Par Mamadou Dian Barry
Le gouvernement du Cameroun conteste le dernier rapport d’Amnesty International qui accuse les forces de défenses et de sécurité et les séparatistes d’avoir commis des "atrocités" dans la région du Nord-Ouest.
"Nous le contestons parce qu’en (élaborant) ce rapport, Amnesty International ne vient jamais voir le gouvernement sur cette question. C’est un rapport à charge. Ils ne sont jamais venus ni vers nous (le gouvernement) ni vers le ministère de la défense. Ils vont voir tout le monde sauf le gouvernement. Ce n’est donc pas un rapport contradictoire", a déclaré Denis Omgba Bomba, directeur de l’Observatoire national des médias, organe rattaché au ministère de la Communication, joint par TRT Afrika.
Les forces de sécurité, les rebelles séparatistes et les miliciens ethniques ont commis des "atrocités" dans cette région du Cameroun, notamment des exécutions, des actes de torture et des viols, a déclaré Amnesty International mardi.
Le rapport de l’ONG souligne que "l’armée camerounaise a commis de graves violations des droits humains, notamment des homicides illégaux, des violences sexuelles, des destructions d’habitations et le harcèlement et la détention de ceux qui dénoncent la crise".
Quant aux séparatistes, le document note qu’ils "ont commis des crimes graves relevant du droit interne tels que des meurtres, des enlèvements, des actes de torture et de destruction de maisons".
Une guerre asymétrique
"Le rapport nous pose un problème du point de vue technique parce que si Amnesty veut bien faire son travail, il est de bon ton qu’ils auditionnent tout le monde y compris l’armée, ce qui n’a pas été fait", regrette M. Bomba.
"Sur le fond, c’est une guerre asymétrique où la nature et la matière dont ces bandits sécessionnistes et tous les acteurs agissent et opèrent ne permettent pas d’avoir une analyse froide de la situation. Ils se cachent dans toutes formes de présentations physiques qui peuvent ouvrir, entrainer toutes sortes de choses", relativise le responsable camerounais.
"Ce sont des redites et c’est un rapport qui fait abstraction de la réalité du terrain. Ce rapport ne dit pas combien de soldats ont été assassinés au courant de l’année en question, ni combien de hauts responsables de la République ont été tués. Donc c’est un rapport qui n’est pas sincère, un rapport à charge dont le gouvernement prend ses distance", insiste M. Bomba.
Les demandes de rencontre avec des ministres du gouvernement n'ont pas reçu de réponse, a indiqué l'organisation.
Les Mbororo pris pour cible
La nouvelle enquête d’Amnesty International fait la lumière sur les milices de la région du Nord-Ouest qui sont issues de la communauté Mbororo, des éleveurs peuls ayant une longue histoire de conflit avec les agriculteurs sédentaires.
Les civils sont "pris en étau entre l'armée, les séparatistes armés et les milices", indique le rapport.
"Les populations Fulani Mbororo ont été rapidement prises pour cible par les séparatistes armés, en partie parce qu'elles sont perçues comme soutenant les autorités au pouvoir", note le document.
Il indique qu’"au fur et à mesure que la situation se détériorait, des milices composées principalement de Mbororo Fulani, soutenues ou tolérées par les autorités, ont commis des abus à l'encontre de la population".
Le rapport fait également état de meurtres, de viols et de destructions de biens perpétrés par les forces de défense et de sécurité elles-mêmes.
"Le gouvernement a annoncé l'ouverture d'enquêtes sur les violations des droits de l'homme commises par des éléments des forces armées. Cependant, dans de nombreux cas, aucune information supplémentaire n'a été communiquée, ce qui suscite des inquiétudes quant à l'impunité", détaille l’ONG.
L’armée assume ses responsabilités
Amnesty a indiqué que le rapport était basé sur deux missions effectuées en novembre 2022 et en mars 2023, au cours desquelles ses enquêteurs se sont entretenus avec plus de 100 victimes de crimes ainsi qu'avec des journalistes et des militants des droits de l'homme.
"Ce rapport, outre mesure, n’apporte pas d’informations important et particulières. Ce sont des redites, ce sont des choses qui reviennent de manière permanente. Nous souhaitons que le gouvernement soit auditionné quand ils font ce travail. Que nous puissions apporter notre réponse à ces allégations", affirme M. Bomba.
Il assure que "l’armée a toujours pris ses responsabilités lors que des actes de telle nature sont reconnues comme telles".
Le tribunal militaire de Yaoundé a rendu, en septembre 2020, le verdict du procès de sept soldats accusés d’exécutions sommaires, en 2015, de deux femmes et de leurs enfants dans la localité de Zeleved à l’Extrême-Nord du Cameroun.
Le conflit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest voisin a fait environ 6 000 morts et forcé plus d'un million de personnes à quitter leur foyer, selon une estimation du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).