposer. La faune s'épanouissait autrefois dans ces bois. Ces animaux n'ont plus d'endroit où se cacher. Nous pourrions nous réveiller un jour et nous rendre compte que Sibang n'existe plus", explique-t-il à TRT Afrika.

Les 16 hectares de Sibang abritent environ 170 espèces végétales endémiques et certaines espèces menacées qui représentent la riche biodiversité du Gabon.

L'arboretum de Sibang abrite des espèces d'arbres rares.

La principale contribution écologique de cette forêt urbaine est son rôle dans la séquestration du carbone. Les diverses espèces d'arbres agissent comme des puits de carbone, absorbant le dioxyde de carbone de l'atmosphère et le stockant dans leur biomasse.

L'arboretum est également un lieu d'enracinement pour l'Okoumé, l'espèce d'arbre emblématique du Gabon, et l'Amorphophallus, une plante unique. Dans une ville comme Libreville, qui abrite 50 % de la population du pays, l'existence de l'arboretum depuis 1954 est un rempart contre la déforestation.

Une exploitation galopante

Christopher Abaga, menuisier et bûcheron, se rend souvent à l'arboretum pour ramasser ce qu'il appelle du bois mort."Nous savons qu'il est interdit de couper des arbres dans cette forêt. Nous attendons donc la moindre occasion pour le faire, car le bois déjà mort ne nous sert pas à grand-chose .", explique-t-il à TRT Afrika.

Abessolo, qui habite à proximité, est également un visiteur assidu. "Les écorces que je viens de ramasser sont utiles pour soigner les maux de dents. Ma sœur souffre d'un mal de dents sévère, alors je suis allé dans la forêt ce matin pour en ramasser", explique-t-il.

L'activiste Boussamba et ses compagnons travaillent sans relâche pour empêcher l'exploitation de la dernière forêt indigène de Libreville.

"Nous avons lancé plusieurs projets sur le terrain avec un double objectif : amener la jeune génération à se joindre à notre initiative et sensibiliser le grand public à la nécessité de sauver ce site", explique-t-il." Cet arboretum est sans aucun doute le plus grand centre d'éducation forestière du continent, situé au cœur du dernier grand bassin forestier d'Afrique.

Sibang subit la pression de l'agglomération des hommes autour de lui.

La lutte pour la conservation

Alpha Marah, qui dirige le département de protection des forêts de l'ONG environnementale La Lowé, est depuis trois ans à la pointe de la lutte contre le pillage et la destruction de cet écosystème. "L'importance de la conservation de Sibang dépasse les besoins domestiques ou économiques de ceux qui la détruisent. Nous devons traiter cette question de manière urgente", explique M. Marah à TRT Afrika."

''Pour le moment, nous sommes impliqués dans des missions de conseil, de formation et d'expertise à travers le pays. Nous recherchons des donateurs qui peuvent soutenir les efforts du Gabon pour préserver ses forêts. Nous travaillons pour que la diversité des essences de bois soit développée pour les générations futures".

Depuis l'indépendance du Gabon en 1960, l'arboretum est géré par l'Institut de Recherches Agronomiques et Forestières et l'Institut de Pharmacopée et de Médecine Traditionnelle, qui dépendent tous deux du ministère de la Recherche scientifique.

Henri Bourobou, directeur de l'Institut de médecine traditionnelle, estime que sans alternative aux ressources en bois, il sera difficile d'arrêter l'abattage des arbres à Sibang.

"Sibang est entouré de quartiers dont les habitants l'exploitent. Il est difficile d'y échapper", explique M. Bourobou à TRT Afrika.

La perte du couvert forestier

Mongabay, une organisation internationale de protection de l'environnement, rapporte que le Gabon perd chaque année plus de 10 000 hectares de forêt à cause de l'exploitation incontrôlée.

Ghislain Moussavou, du service de protection de la faune du ministère gabonais des Eaux et Forêts, estime que la collaboration avec les ONG locales et les partenaires privés est utile pour préserver les espaces verts tels que l'Arboretum de Sibang.

Depuis 2002, le Gabon a consacré 11 % de son territoire à la protection de l'environnement et a fait passer le nombre de parcs nationaux de sept à vingt. Selon diverses études, près de 20 % des espèces végétales du Gabon n'existent nulle part ailleurs dans le monde. Certaines de ces plantes rares sont recensées parmi les 170 espèces d'arbres de l'Arboretum de Sibang.

TRT Afrika