Vladimir Poutine a, une fois de plus, mis en garde l’Occident.
"Ils (les Occidentaux) ont parlé de la possibilité d'envoyer en Ukraine des contingents militaires occidentaux (...) Mais les conséquences de ces interventions seraient vraiment plus tragiques".
"Nous aussi, nous avons des armes capables d'atteindre des cibles sur votre territoire", a déclaré le président russe lors de son discours à la nation ce jeudi, à deux semaines des présidentielles en Russie.
Il a affirmé que les menaces occidentales créent un "risque réel de conflit nucléaire". Ces déclarations surviennent au lendemain d’un discours du président français évoquant l’envoi éventuel de troupes au sol en Ukraine.
La possibilité d’un tel scénario a été évoquée lors d’un sommet de soutien à l’Ukraine réunissant, lundi dernier à Paris, 21 chefs d’État sous la présidence d’Emmanuel Macron.
Un sommet convoqué en urgence alors que l’Ukraine est en difficulté sur le terrain. Bien que Macron ait insisté sur le fait que cette décision ne fait pas consensus, notamment entre Européens, les alliés de la France se sont désolidarisés. Berlin, Washington et Madrid ont exclu cette possibilité, en insistant sur le fait qu’aucun soldat ne serait mobilisé. De même pour l’Otan.
Sans surprise, les propos de Macron ont été salués côté ukrainien, le porte-parole de l’ambassade de Russie en France, Alexander Makogonov, a, quant à lui, déclaré à BFMTV que l’envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine serait franchir "la ligne rouge parce que ça peut déclencher la Troisième Guerre mondiale, et ça sera la guerre entre les puissances nucléaires".
"Deux poids deux mesures"
La classe politique française est également montée au créneau. Jean-Luc Mélenchon a jugé que "la guerre contre la Russie serait une folie", tandis qu’Olivier Faure a pointé "l’inquiétante légèreté présidentielle".
L’ancien Premier ministre français, Dominique De Villepin, quant à lui, a estimé que la déclaration d’Emmanuel Macron est venue "introduire à contretemps un élément d'incertitude", créant une "confusion regrettable".
"Nous sommes dans un monde beaucoup plus dangereux qu’hier. Ce monde voit une accélération et une aggravation des crises, et la France doit avoir un rôle de médiateur", a-t-il lancé, sur la chaîne d’information française, BFMTV. De Villepin estime que la France "pratique un deux poids deux mesures" sur les conflits en Ukraine et au Proche-Orient. Nous devons corriger cela”, a t-il insisté tout en appelant à défendre une solution politique à Gaza.
Changement de cap stratégique
La déclaration de Macron est d’autant plus étonnante car, depuis le début du conflit, l’envoi de troupes en Ukraine était une ligne rouge fixée par le président français lui-même. Comment expliquer un tel revirement ? La France envisage-t-elle sérieusement de s'engager dans un conflit avec la Russie ? Pour Jean Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), "il semble difficile d'envisager les choses différemment".
"Si vous envoyez des troupes sur le terrain, ces troupes vont participer aux bombardements contre les Russes mais seront également bombardées par les Russes", assure Maulny qui est responsable des questions liées à la politique de défense à l’IRIS.
Interviewé par le géopolitologue français et directeur de l’IRIS, Pascal Boniface, sur sa chaîne youtube, Jean Pierre Maulny affirme que ce changement de cap vise à "regonfler les Ukrainiens et à dissuader les Russes d’accroître leur pression".
Il note également qu’il y a eu un changement dans le discours officiel de Macron : "jusqu'à présent, le discours était de dire que la Russie ne doit pas gagner la guerre. L'Ukraine, ses frontières internationales reconnues sont ce qu'elles sont. Et c’est aux Ukrainiens de décider quel sera finalement l'objectif et donc pas nécessairement la reconquête totale de l'Ukraine. Le discours a changé aujourd’hui".
Emmanuel Macron, critiqué notamment par les Polonais pour être trop mou dans son soutien avec l’Ukraine, souhaiterait aujourd’hui prendre le rôle de leader de l’Europe dans l’aide à l’Ukraine, analyse Pascal Boniface.
Pour Jean Pierre Maulny, il y a donc eu un virage stratégique de la France depuis le discours de Macron à Bratislava, avec une stratégie politique double, celle d’échanger d’une part avec Poutine tout en aidant l’Ukraine d’une autre part.
Lorsque Macron a rompu le dialogue avec Poutine, "le choix s’est effectivement porté sur le soutien le plus grand à l'Ukraine et sur la volonté de paraître aux yeux des autres pays européens, notamment les pays d'Europe de l'Est, de l'Europe du Nord et puis les pays baltes, comme le meilleur défenseur de l'Ukraine et, au fond, le meilleur défenseur aussi de ces pays-là".