Des personnes se rassemblent près d'une voiture renversée dans le quartier du Motor Pool sur Tuband à Nouméa - AFP

L'armée française s'est déployée jeudi en Nouvelle-Calédonie après trois nuits de violentes émeutes qui ont fait quatre morts, dont un gendarme, et plongé le territoire du Pacifique sud dans une profonde crise, sur fond de révolte contre une réforme électorale controversée.

Selon le Louis Le Franc, des "affrontements très importants" ont toutefois été encore constatés dans ce territoire secoué par une fronde des indépendantistes contre une réforme électorale.

Tout en dénonçant les violences, le président Emmanuel Macron prône "la nécessité d'une reprise du dialogue politique" dans ce territoire colonisé par la France au XIXe et a proposé aux élus de Nouvelle-Calédonie un échange en visioconférence jeudi.

Les violentes émeutes qui secouent l'île depuis de premières altercations lundi en marge d'une manifestation ont fait quatre morts, dont un gendarme de 22 ans touché à la tête par un tir. Plusieurs centaines d'autres personnes ont été blessées, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Un gendarme a été tué ce jeudi matin en Nouvelle-Calédonie à la suite "d'un tir accidentel", portant à cinq, dont deux gendarmes, le nombre de morts dans l'archipel depuis le début des émeutes lundi, a annoncé le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin, relayé par la presse locale.

"Le gendarme décédé ce matin a été tué par un tir accidentel de l'un de ses collègues", rapporte pour sa part Le Figaro, citant une source au sein de la gendarmerie.

"Le calme n'est pas rétabli partout", a par ailleurs indiqué Darmanin au micro de France 2, annonçant l'assignation à résidence -en vertu de l'état d'urgence décrété par le président Macron- de "dix leaders mafieux".

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64 gendarmes et policiers ont été blessés depuis lundi, a précisé jeudi Louis Le Franc, qui avait qualifié la veille la situation "d'insurrectionnelle". Les forces de l'ordre ont procédé à "plus de 206 interpellations", selon M. Darmanin.

"Le gendarme décédé ce matin a été tué par un tir accidentel de l'un de ses collègues", rapporte pour sa part Le Figaro, citant une source au sein de la gendarmerie.

"Le calme n'est pas rétabli partout", a par ailleurs indiqué Darmanin au micro de France 2, annonçant l'assignation à résidence -en vertu de l'état d'urgence décrété par le président Macron- de "dix leaders mafieux".

Face à ces violences, la présidence française a instauré mercredi l'état d'urgence, régime d'exception qui permet notamment d'interdire déplacements ou manifestations. Et le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé un déploiement militaire qui doit permettre de "sécuriser" les ports et l'aéroport de Nouméa, fermé depuis lundi.

Louis Le Franc, qui a imposé un couvre-feu, a ajouté jeudi qu'"un pont aérien" entre l'Hexagone et le territoire allait permettre d'acheminer rapidement des renforts de sécurité mais aussi du matériel.

Dix "leaders" de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS), ont par ailleurs été assignés à résidence, selon M. Darmanin. Cette organisation "est mafieuse, violente, commet des pillages, des meurtres", a-t-il affirmé jeudi sur la chaîne France 2.

Pillages et incendies

Si la nuit a été moins violente, l'agglomération de Nouméa a de nouveau été la proie des pillages et des incendies, selon Louis Le Franc. C'est là que des riverains ont commencé à organiser la protection de leurs quartiers et érigé des barricades de fortune, sur lesquelles ils ont planté des drapeaux blancs.

"Il y a aussi des pièges tendus aux forces de l'ordre", qui ont subi des "tirs nourris de carabines de grande chasse", a-t-il déclaré.

Symbole de cette flambée de violence, le quartier pauvre d'Auteuil, où des tirs nourris résonnaient encore au petit matin, porte encore les traces des émeutes, a constaté un correspondant de l'AFP, avec son supermarché incendié, ses commerces et restaurants brûlés et pillés.

"Nous venons ramasser ce qu'il y a dans les magasins pour manger. Après, nous n'aurons plus de magasin. On a besoin de lait pour les enfants. Je ne considère pas que ce soit du pillage", a jugé auprès de l'AFP une habitante d'Auteuil, qui a requis l'anonymat.

La violence, "on est obligé de passer par là, de tout péter parce qu'on n'est pas entendu", a assumé un jeune homme, qui a également refusé de donner son nom.

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Faute d'approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires provoquent de très longues files d'attente devant les magasins.

Point de crispation de la colère des indépendantistes, le projet de réforme constitutionnelle sur le corps électoral a été adopté par les députés à Paris dans la nuit de mardi à mercredi.

Ce texte vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel, à tous les natifs calédoniens et aux résidents depuis au moins dix ans. Les partisans de l'indépendance jugent que ce dégel risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".

Jeudi, le ministre de l'Intérieur a par ailleurs accusé l'Azerbaïdjan d'ingérence en Nouvelle-Calédonie. "Ce n'est pas un fantasme, c'est une réalité", a déclaré M. Darmanin, déplorant "qu'une partie des indépendantistes calédoniens aient fait un deal avec l'Azerbaïdjan".

L'Azerbaïdjan, en froid avec Paris, avait convié à Bakou en juillet 2023 les indépendantistes de Nouvelle-Calédonie et d'autres territoires français d'Outre-mer.

AFP