La Knesset (parlement) israélienne a approuvé, lundi soir, l'interdiction des activités de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) dans les territoires palestiniens occupés.
“La plénière de la Knesset a approuvé, ce soir (lundi) en deuxième et troisième lectures, deux lois prévoyant la cessation des activités de l'UNRWA en Israël, dont certains employés sont soupçonnés d'avoir participé au massacre du 7 octobre (2023)”, a rapporté le journal Yedioth Ahronoth.
Tout projet de loi doit faire l'objet de trois lectures à la Knesset pour avoir force de loi.
“92 députés (sur 120 à la Knesset) ont voté en faveur d'un projet de loi visant à interdire les activités de l'UNRWA en Israël, tandis que 10 s'y sont opposés“, selon la même source.
Selon la loi adoptée, “l'UNRWA n'aura aucune représentation, ne fournira aucun service et n'exercera aucune activité, directement ou indirectement, sur le territoire souverain de l'État d'Israël”.
Elle prévoit également ”qu’il sera mis fin à l'activité de l'UNRWA à Jérusalem-Est et ses pouvoirs seront transférés sous la responsabilité et le contrôle d'Israël“.
Interdiction et annulation des prestations
La deuxième loi approuvée stipule qu’Israël rompra tout lien avec l'UNRWA, les autorités ne coopéreront pas avec elle et elle n'aura pas droit aux avantages dont elle a bénéficié jusqu'à présent, indique le Yedioth Ahronoth.
Selon le second texte, approuvé par une majorité de 88 députés, “l'accord de 1967 qui autorisait l'UNRWA à opérer en Israël sera annulé, et par conséquent les activités de l'agence dans le pays et dans les territoires palestiniens occupés cesseront, et tout contact entre les fonctionnaires israéliens et ses employés sera interdit“.
La loi prévoit également que les employés de l'UNRWA ne se verront plus accorder de visas diplomatiques, selon la même source.
Avec l'adoption de ces deux lois, les ministères israéliens des Affaires étrangères et de l'Intérieur ne pourront plus délivrer de visas d'entrée aux employés de l'UNRWA, et les fonctionnaires des douanes israéliennes ne pourront plus prendre en charge les marchandises importées par l'agence.
Les avantages fiscaux de l'UNRWA seront également annulés et l'agence perdra le statut et l'immunité diplomatiques dont elle jouit depuis 1967, selon le Yedioth Ahronoth.
Pour rappel, le 22 juillet dernier, la plénière de la Knesset avait approuvé, en première lecture, l'interdiction des activités de l'UNRWA dans les territoires palestiniens occupés et la révocation de l'immunité accordée à ses employés.
“Malgré le large soutien apporté au projet de loi, au sein de la coalition et de l'opposition, on craint qu'il ne soit reporté parce que le Premier ministre Benyamin Netanyahu est soumis depuis quelques semaines à de fortes pressions de la part des Nations unies et des Etats-Unis, en raison de l'absence d'un organisme alternatif apportant une réponse humanitaire aux Palestiniens de Gaza“, révèle le Yedioth Ahronoth.
En effet, dimanche 27 octobre, de hauts fonctionnaires du ministère israélien des Affaires étrangères ont averti que si la loi prévoyant la rupture des liens avec l'UNRWA était adoptée en deuxième et troisième lecture à la Knesset, Israël risque d’être suspendu aux Nations unies, car il s'agit d'une violation de la charte de l'organisation, selon la même source.
António Guterres préoccupé
Le Secrétaire général de l’ONU a aussitôt réagi. “Je suis profondément préoccupé par l'adoption aujourd'hui par la Knesset d'Israël de deux lois concernant l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qui, si elles sont appliquées, empêcheront probablement l'UNRWA de poursuivre son travail essentiel dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, comme l'a demandé l'Assemblée générale des Nations unies”, a déclaré António Guterres dans un communiqué.
Une autre loi, approuvée par les législateurs par 87 voix contre 9, prévoit qu'Israël coupe tous les liens avec l'UNRWA, interdisant toute coopération ou privilège que l'agence détenait auparavant.
La législation entrera en vigueur dans 90 jours.
Soulignant que l'application de ces lois serait “préjudiciable“ à la résolution du conflit israélo-palestinien ainsi qu’à la paix et à la sécurité dans l'ensemble de la région, il a réaffirmé que l'UNRWA était “indispensable”.
“L'UNRWA est le principal moyen par lequel une assistance essentielle est fournie aux réfugiés palestiniens dans le territoire palestinien occupé. Il n'y a pas d'alternative à l'UNRWA“, a insisté Guterres.
Il a averti que la mise en œuvre des lois “pourrait avoir des conséquences dévastatrices” pour les réfugiés dans le territoire palestinien occupé, ce qui est “inacceptable“.
“J'appelle Israël à agir conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la Charte des Nations unies et aux autres obligations qui lui incombent en vertu du droit international, y compris le droit international humanitaire et les obligations relatives aux privilèges et immunités des Nations unies.
“Une législation nationale ne peut modifier ces obligations“, a-t-il martelé.
Inquiétude internationale et américaine
Les ministres des Affaires étrangères du Canada, de l'Australie, de la France, de l'Allemagne, du Japon, de la Corée du Sud et du Royaume-Uni ont publié, suite à cette démarche, une déclaration commune appelant Israël à renoncer à cette législation et exprimant leur “profonde inquiétude“, notamment à la lumière de la situation humanitaire à Gaza.
“L'UNRWA fournit une assistance humanitaire vitale et des services essentiels aux réfugiés palestiniens à Gaza, à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et dans toute la région”, indique le communiqué, ajoutant : “Cela aurait des conséquences dévastatrices sur la situation humanitaire déjà désastreuse, qui se détériore rapidement, en particulier dans le nord de Gaza“.
Le porte-parole du département d'État des États-Unis, Matthew Miller, a déclaré que Washington “a clairement fait savoir à Israël qu'ils étaient profondément préoccupés par la législation qui interdirait les activités de l'agence à Gaza, car elle y tient un rôle d'assistance humanitaire irremplaçable“.
L'Irlande, la Norvège, la Slovénie et l'Espagne ont "condamné", à leur tour, dans un communiqué commun le vote au Parlement israélien de ladite loi.
Allégations israéliennes
Israël accuse les employés de l'UNRWA d'avoir contribué aux incursions du 7 octobre 2023 et affirme que “le système éducatif de l'Office soutient le terrorisme et la haine“.
Le Hamas a lancé, en octobre de l’année dernière des attaques contre des bases militaires et des colonies situées à proximité de Gaza, en réponse aux “crimes quotidiens de l'occupation contre le peuple palestinien et ses lieux saints, en particulier la mosquée Al-Aqsa“, selon le mouvement de résistance palestinien.
L'UNRWA, dont le siège se trouve dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est, nie les accusations d'Israël, soulignant sa neutralité et le fait que son action se concentre exclusivement sur l'aide aux réfugiés.
Dans son premier commentaire, le commissaire général de l'UNRWA, Philippe Lazzarini, a déclaré, lundi, que la décision de la Knesset d'interdire “nos activités était inédite, créait un dangereux précédent et allait à l'encontre de la Charte des Nations unies“.
Les Palestiniens ont de plus en plus besoin des services de l'UNRWA dans le contexte du génocide perpétré par Israël à Gaza depuis le 7 octobre 2023, qui a fait plus de 43 000 morts et plus de 101 000 blessés.
Tel-Aviv poursuit ce génocide, faisant fi des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU exigeant un cessez-le-feu immédiat et des injonctions de la Cour internationale de Justice de mettre fin à l'invasion de Rafah (sud), de prendre des mesures pour prévenir les actes à caractère génocidaire et d'améliorer la situation humanitaire désastreuse qui règne à Gaza.
Israël brave également la demande du procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, de délivrance de mandats d'arrêt à l'encontre de son Premier ministre Benyamin Netanyahu et de son ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour leur responsabilité dans les “crimes de guerre“ et les “crimes contre l'humanité“ commis à Gaza.